Édition du 4 novembre 2002 / volume 37, numéro 10
 
  Sur la piste des Méganticois
Les fouilles au lac Mégantic ont mis au jour la plus grande concentration d’outils jamais découverte au Québec.

 

«On est venus pour gratter et l’on a trouvé des tonnes de grattoirs!» C’est ainsi que Claude Chapdelaine résumait son travail devant les résidants de la région de Lac-Mégantic curieux de savoir ce que les «gratteux» avaient retiré de leur sous-sol.

Le professeur Chapdelaine, son adjoint Pierre Corbeil et une dizaine d’étudiants en archéologie du Département d’anthropologie ont passé la moitié de l’été à creuser des puits sur les rives de la décharge du lac des Joncs, à la pointe sud du lac Mégantic. C’est sur ce nouveau site, baptisé Méganticois par le professeur Normand Clermont, que l’école de fouilles s’est établie l’an dernier. La première récolte a non seulement été abondante, mais elle a surpris les chercheurs.

«Les premières analyses de terrain nous donnaient à croire que le site n’était qu’un lieu de passage dans le corridor transappalachien allant de Québec jusqu’au Maine puis à l’Atlantique, explique Claude Chapdelaine. Mais nous avons découvert un véritable camp de base probablement occupé à l’année.»

Les Méganticois

Les artéfacts exhumés — principalement des grattoirs (utilisés pour nettoyer les peaux), des pointes de lances, des bifaces et des perçoirs — sont vieux de 4000 ans. Des milliers d’éclats de débitage et des dizaines de milliers d’os, surtout de castors, font aussi partis de la récolte.

La principale pierre employée pour fabriquer ces armes et ces outils — de la rhyolite — ne provient pas de la région, mais de 125 km plus au sud. Pour le professeur Chapdelaine, ceci prouve que les occupants voyageaient jusque dans le Maine ou qu’ils avaient des échanges avec les peuplades de ce territoire.

De plus, l’abondance inhabituelle de grattoirs (près de 150) et d’os de castors signifie que l’endroit servait surtout de terrain de chasse. «Mais si le site était fréquenté à l’automne pour la chasse au castor, on peut penser qu’il l’était également en été, estime le professeur. La diversité des objets trouvés montre d’ailleurs que plusieurs activités y étaient pratiquées et qu’il ne s’agissait pas simplement d’un lieu de passage mais bien d’un espace de vie. Les occupants s’étaient bel et bien approprié le territoire. Ce sont les Méganticois.»

Ces Méganticois étaient probablement des Abénakis dont la présence dans la région a été recensée par les Jésuites en 1646. Une des origines possibles du nom Mégantic est d’ailleurs le mot abénakis namésakantik, qui signifie «lieu où se tiennent les poissons».

 

Près de 150 grattoirs comme celui que tient Claude Chapdelaine ont été découverts sur le site de la décharge du lac des Joncs, près du lac Mégantic. Sur sa table, une série de pointes de lances, des bifaces et des pièces de poterie trouvés sur le même site. 

Du jamais vu

Pour cette première saison de fouilles, Claude Chapdelaine et son équipe ont eu la chance de leur côté. «Le premier puits que nous avons creusé le premier jour a permis de déterrer un foyer de cuisson», raconte l’archéologue.

À partir de l’hypothèse que ce foyer devait se situer au centre d’une habitation de cinq mètres de diamètre, l’équipe a sondé méthodiquement le sol à la recherche d’autres indices d’occupation. Un second puits est arrivé en plein dans le mille: un amoncellement de 30 outils de silice déposés à l’endroit même où devait se trouver le mur de l’habitation.

«Une telle concentration d’outils, c’est du jamais vu, même à la Pointe-du-Buisson, affirme Claude Chapdelaine. C’était probablement une cache. Au-delà de cet amoncellement, on ne trouve plus rien; cela nous montre qu’un mur devait délimiter la zone.»

Dans un autre axe, les chercheurs ont découvert un second foyer, qui indique qu’il s’agit d’une habitation multifamiliale.

Un deuxième site de fouilles a également été ouvert à une centaine de mètres du premier et a révélé des signes d’une occupation plus récente allant de 750 à 2 000 ans avant nous.

L’occupation de la région remonterait par ailleurs à au moins 8000 ans. Des artéfacts datés de cette époque ont en effet été mis au jour sous le niveau normal de la rivière. Selon Claude Chapdelaine, le niveau des eaux aurait été plus bas à cette époque et se serait élevé il y a 5000 ans. Une hypothèse qui restera à vérifier par des relevés géologiques.

Daniel Baril





 
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