Édition du 25 novembre 2002 / volume 37, numéro 13
 
  Gérer le changement positivement au lieu de le subir
Pour sa conférence annuelle, l’ACPUM a reçu la psychologue Nicole Côté, qui a parlé de l’adaptation au changement.

 

Nicole Côté était bien placée pour parler d’adaptation au changement: elle s’est fracturé une jambe en chutant. Elle en a profité pour réévaluer à la baisse ses activités. Gérer le changement? Un art et un plaisir. Tel était d’ailleurs le titre de sa conférence. 

«Le changement, c’est super! Quelle femme, dans cette salle, voudrait porter la même robe pendant 10 ans? Qui ne remplace pas son mobilier, à l’occasion?»

Nicole Côté, conseillère en ressources humaines, psychologue et chroniqueuse au mensuel Affaires +, est venue rencontrer les membres de l’Association des cadres et professionnels de l’Université de Montréal (ACPUM) pour leur parler d’adaptation au changement à l’occasion de la conférence annuelle du regroupement, le 13 novembre dernier.

Femme pétillante et au charisme indéniable, la conférencière a fait rire l’auditoire à plusieurs reprises avec ses anecdotes savoureuses à la Clémence Desrochers. Les 260 personnes présentes lui ont pardonné son langage plus proche des animateurs des radios privées que des salles de classe de l’Université parce que son message était clair et rafraîchissant: le changement, on peut le gérer positivement et non le subir. «C’est sûr que le changement, c’est plaisant quand on le choisit soi-même. On ne veut surtout pas se le faire imposer», a-t-elle poursuivi.

Les maisons d’enseignement vivent une période de chamboulements, convient cette auteure de plusieurs livres. Mais elles sont les mieux placées pour intégrer les changements dans l’harmonie parce qu’elles sont à l’avant-garde de l’innovation. «Vous devez en quelque sorte montrer l’exemple, a-t-elle lancé. Vous devez être curieux et ouverts à la nouveauté.»

Mme Côté a établi une analogie avec la navigation sur une rivière. «Quand vous êtes sur l’eau, il y a des stratégies individuelles et collectives à adopter. D’abord, il faut ramer dans le sens du courant. N’essayez pas de le remonter! Ensuite, il faut avoir un bon canot. Enfin, vous devez pouvoir accoster des quais si les journées sont trop difficiles.»

On l’aura compris: le courant, c’est la décision administrative («rationaliser», «comprimer» et autres «il faut faire plus avec moins»); le canot, c’est la stratégie de gestion; et les quais sont les réseaux qui peuvent aider à passer à travers…

Quelques trucs

Pour Mme Côté, les gestionnaires doivent composer avec la personnalité de chacun. Le maître mot est, une fois encore, la communication. «L’annonce d’un changement majeur n’est pas facile à faire pour un gestionnaire, estime-t-elle. Il faut donc s’y prendre avec honnêteté et délicatesse. Bâtissez, s’il le faut, un mur des lamentations où tout le monde pourra se plaindre. Encouragez vos employés à y inscrire en grosses lettres tout ce qui leur passe par la tête. Après, on repeint le mur et l’on recommence à zéro.»

Dans le cadre de ses fonctions, Mme Côté a déjà conseillé d’organiser de véritables funérailles pour «enterrer» l’ancienne méthode de gestion. Ou encore d’acheter des lampions pour les employés trop butés.
Si les gestionnaires ont leur part de responsabilités dans une société en changement, les employés ne sont pas sans devoirs. «Il faut savoir faire son deuil des changements. Je connais des gens qui sont déprimés depuis 1982, à cause de la décision du gouvernement Lévesque d’abaisser le salaire des fonctionnaires. À un moment donné, il faut tourner la page…»

Sur les employés, la conférencière en avait long à dire. «Nous, les psychologues, gagnons de l’argent grâce à deux types de clientèle: les mal-mariés et ceux qui haïssent leur job. Je regrette, mais on ne peut pas avoir l’air bête de 9 à 5 et s’épanouir en sortant du bureau.»

Les gestionnaires doivent traiter avec trois types d’employés: les A, qui sont motivés par le défi, la mission d’entreprise; les B, pour qui l’équipe, les relations de travail comptent d’abord; les C, qui sont là pour les conditions de travail (une bonne paie, une excellente sécurité d’emploi). Cette redéfinition de l’échelle de Maslow, un classique de la psychologie industrielle, appelle une attitude différente selon que le gestionnaire s’adresse à un employé de l’une ou l’autre catégorie.

«Lorsqu’on est devant un C, il faut garder à l’esprit le respect de la convention collective, la définition des tâches. Pour le B, c’est davantage le besoin de reconnaissance qui compte. Tandis que le A a besoin de se sentir stimulé dans ses compétences mises au service de l’entreprise. Cela ne signifie pas que les A sont des as. Il n’y a pas meilleur employé qu’un C pour un travail routinier. Les B sont des experts dans le service à la clientèle. Si vous gérez mal un A, il pourra s’en aller à cause d’un burnout.»

Le vrai problème, a ajouté la conférencière, ce sont les «D»: D pour déboussolés, démotivés chroniques. Ils peuvent vous mettre en difficulté s’ils sont trop nombreux dans l’organisation. La démotivation, c’est le «sida des organisations», a-t-elle dit. Et il est beaucoup plus contagieux que le VIH.

Mieux vaut vivre avec!

Dans la carrière d’un gestionnaire, l’annonce de changements est inévitable. La meilleure stratégie consiste à prévoir la façon dont on va s’y prendre. «Je dis souvent aux gestionnaires: “J’espère que tu ne fais pas l’amour comme tu gères, parce que ça ne doit pas jouir souvent! Tu n’es pas fort sur les préliminaires.”»

Il faut parler aux employés, leur donner l’heure juste. Même lorsque les nouvelles ne sont pas gaies. Le gestionnaire doit savoir reconnaître les leaders qui prendront les choses en main une fois le choc passé. Il faut se montrer ferme pour les choses essentielles, mais manifester de la souplesse pour les détails. Dans le cas d’une entreprise fusionnée, par exemple, cela peut signifier permettre l’utilisation de l’ancien logo pendant un an, deux s’il le faut si tel est le désir des employés.

Mais une fois que le choc est absorbé, il est essentiel de dédramatiser la situation. «Il faut de la compassion, oui, mais assez, c’est assez!» a lancé Nicole Côté. Les défis du changement sont peut-être difficiles à aborder à première vue, mais ils peuvent aussi se révéler très stimulants. «Travailler à l’Université de Montréal, c’est pas si mal, a-t-elle conclu. C’est un milieu motivant, avec des milliers de jeunes. Et il y a des arbres sur le campus. Il existe des endroits pires que ça pour gagner sa vie…»

Mathieu-Robert Sauvé




 
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