Édition du 21 octobre 2002 / Volume 37, numéro 8
 
  Un «Choc» pour Brigitte Desrosiers
Deux disques de l’ethnomusicologue obtiennent une mention du magazine Le Monde de la musique.

 

Après avoir fait sa maîtrise sur la musique de la Réunion, Brigitte Desrosiers entreprend son doctorat sur la musique de l'île Rodrigue, située au large de l'Île Maurice. 

Il est très rare qu’un enregistrement ethnologique ait la cote dans les revues musicales. Pourtant, deux disques sous étiquette Takamba consacrés à la musique de l’île Rodrigues obtenaient récemment la mention «Choc» dans le prestigieux magazine français Le Monde de la musique. Ils ont été réalisés par l’ethnomusicologue Brigitte Desrosiers, étudiante au doctorat à la Faculté de musique.

Tout a commencé par un coup de foudre, celui de la chercheuse pour les musiques des îles créoles formant l’archipel des Mascareignes: la Réunion, Maurice et Rodrigues. C’est Monique Desroches, professeure à la Faculté et elle-même spécialiste de la musique indo-créole dans les Antilles-Caraïbes, qui a aiguillé Brigitte Desrosiers sur cette voie.

«Alors que je faisais ma maîtrise avec elle, Mme Desroches m’a envoyée à la Réunion travailler dans une mission de recherche. Puisqu’il s’agit d’un département français, il existe une entente entre l’Université de Montréal et celle de la Réunion. J’en ai profité pour réaliser un terrain et m’intéresser aux traditions musicales de la région. C’est une musique qui m’a énormément plu. Quand j’ai terminé ma maîtrise, j’ai décidé d’y consacrer mon doctorat, mais en changeant d’île.»

Elle passe alors à l’île Maurice, d’où elle découvre qu’en franchissant 600 kilomètres supplémentaires elle aurait accès à un territoire encore plus riche de traditions, celui de l’île Rodrigues. «C’est un lieu qui est resté relativement protégé jusqu’ici, pour des raisons économiques. Il n’y a pas de grandes plantations, il s’y est développé plutôt une culture maraîchère. La télévision n’est arrivée que depuis 10 ans, et il y a peu de temps que l’avion s’y rend régulièrement. Ce qui m’a intéressée dès le début, c’est le lien entre la musique et l’identité. Ce que j’avais remarqué à l’île de la Réunion, qui est une société créole, donc qui connaît certaines tensions culturelles et ethniques, c’est que les groupes sociaux s’accrochent à des genres musicaux qui les représentent. Quand la musique est destinée à devenir un emblème identitaire et national, il y a des choses qui se cristallisent, il survient un déclin d’une pratique vivante. Je me suis donc penchée sur le phénomène de la revitalisation.»

L’île Rodrigues offrait un espace tout désigné pour cette quête ethnomusicologique, son isolement lui ayant permis de préserver certaines pratiques, particulièrement chez les plus âgés. «Bien sûr, des choses se sont perdues. Mais des gens là-bas, des Rodriguais, qui étaient allés étudier à l’île Maurice se sont aperçus, en revenant chez eux, qu’ils possédaient une culture distincte de celle des Mauriciens. Ils ont donc décidé de la ramener sur la place publique. Et comme cela ne faisait pas tellement longtemps que cette culture s’était éteinte, ceux qui portaient cette musique étaient encore vivants.»

Brigitte Desrosiers enregistre durant des mois une grande variété de chants avec accompagnements de tambour, rassemblés sous l’appellation de sega tanbur. Le sega kordeon — musique pour accordéon qui est une création locale et qu’on ne retrouve pas ailleurs — retient également son attention. «Je voulais transmettre l’impression de la diversité musicale qui a existé dans cette île avant qu’elle s’ouvre sur le monde», explique la musicologue.

À son retour à la Réunion, elle rencontre Alain Courbis, directeur du Pôle régional des musiques actuelles de la Réunion (PRMA). «Il s’est montré très intéressé par mes enregistrements. Le PRMA veut jouer son rôle de phare culturel, et un de ses mandats est de préserver et de diffuser le patrimoine de la région. Le projet de disque a donc été accepté et nous avons décidé que les photos de Manu Magueresse, qui avait fait un peu de terrain avec moi, illustreraient la pochette.»

Une fois à Montréal, la musicologue entre en préproduction aux côtés de Myke Roy, responsable du secteur électroacoustique à la Faculté, auquel elle avoue devoir une fière chandelle. Le graphisme est conçu à la Réunion. Pour les livrets, on a laissé carte blanche à la réalisatrice. «Je suis peut-être une des rares réalisatrices de disques de musique ethnique qui ait reçu un tel traitement de faveur. C’est une Cadillac qu’ils m’ont donnée», témoigne-t-elle avec émotion. En parlant de la mention «Choc» du Monde de la musique, Brigitte Desrosiers s’émeut encore. «Quand je l’ai su, j’ai pleuré, je ne pouvais pas croire que c’était de mon travail qu’on parlait!»

Dominique Olivier
Collaboration spéciale



 
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