Édition du 10 mars 2003
 
  Mise au point d'un vaccin contre le cancer du col de l'utérus
Des essais cliniques sont en cours au Canada.

Le virus du papillome humain (VPH) est la maladie transmise sexuellement la plus répandue dans les pays industrialisés, beaucoup plus que le sida, l'infection à chlamydia ou même l'herpès. «Statistiquement, trois personnes sur quatre sont infectées par le VPH au cours de leur vie, lance le Dr Marc Steben, un spécialiste des MTS. Pourtant, 95 % des personnes atteintes l'ignorent, car cette infection n'est habituellement pas détectée.»

Récemment, une étude épidémiologique menée auprès de 608 jeunes Américaines a révélé un taux excessivement élevé de contamination après trois ans d'activité sexuelle: 43 %. Les hommes ne sont pas épargnés par le VPH, mais ils sont généralement asymptomatiques. Une forme virulente de ce virus, chez les femmes, provoque le cancer du col de l'utérus. Le frottis vaginal (ou Pap test) est un moyen de dépister ce cancer, mais il comporte des failles: dans un cas sur deux, le résultat apparaît normal.

Avec le Dr Marc Boucher, clinicien à l'hôpital Sainte-Justine et comme lui professeur à la Faculté de médecine, le Dr Steben est un des responsables du volet québécois d'une étude internationale portant sur un vaccin mis au point à Seattle l'an dernier par la Dre Laura Koutsky. Le résultat de la recherche américaine avait eu l'effet d'une bombe dans le New England Journal of Medicine, suscitant un éditorial élogieux. Les femmes traitées avaient été protégées à 100 % contre le virus, alors que 3,8 % de celles qui avaient reçu le placebo en étaient atteintes après un an.

Volontaires recherchées
Comme c'est la règle avec ce type de découvertes, des études multicentriques ont été lancées dans plusieurs pays afin de s'assurer de l'efficacité à grande échelle des molécules actives et de leur innocuité. Le Canada est un des 12 pays retenus pour la recherche clinique et le protocole a été approuvé tant par Santé Canada que par le Fonds de la recherche en santé du Québec et les comités d'éthique concernés.
Or voilà, les responsables manquent de volontaires. Après six mois de travaux, à peine 120 jeunes femmes ont été recrutées alors qu'on vise 260 sujets.

Ce qu'on cherche: des femmes de 16 à 23 ans au début de leur vie sexuelle (maximum de quatre partenaires sexuels), qui n'ont jamais souffert de condylomes ni eu de frottis vaginal positif. Selon le protocole, 58 % des participantes recevront le vaccin et 48 % un placebo. Mais après l'étude, celles qui auront reçu un placebo se verront offrir gratuitement le vaccin. L'administration de celui-ci consiste en une injection de trois doses sur une période de six mois.

«Imaginez la réaction des femmes si on leur disait qu'on est sur le point de trouver un vaccin contre le cancer du sein. Il y aurait des files d'attente devant les cliniques. C'est ce qu'on s'apprête à faire contre un virus qui cause encore plus de cancers mortels chez la femme», affirme le médecin. Visiblement enthousiaste à l'égard au nouveau traitement qui ne présente aucun effet secondaire, il reprend: «C'est une chance unique pour les femmes de recevoir un traitement contre le cancer, plusieurs années avant qu'il soit proposé dans les cliniques canadiennes.»

L'infirmière chargée de l'étude à l'hôpital Sainte-Justine, Jocelyne Varin, insiste elle aussi sur les bienfaits du traitement expérimental, soulignant que, «lorsqu'une personne est contaminée par le VPH, elle est porteuse du virus pour la vie, car il n'y a aucun traitement contre cette infection». Il faut bien comprendre que le médicament à l'étude ne présente pas de risque pour la santé des femmes puisqu'il a fait l'objet de préétudes cliniques. Dans un communiqué diffusé le 27 janvier dernier, on peut lire que la Fondation québécoise du cancer «incite fortement les jeunes femmes âgées de 16 à 23 ans à participer à cette étude clinique».

Manque d'information
Lorsque le Dr Steben affiche dans sa clinique un appel pour une recherche sur l'herpès génital, la cohorte de candidates est recrutée en quelques jours. Pourtant, cette fois, pour une maladie beaucoup plus dévastatrice, les femmes sont hésitantes. C'est un manque d'information qui explique cette situation, croit le spécialiste. «Probablement le syndrome du "pas dans ma cour», affirme-t-il. Les femmes se pensent à l'abri parce qu'elles ne notent aucun symptôme visible sur leur corps. Mais attention! Le cancer peut se développer 20 ans plus tard.»

Les symptômes peuvent aussi apparaître de façon précoce. À l'hôpital Sainte-Justine, il arrive qu'on diagnostique des cellules précancéreuses sur le col de l'utérus chez des jeunes filles de moins de 18 ans. «Avant Noël, on en a découvert chez une adolescente de 14 ans», signale Mme Varin. Il existe 120 souches de VPH, dont celles qui causent les verrues. Une vingtaine agissent sur les organes génitaux. La souche responsable du cancer du col de l'utérus, le VPH 16, est probablement la plus dévastatrice, car elle contient, selon le Dr Steben, «l'agent le plus cancérigène sur terre». Le vaccin a été conçu à partir d'une protéine de ce virus, ainsi que de trois autres: les VPH 6, 11 et 18. Durant l'étude, on mesurera simultanément l'efficacité du vaccin contre les cancers du vagin et de la vulve.

Au Canada, le cancer du col de l'utérus est bien traité lorsqu'il est diagnostiqué de bonne heure. Quelque 420 décès sont tout de même constatés chaque année au pays (10 fois plus aux États-Unis) et l'on compte 1500 nouveaux cas par an. Il fait plus de ravages en dehors des pays industrialisés, causant le décès de 250 000 femmes dans le monde.

Dans 20 ans, on parlera peut-être au passé de cette infection si le vaccin, commercialisé par Merck Frosst, remplit ses promesses. La vaccination précoce permettra en tout cas d'éviter les inconfortables traitements offerts aujourd'hui pour éliminer les effets du virus: biopsie, brûlure au laser ou à l'azote, etc.

Renseignements: Dr Marc Steben au (514) 765-3600; Dr Marc Boucher au (514) 345-4931, poste 6909.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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