Édition du 9 décembre 2002 / volume 37, numéro 15
 
  Musique
Jean-François Laporte reçoit trois prix Opus

 

Le compositeur et une de ses inventions. 

Depuis neuf ans, le compositeur Jean-François Laporte vit dans l’urgence. Une urgence de créer qui l’a mené à trois reprises sur la scène de la Cinquième salle de la Place-des-Arts le 24 novembre dernier, à l’occasion de la cérémonie de remise des prix Opus.

Ces prix témoignent de l’importance que le créateur de 34 ans, étudiant à la maîtrise à la Faculté de musique, a prise dans le milieu musical montréalais grâce à son imagination, à son énergie et à son talent. Opus de la création de l’année, de la découverte de l’année et du compositeur de l’année, un trio sans précédent dans l’histoire de ces prix...

Pourtant, Jean-François Laporte aurait pu passer, il n’y a pas si longtemps, pour l’enfant terrible de la création musicale montréalaise. Arrivé à l’Université de Montréal à 25 ans sans formation musicale préalable, le musicien avait besoin d’un espace que toutes les universités n’auraient pas été prêtes à lui donner. Après avoir parcouru le Zaïre, terminé des études en génie civil et travaillé deux ans dans un laboratoire, Jean-François Laporte a répondu à un besoin pressant qui l’habitait depuis l’enfance.

«Tout petit, je rêvais de musique, je l’aimais, je m’en nourrissais, note le compositeur. Par contre, chaque fois que j’ai tenté l’expérience d’apprendre un instrument, ça n’a pas fonctionné. Il y a eu plusieurs tentatives, mais personne n’avait réussi à alimenter le désir qu’il y avait en moi. Si j’ai pris le virage à 25 ans, c’est que c’était vraiment profond!»

Démarche intuitive

Sa démarche est d’abord et avant tout intuitive, ce qu’a accepté de bonne grâce sa professeure Marcelle Deschênes, électroacousticienne. «J’ai été chanceux de rencontrer Marcelle, souligne Jean-François Laporte, parce qu’elle-même avait souffert d’une formation trop orientée vers un style précis. Son rôle le plus important a été de m’ouvrir toutes les portes et de les laisser ouvertes.» Au cours de ses études, le compositeur a pu ainsi réaliser plusieurs projets, dont certains ont atteint une envergure inimaginable. Notamment Tribal, où 40 musiciens jouent sur des instruments inventés. L’œuvre d’une durée de 45 minutes a nécessité près de trois années de travail.

«Je faisais tout en même temps: j’ai fabriqué les instruments, écrit la musique, élaboré les techniques de jeu, joué en concert...» Sa participation aux Symphonies portuaires a par ailleurs laissé un souvenir impérissable aux organisateurs de la manifestation. La liste de ses réalisations (installations sonores et autres) est si impressionnante, tant par la quantité que par la qualité, qu’on parle de génie...

Témoin actif

Qu’est-ce qui caractérise le travail de Jean-François Laporte? L’écoute, dira-t-il. «Je me considère avant tout comme un chercheur, plus que comme un compositeur. Le compositeur est assis à sa table et compose, avec sa plume ou son ordinateur. Moi, ce qui m’intéresse d’abord, c’est la relation avec la matière. L’idée que cette relation peut m’amener au-delà du phénomène musical, me brancher sur la vie, sur le monde. Cela aurait pu se faire à travers autre chose que les sons, mais il se trouve que j’ai une attirance particulière pour le sonore.

C’est le lien par lequel j’essaie de comprendre comment fonctionne l’univers.» Le créateur cultive donc son rôle de témoin actif du matériau, le son en l’occurrence. «Je me place au-dessus de la matière et je passe des heures à l’observer, à décortiquer ses éléments, l’énergie qui s’en dégage. Je suis ultra-attentif à ce qui se produit et j’en déduis des directions que je propose ensuite au public. Il s’agit de transmettre une réalité accessible à tous. N’importe qui aurait pu le faire avec la même qualité d’écoute.»

Il en émerge une musique de timbres, de rythmes, qui ne répond pas à la logique interne régissant une grande partie du discours musical contemporain. Chez Jean-François Laporte, l’acte créateur passe par une expérience concrète, un contact avec l’instrument, qu’il soit violoncelle, piano, ballon ou autre... «C’est nécessaire pour que mon rôle de témoin actif devienne efficace», souligne-t-il.

Le musicien poursuit actuellement sa formation à l’Institut de recherche et coordination acoustique/musique, à Paris, pour un an. «Je suis ici pour suivre le Cursus de composition et d’informatique musicale, explique le compositeur joint au téléphone. J’y suis également pour mener des recherches plus poussées sur les instruments de musique que j’ai inventés. On vient de me mettre en communication avec un chercheur spécialisé dans l’acoustique des instruments, avec qui je vais effectuer des analyses sonores de mes instruments afin de les raffiner davantage.» Nous n’avons encore rien entendu!

Dominique Olivier
Collaboration spéciale



 
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