Édition du 4 novembre 2002 / volume 37, numéro 10
 
  Le stress peut entraîner une puberté précoce
La précocité et le libéralisme à l’égard de la sexualité peuvent entraîner des pratiques sexuelles à risque.

 

Line Tremblay à de la collation solennelle des grades de juin dernier. 

«Cest un fait reconnu: depuis un siècle, l’âge de la puberté chez les filles est à la baisse. Différentes hypothèses, dont une alimentation améliorée et la présence d’hormones de croissance dans la viande, ont été avancées pour expliquer le phénomène. Une autre conjecture, moins connue, relie le phénomène au stress contextuel.

«Le stress contextuel désigne le stress psychologique associé au contexte familial dans lequel vit l’enfant, explique Line Tremblay. En milieu socioéconomique défavorisé par exemple, le stress que vivent les parents se répercute sur l’enfant et peut avoir un effet sur sa maturité sexuelle.»

Actuellement au Québec, l’âge moyen de la maturité sexuelle chez les filles se situe à 12 ans, soit l’âge de la première menstruation. On considère comme précoce une menstruation qui survient au moins un an et demi plus tôt. Dans certains cas extrêmes, des fillettes de cinq ans connaissent déjà leurs premières règles.

Stress et précocité

L’hypothèse de stress contextuel pour expliquer la précocité sexuelle a été proposée au début des années 90 par une équipe de psychologues évolutionnistes que dirige Jay Belsky, de l’Université de Londres. Alors que le stress environnemental, comme celui causé par une mauvaise alimentation, retarde la puberté, le stress contextuel accélérerait au contraire son développement.

Line Tremblay a voulu soumettre cette hypothèse à l’épreuve du test dans le cadre de son doctorat sous la direction de Jean-Yves Frigon, du Département de psychologie. À partir des banques de données du Groupe de recherche sur l’inadaptation psychosociale chez l’enfant, la chercheuse, qui est maintenant professeure à l’Université laurentienne, a analysé une série d’informations touchant près de 350 jeunes filles francophones âgées de 10 à 17 ans. Elle a tenu compte non seulement du stress contextuel, mais également des troubles du sommeil, des conflits des jeunes avec leur entourage, de la supervision parentale, de la masse corporelle, des connaissances et des attitudes à l’égard de la sexualité. Aucune étude n’avait jusqu’ici considéré l’âge de la puberté comme une variable dépendante de l’ensemble de ces facteurs.

Les données recueillies de façon longitudinale confirment l’hypothèse de Jay Belsky. «Les jeunes filles qui rapportent un niveau supérieur de stress atteignent la puberté plus tôt que les autres», affirme Line Tremblay.

L’étude montre aussi, comme on pouvait s’y attendre, que plus la puberté est précoce, plus la sexualité active survient tôt. «Et les relations sexuelles survenues avant l’âge de 15 ans sont considérées comme un comportement à risque parce que plus on est jeune, moins on recourt à la contraception et plus les risques de grossesse et de MTS sont élevés», souligne la chercheuse.

La prévention n’y fait rien

L’attitude à l’égard de la sexualité apparaît également comme un facteur déterminant de la conduite. Plus l’attitude est libérale, moins la jeune fille utilisera un moyen de contraception. Cette attitude est un meilleur indice de comportement à risque que l’imitation des pairs. Par ailleurs, les connaissances sur la sexualité ne change rien aux pratiques à risque et les programmes de prévention ne semblent pas avoir d’effet sur de tels comportements.

Ceci pourrait être dû au développement cognitif propre à cet âge: «L’égocentrisme du début de l’adolescence porte le jeune à se croire différent des autres et à se voir comme à l’abri des risques», indique Mme Tremblay.

Son étude montre finalement que les parents des jeunes filles précoces éprouvent des problèmes de supervision avec leurs adolescentes. «Généralement, les parents assouplissent le contrôle qu’ils exercent sur leur fille au fur et à mesure qu’elle vieillit. Mais les parents de jeunes filles précoces ont des difficultés à moduler leur supervision et démontrent un manque de flexibilité.»

Ces attitudes rigides sont elles aussi associées au stress contextuel, ce qui appuie un autre aspect de l’hypothèse évolutionniste selon lequel les éléments stressants entraînent des interventions parentales inadéquates.

Daniel Baril



 
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