Édition du 24 février 2003 / volume 37, numéro 22
 
  L’éducation des émotions
Christine Tappolet cherche à découvrir les origines des émotions.

 

Christine Tappolet a notamment publié Émotions et valeurs aux Presses universitaires de France en 2000. 

Des résolutions du nouvel an à l’achat compulsif de livres de croissance personnelle, nous cherchons tous à devenir des personnes meilleures. Mais comment et à quel point pouvons-nous mener cet objectif à terme? Comment s’éduquent les émotions? Et puis qu’est-ce qu’une bonne personne?

Ce sont ces questions que cherchera à éclaircir Christine Tappolet, du Département de philosophie. Elle vient de recevoir une subvention de 101 000 $ du Conseil de recherches en sciences humaines du Canada pour étudier l’éducation des émotions, en collaboration avec les philosophes Luc Faucher, de l’UQAM, et Ruwen Ogien, du Centre national de la recherche scientifique, à Paris. Si l’on critique nos réactions et nos dispositions émotionnelles, c’est qu’on a en tête une façon de les évaluer.

Depuis plusieurs années, Christine Tappolet s’intéresse à l’hypothèse que nos émotions nous donnent accès à la connaissance du bien et du mal. Selon elle, nos émotions sont des perceptions de valeur à la base de toute morale ou éthique. L’émotion appropriée devrait donc traduire correctement les valeurs propres au contexte qui la suscite. La colère aurait ainsi son utilité lorsqu’elle nous informe d’une injustice.

Pour savoir comment nos émotions prennent forme et s’enracinent, Christine Tappolet propose d’étudier des approches qui découlent de diverses conceptions des émotions. La thérapie cognitive de Beck, par exemple, tente de régler des problèmes émotifs uniquement par la raison. Or, la chercheuse a des doutes: celui qui a la phobie des araignées ne cessera pas d’en avoir peur par la seule pensée que les araignées sont inoffensives!

Les romans porteurs d’émotions

Mme Tappolet s’intéressera notamment à une conception proposée par Martha Nussbaum, selon laquelle la fréquentation des œuvres d’art et plus particulièrement de certaines œuvres littéraires peut contribuer à former nos dispositions émotionnelles. Les romans et les films nous permettraient selon elle de nous mettre dans la peau des autres et de partager leurs émotions, développant du coup les nôtres.

Mais encore faut-il comprendre comment s’effectue un tel apprentissage. Les chercheurs s’inspireront de l’analogie entre les émotions et les sens comme modes de perception de la réalité. On pourrait par conséquent viser à aiguiser et à raffiner notre sensibilité émotive, comme on apprend à distinguer les vins par la dégustation. Par ailleurs, il y a une interdépendance entre nos émotions. Ainsi, il n’est pas évident de pouvoir séparer la capacité d’aimer et la disposition à la jalousie. Donc il serait impossible de modifier ou de refouler certaines émotions sans en affecter d’autres.

Une fois déterminé un objectif ou idéal pour l’éducation des émotions, reste à savoir dans quelle mesure on peut les influencer. Pour répondre à cette question, les chercheurs examineront la littérature empirique en psychologie, biologie et anthropologie. Ils croient en effet que le dialogue interdisciplinaire entre philosophes et scientifiques est essentiel pour mieux comprendre les émotions et leur rôle.

Sophie Pelland
Collaboration spéciale




 
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