Édition du 4 novembre 2002 / volume 37, numéro 10
 
  Les enfants uniques sont plus sujets à l’hyperactivité
Dans sa thèse, Jacques Marleau a étudié l’influence du rang dans la fratrie.

 

Jacques Marleau, chercheur à l’institut Philippe-Pinel de Montréal, est lui-même un enfant unique. 

Les enfants uniques ont plus de comportements hyperactifs que ceux qui ont un ou plusieurs frères et sœurs. À des degrés divers, ils remuent sans cesse, sont incapables de se concentrer, sont impulsifs, éprouvent de la difficulté à attendre leur tour dans un groupe et sont inattentifs.

«C’est particulièrement vrai des garçons âgés de quatre à neuf ans», signale Jacques Marleau, dont la thèse de doctorat déposée récemment à la Faculté de médecine portait sur les caractéristiques comportementales des enfants selon la taille et le rang de la naissance.

Toutefois, lorsqu’un enfant a un frère ou une sœur, il présente plus de symptômes d’agressivité que s’il vit seul avec ses parents. Il se bagarrera donc plus souvent, menacera les autres et cherchera à les frapper, les mordre ou leur donner des coups de pied. Ainsi, les enfants uniques seraient moins agressifs. Dans les familles de deux enfants, les symptômes d’hyperactivité se déplacent vers le cadet, tandis que l’aîné manifeste plus souvent des symptômes de troubles intériorisés (angoisse, inquiétude, tristesse).

Pour parvenir à ces résultats, Jacques Marleau a analysé, avec l’aide de Jean-François Saucier, professeur au Département de psychiatrie, les données de l’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes (ELNEJ), qui a permis de recueillir en 1994 et 1995 des renseignements sur 23 000 enfants canadiens de 0 à 11 ans. L’échantillon utilisé par M. Marleau pour ses différents travaux comptait 9400 enfants dont environ huit pour cent étaient uniques, nés de parents vivant toujours ensemble.

Pour M. Marleau, les enfants uniques occupent une place particulière au sein des familles modernes. «Lorsque les parents n’ont qu’un seul enfant, ils ont tendance à être moins autoritaires que s’ils en ont plusieurs. Les garçons et les filles adoptent donc des comportements moins encadrés, d’où l’hyperactivité. Peut-être pourrait-on même attribuer la hausse des prescriptions de Ritalin à une plus grande proportion d’enfants uniques dans notre société…»

Une mine d’or

L’ELNEJ contient de l’information très précise sur les comportements des enfants et leurs rapports avec leurs parents. Elle constitue donc une véritable mine d’or pour un chercheur comme Jacques Marleau, qui possède une triple formation en anthropologie, démographie et sciences biomédicales. Grâce à des questions sur l’attitude de la mère à l’égard de l’enfant, le chercheur a découvert que les mères ont en moyenne un plus grand nombre d’interactions positives et moins d’interactions hostiles ou punitives avec les enfants uniques. Elles ont davantage tendance à féliciter, jouer, rire et partager leurs loisirs qu’à élever la voix, infliger des punitions corporelles ou se mettre en colère.

La seconde partie du doctorat de M. Marleau se penche sur les différences entre les aînés et les cadets de même sexe dans les familles de deux enfants. Il a analysé différentes variables comme l’hyperactivité et la fréquence des agressions physiques, mais aussi les atteintes à la propriété («destruction d’objets, vols, vandalisme», etc.) et les relations mère-enfant.

Résultat: les parents qui ont deux garçons peuvent s’attendre à de la casse. Les données sur les fratries masculines (garçon-garçon) montrent que les aînés manifestent plus de symptômes intériorisés et ont moins d’interactions positives avec leur mère que les cadets. De plus, on constate que les cadets sont plus irrespectueux du principe de la propriété. Au contraire dans les fratries féminines, les cadettes présentent plus de symptômes d’hyperactivité.

La combinaison parfaite

Certaines familles risquent davantage de connaître des problèmes de délinquance ou de troubles intériorisés si l’on tient compte du nombre d’enfants et de la combinaison garçon-fille. Les familles composées d’un seul garçon, d’une fille, d’un garçon et d’une fille (dans cet ordre) ou de deux garçons sont plus «à risque» que les autres de connaître des symptômes intériorisés comme l’hyperactivité, l’agressivité directe et les atteintes à la propriété. L’auteur en est venu à cette conclusion après avoir comparé les données de 14 combinaisons fraternelles.

Le même type de classement a été fait pour les trois dimensions de la relation mère-enfant («interactions positives», «comportements hostiles» et «comportements punitifs»). La combinaison fille-fille-garçon est celle qui présente le moins d’interactions positives. En ce qui a trait aux comportements hostiles et aux comportements punitifs, ce sont les familles composées de deux garçons, puis celles constituées d’une fille et d’un garçon suivies de celles où il y a deux filles qui posent le plus de problèmes. C’est dans ces familles que la mère recourt le plus à des comportements négatifs.

Existe-t-il des combinaisons gagnantes? C’est dans les familles formées de trois enfants, garçon-fille-garçon, qu’on trouve le moins d’atteintes à la propriété. Dans les fratries composées de trois garçons, on observe beaucoup moins de troubles intériorisés et de gestes d’agressivité indirecte (médisance, vengeances, etc.). Enfin, là où il y a une fille unique, il y a moins d’agressivité directe que dans les autres familles. Le chercheur a limité son étude aux familles de trois enfants ou moins.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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