Édition du 2 décembre 2002 / volume 37, numéro 14
 
  La direction d’orchestre, un programme d’élite
La Faculté de musique est une des rares au Canada à offrir ce programme.

 

Jean-François Rivest 

Comment apprend-on à être chef d’orchestre? Quelles sont les qualités requises? Peut-on acquérir ces habiletés sur les bancs de l’école? Faut-il absolument répéter chez soi avec un orchestre?

L’abondance de clichés véhiculés sur la direction d’orchestre nous mène facilement à imaginer les apprentis chefs échevelés battant la mesure devant un miroir en écoutant sur disque leur version préférée de la Neuvième de Beethoven. Mais la réalité est tout autre. L’enseignement de la direction d’orchestre est un art et une science, qui demande une connaissance approfondie de nombreux aspects du phénomènemusical.

Paolo Bellomia, chef d’orchestre et professeur à la Faculté de musique, a élaboré un programme de direction d’une grande exigence et d’une efficacité redoutable. À preuve, Jean-Philippe Tremblay, premier étudiant et «cobaye» de ce programme novateur implanté en 1999, gagnait récemment deux prix au concours Mitropoulos, en Grèce: prix du meilleur candidat de l’orchestre et mention d’excellence du jury.

«Je me suis inspiré des modèles les plus réputés d’Europe et des États-Unis», souligne Paolo Bellomia, qui a bénéficié d’une bourse du FCAR pour voyager un peu partout dans le monde à la recherche des meilleurs outils d’enseignement. C’est que le musicien avoue une caractéristique peu commune. «Je crois que j’ai vraiment la vocation d’enseigner la direction. Cela me plaît encore mieux que de diriger moi-même!»

Les exigences du métier

«Le métier de chef d’orchestre comprend plus de volets que celui d’instrumentiste», explique Jean-François Rivest, chef d’orchestre et directeur artistique de l’Orchestre de l’Université de Montréal (OUM), qui assure avec Paolo Bellomia le fonctionnement du programme. «Il faut connaître les langues aussi bien que les chanteurs, connaître à fond chacun des instruments de l’orchestre, savoir comment faire répéter les musiciens, avoir une lecture de la partition à toute épreuve, une connaissance de l’histoire, des styles et des pratiques d’interprétation, savoir communiquer, maîtriser la technique parfaitement, être précis et ainsi de suite. En fait, le chef ramasse une quantité globale d’éléments d’information qui est stupéfiante.»

Ces habiletés relatives aux connaissances, à la transmission, à l’écoute (intérieure et extérieure), à la technique, à la visualisation constituent des chapitres différents de l’enseignement de la direction. Le programme comprend donc quatre volets: l’étude de la partition, les outils de développement de l’oreille, la technique de la gestuelle et la pratique avec des musiciens. Ce dernier volet met généralement à contribution de petits ensembles de musique de chambre, mais aussi les grands ensembles de la Faculté, comme l’OUM, les ateliers de musique baroque et de musique contemporaine, la chorale, l’Atelier d’opéra et l’Harmonie.

Dans ses nombreux voyages autour du monde, Paolo Bellomia a glané des outils techniques en République tchèque, des outils de lecture de la partition en Allemagne, une approche du solfège spécialisée pour les chefs en Italie… Durant ses stages dans les grandes écoles et au cours de son année passée aux Pays-Bas auprès de Peter Eötvös comme assistant, il s’est empli les yeux et les oreilles et a rapporté quantité d’informations précieuses. «J’allais mettre mon nez partout, j’étais l’espion parfait!» En ce moment, il prépare d’ailleurs un traité de direction d’orchestre extrêmement sophistiqué, supervisé par nul autre que… Pierre Boulez.

Un défi à l’intelligence

Concevoir la musique et transmettre cette conception avec conviction, voilà qui peut résumer, en quelques mots tout simples, le métier de chef d’orchestre. L’enseigner, pourtant, représente un véritable défi à l’intelligence. Voilà pourquoi ce type de programme n’est pas monnaie courante. «C’est fort probablement un des rares programmes du genre au Canada», témoigne Jean-Philippe Tremblay. Comment cette formation l’a-t-elle aidé?

«Il est important d’avoir un encadrement, pour être certain d’acquérir tous les outils nécessaires à la carrière. Paolo Bellomia est quelqu’un qui vise l’excellence et qui ne laisse rien passer. C’est fondamental. En effet, lorsqu’on se présente devant un orchestre professionnel, on est très vite jugé!» Prodige dela direction, Jean-Philippe Tremblay en est à sa deuxième saison comme apprenti chef à l’orchestre du Centre national des arts d’Ottawa (CNA), où il continue d’apprendre en observant le directeur musical du CNA, Pinchas Zukerman. «Pour faire ce métier, il faut être prêt à apprendre toute sa vie», conclut le jeune chef.

Déjà, Jean-François Rivest et Paolo Bellomia anticipent d’autres succès, et leurs ambitions à l’égard du programme sont affirmées. «Avec quatre étudiants sur place et un étudiant au doctorat qui vient de temps en temps, on peut dire qu’il s’agit d’un programme d’élite. On consacre énormément de temps, d’énergie et de ressources à chacun. Il faut qu’ils soient à la hauteur!»

Dominique Olivier
Collaboration spéciale




 
Archives | Communiqués | Pour nous joindre | Calendrier des événements
Université de Montréal, Direction des communications et du recrutement