Édition du 3 février 2003 / volume 37, numéro 19
 
  Du cinéma pour les oreilles
Le compositeur Robert Normandeau fait rayonner la musique québécoise sur la scène internationale.

 

Le Golden Nica d’Ars Electronica, à l’effigie de la Victoire de Samothrace, occupe une place de choix dans l’atelier du compositeur Robert Normandeau de même que sur sa liste de prix prestigieux. 

Robert Normandeau, professeur à la Faculté de musique de l’Université de Montréal, est un de nos compositeurs les plus connus à l’étranger dans sa discipline, l’électroacoustique. Plus encore: il est un des principaux acteurs du rayonnement de la musique québécoise à l’extérieur de la province.

Titulaire du premier doctorat en composition électroacoustique de l’UdeM en 1992, bardé de prix internationaux tous plus prestigieux les uns que les autres (dont le fameux Golden Nica d’Ars Electronica, obtenu en 1996), Robert Normandeau est lauréat des concours de Bourges, Phonurgia-Nova, Luigi-Russolo et Stockholm. Au pays, il accumule les prix Opus et il s’est vu remettre le Masque de la meilleure musique de théâtre en 2001 pour Malina.

Lorsqu’il parle du milieu de l’électroacoustique au Québec, le compositeur évoque fréquemment son dynamisme, le travail énorme accompli par des passionnés, presque toujours sous-payés. Membre fondateur de Réseaux (une société de diffusion et de publication de l’art acousmatique), il connaît tous les dessous du métier d’électroacousticien: la pédagogie, la technique, l’histoire, l’esthétique, la création bien sûr, mais aussi l’organisation d’activités tel le festival Rien à voir, manifestation bisannuelle montréalaise entièrement consacrée à l’acousmatique.

Musique acousmatique

Son travail actuel est d’ailleurs essentiellement consacré à l’art acousmatique, une musique sur support, sans artifice visuel, qui se déploie dans l’espace sur un orchestre de haut-parleurs. La démarche du compositeur s’inscrit dans un «cinéma pour l’oreille» où le sens, tout autant que le son, contribue à l’élaboration des œuvres.

Depuis maintenant près d’une décennie, paradoxalement, son cinéma pour l’oreille sert d’accompagnement à de nombreuses productions théâtrales. Jusqu’au 15 février, on peut entendre son travail à l’Espace Go dans une pièce de Nathalie Sarraute, Elle est là, mise en scène par Christine Pasquier. «Ce qui m’intéresse dans un travail comme celui-là, c’est d’abord d’arriver à comprendre où s’en va le spectacle. Avec Nathalie Sarraute, le fait qu’il y a énormément de documents et d’entrevues sur elle facilite grandement les choses. J’ai donc appuyé la mise en scène de Christine Pasquier en essayant de suggérer au spectateur ce que Nathalie Sarraute a exploré systématiquement dans son œuvre, le concept de tropisme.»

Le compositeur a d’autres projets pour le théâtre, dont la musique de Farces conjugales, de Georges Feydeau, dont la mise en scène a été confiée à Brigitte Haentjens et qui sera à l’affiche du Rideau vert dès le 11 mars. En mai, la pièce Éden cinéma, de Marguerite Duras, présentée au Festival de théâtre des Amériques, bénéficiera également de son talent. Côté acousmatique, Robert Normandeau travaille en ce moment à une commande du Groupe de musique expérimentale de Marseille et qui sera jouée au festival Les musiques 2003 le 12 mai. Pour l’an prochain, il est déjà occupé par deux commandes canadiennes, une qui sera créée à Vancouver et l’autre tout près, à Victoria.

Démocratisation électroacoustique

La musique électroacoustique, avec son demi-siècle et des poussières, est une discipline artistique encore jeune où il reste beaucoup d’espace à défricher. Robert Normandeau a cependant vu le domaine prendre un essor considérable ces dernières années.

«Il se démarginalise, dit-il. En ce moment, il y a une tendance à l’électronique populaire. Beaucoup plus de gens jouent avec les outils à toutes sortes de fins esthétiques, pas toujours heureuses, mais de telles initiatives engendrent une sorte de démocratisation de cette musique. Les établissements d’enseignement, les universités et les centres de recherche n’ont plus du tout le même rôle à jouer qu’il y a 15 ans. Les étudiants sont autonomes pour ce qui est du matériel et viennent donc chez nous pour recevoir une formation, être confrontés au milieu. Notre rôle consiste davantage à susciter la réflexion, à favoriser un approfondissement; nous ne sommes plus seulement des guides techniques.»

Le secteur électroacoustique de la Faculté de musique passait récemment de un professeur à temps plein à deux et demi, souligne Robert Normandeau. «Il y a de plus en plus d’inscrits parce que nous avons une plus large capacité d’accueil. Cela permet d’explorer une partie du programme négligée jusqu’ici. Par affinité et parce que cette dimension manquait au programme, je me suis trouvé responsable des cours qui relèvent de l’esthétique.»

Cette année, le professeur Normandeau donne un cours consacré à la perception auditive et, pour l’automne prochain, il travaille sur un cours qui ne s’est jamais donné à la Faculté, celui de littérature électroacoustique.
«Je prépare, également pour l’automne, un séminaire sur l’analyse», ajoute-t-il. Récemment nommé professeur invité à l’Université de Monfort, en Angleterre, pour un mandat de trois ans, il aura l’occasion d’y approfondir encore ce sujet sur lequel peu de théoriciens se sont penchés jusqu’ici faute de distance historique. «L’idée est d’explorer l’état des lieux, mais aussi de faire avancer les choses en provoquant la réflexion.» Très certainement, l’électroacoustique québécoise a le vent dans les voiles…

Dominique Olivier
Collaboration spéciale




 
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