Édition du 25 novembre 2002 / volume 37, numéro 13
 
  «Je suis né vieux.»
L’écrivain et professeur André Brochu est honoré par ses pairs.

«Modèle pour la critique», selon François Ricard, de l’Université McGill, André Brochu a été professeur à l’Université de Montréal de 1963 à 1997, contribuant à la formation de plusieurs cohortes de diplômés en lettres. Mais il a parallèlement mené une carrière de poète et d’écrivain, raflant même le Prix du Gouverneur général avec son roman La croix du nord en 1991. Ses collègues du Département d’études françaises ont voulu lui rendre hommage en organisant, les 6 et 7 novembre derniers, un colloque sur son œuvre de fiction. Plusieurs personnalités de la littérature québécoise étaient présentes, de l’éditeur André Vanasse à l’auteur Jacques Brault, en passant par les professeurs Gilles Marcotte et Pierre Nepveu.

«La carrière d’André Brochu n’a pas atteint son point final, au contraire, je dirais même qu’elle a pris un nouveau départ depuis qu’il a pris sa retraite de l’Université», a affirmé Lucie Robert, de l’UQAM, une spécialiste de l’histoire de la littérature québécoise. Mme Robert a rappelé les premières interventions remarquées d’André Brochu dans Parti pris. En fait, ses premiers textes d’opinion ont été publiés dans le journal des étudiants de l’Université de Montréal, Le Quartier latin. Dès l’âge de 14 ans, il honorait de sa plume une publication du collège Sainte-Marie.

Même s’il n’a jamais produit de best-sellers, André Brochu a réussi le tour de force d’être accueilli favorablement tant par la critique que par le grand public. En témoigne ce prix des lectrices de Elle Québec obtenu en 1993 pour La vie aux trousses. Depuis Parti pris, Mme Robert ne lui connaît aucun adversaire notoire. «André Brochu fait partie des écrivains qui comptent», a-t-elle résumé.

La fiction chez XYZ

Selon l’éditeur de la maison XYZ, André Vanasse, qui a eu le flair de publier comme un roman la longue nouvelle La croix du nord, André Brochu est notamment un maître de l’oxymore, une figure de style peu usuelle qui consiste à placer côte à côte deux termes en apparence contradictoires pour leur donner plus de force. Exemple: «Je suis né vieux.» «Nous avons une entente tacite, dit M. Vanasse. André Brochu publie chez nous ses œuvres de fiction et où il veut ses textes d’analyse littéraire ou de poésie. Jusqu’à maintenant, cette entente a été respectée et j’en suis fort heureux.»

Pour Gilles Marcotte, également professeur retraité de l’Université de Montréal, André Brochu a été avant tout l’auteur d’un essai remarquable sur la poésie québécoise: Tableau du poème. Cet ouvrage reprenait 30 articles parus dans la revue Voix et images entre 1981 et 1988. «J’aime ce livre», a dit M. Marcotte en décrivant l’auteur comme un critique qui a contribué à «construire le paysage de la poésie québécoise». Bien que généreux, il pouvait «assassiner avec élégance» et M. Marcotte, s’il avait été poète, n’aurait pas voulu être victime de sa plume.

Selon Réjean Beaudoin, professeur à l’Université de Colombie-Britannique, la carrière d’André Brochu suit les faits marquants de l’histoire récente du Québec. Six moments constituent des jalons dans sa carrière: la fondation de Parti pris, les événements d’octobre 1970, les élections de 1976, la période postréférendaire de 1980, la récession de 1982 et la vague néolibéraliste qui suit le référendum de 1995. «Ce qui caractérise André Brochu, c’est l’acuité et la lucidité du regard porté sur les œuvres québécoises», a déclaré M. Beaudoin.

Un département dans le vent

Dans son allocution, François Ricard a mentionné qu’il ne se passait pas une année sans qu’il donne à lire à ses étudiants des études d’André Brochu sur Menaud, maître draveur, de Félix-Antoine Savard, et sur Bonheur d’occasion, de Gabrielle Roy. Pourtant, celles-ci datent des années 60.

Selon lui, le Département d’études françaises de l’Université de Montréal a connu son heure de gloire entre les années 1965 et 1975. Durant cette décennie, il était impossible d’étudier les lettres sérieusement sans passer par ce département. «André Brochu y était une figure emblématique.»

Micheline Cambron et Laurent Mailhot, coorganisateurs du colloque, ont mentionné à Forum qu’ils trouvaient important de souligner l’apport de leur ancien collègue à la littérature québécoise. «Il est un peu gênant de le faire quand la personne est encore en fonction. Mais après quelques années de retraite, le moment nous semblait bien choisi», a poursuivi Mme Cambron.

La réponse des participants a confirmé ce choix, a-t-elle ajouté, car plus de 75 personnes de plusieurs universités se sont présentées à la table ronde inaugurale, le 6 novembre.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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