Édition du 10 mars 2003
 
  La police privée contribue aussi au bien commun
Des criminologues participent au colloque de la Commission du droit du Canada sur la sécurité.

La Sûreté de l'Université de Montréal, qui est un service de sécurité privé, a pour mission de protéger les étudiants, les professeurs et les employés ainsi que les biens de l'établissement. Un tel service de sécurité contribue-t-il à faire baisser la criminalité dans la société québécoise en général ou n'entraîne-t-il que le déplacement d'actes criminels à l'extérieur du campus?

La bonne réponse est la seconde, si l'on en croit la présentation de Maurice Cusson, de l'École de criminologie, à un colloque sur la sécurité tenu du 26 au 28 février. Le professeur a toutefois restreint la portée de son propos. Les recherches qu'il a consultées démontrent en effet qu'il y a déplacement de la criminalité à l'extérieur du rayon d'action d'une agence privée mais que ce transfert n'est pas total. Il peut même arriver que l'effet dissuasif se fasse sentir au-delà des limites du secteur protégé, comme la chose a été constatée dans un marché public à Birmingham, en Angleterre, à la suite de l'installation de caméras de surveillance.

Mais attention, il ne suffit pas d'installer des caméras de surveillance pour obtenir une diminution de la criminalité. Pour le criminologue, les activités de sécurité privée consistent essentiellement en des mesures préventives. Ainsi, certaines recherches établissent de façon assez spectaculaire que des mesures de sécurité privées font baisser la criminalité. Par exemple, 12 grands magasins californiens ont vu les vols diminuer de 45 % après l'introduction d'étiquettes électroniques. De même, en installant des détecteurs électroniques à la sortie, la bibliothèque d'une université américaine a fait baisser les vols de livres de 80 %.

Efficace, la télésurveillance?
«En Grande-Bretagne, où la télésurveillance est très utilisée, les recherches récentes prouvent que ce procédé est efficace seulement dans la moitié des cas, ce qui laisse perplexe», note M. Cusson. Le professeur a donc entrepris de déterminer dans quelles conditions se manifeste cette «efficacité préventive». Il a ainsi réalisé que des caméras de surveillance placées dans un stationnement sous-terrain découragent les vols d'automobile et les vols d'objets à l'intérieur des voitures. Par contre, leur présence est beaucoup moins dissuasive lorsqu'il s'agit de vols à la tire ou de voies de fait. Les premiers délits sont habituellement prémédités tandis que les seconds sont généralement commis sous le coup de l'émotion, risque-t-il comme explication.

Le type d'emplacement joue aussi puisque l'efficacité de la télésurveillance dans la prévention du crime est plus grande dans les lieux fermés, comme les garages et les entrepôts, que dans les lieux ouverts.
Autres conditions pour s'assurer du caractère efficace des mesures de sécurité privée: les caméras doivent être visibles et leur présence publicisée; elles doivent permettre la transmission d'images d'une certaine qualité; enfin, les agents qui sont derrière les moniteurs doivent faire preuve de vigilance.

«En télésurveillance comme ailleurs, la compétence doit être au rendez-vous, observe Maurice Cusson. Il est aussi nécessaire de posséder une certaine connaissance de la délinquance qu'on tente de cibler. Enfin, il faut connaître le lieu où l'on veut intervenir ainsi que les instruments qui seront utilisés.»

Dangerosité de Saddam Hussein
Au cours de ce colloque de la Commission du droit du Canada, intitulé «En quête de sécurité», plusieurs centaines de personnes, réunies dans un hôtel du centre-ville, se sont penchées sur les relations entre les agences privées de sécurité et la police. Le professeur Jean-Paul Brodeur, également de l'École de criminologie, a risqué quelques «notions fondamentales pour une théorie du renseignement» à un atelier sur les services de renseignements et la sécurité.

Le criminologue, qui prépare un traité sur la police grâce à une bourse Killam, s'est dit étonné que le gouvernement britannique plagie des travaux universitaires, basés sur des données datant de plusieurs années, et des articles parus en 1997 dans Jane's Intelligence Review pour démontrer la duplicité et la dangerosité de Saddam Hussein. Cette information a été reprise deux jours plus tard par Colin Powell, qui la présentait comme inédite.

Cette anecdote, affirme M. Brodeur, prouve que «le renseignement peut être n'importe quoi». Selon lui, le renseignement se définit moins par ses propriétés intrinsèques que par les relations qu'on peut établir entre l'auteur, le transmetteur, le destinataire, le récepteur, etc.

Formation des analystes
Enfin, Frédéric Lemieux, aussi de l'École de criminologie, a parlé des besoins en formation dans le contexte de l'implantation du Service du renseignement criminel du Québec (SRCQ). Ce nouvel organisme de gestion des renseignements a pour mission la mise en commun de l'information obtenue aussi bien par la Gendarmerie royale du Canada et la Sûreté du Québec que par le Service de police de Montréal.

Pour M. Lemieux, le SRCQ doit également veiller à la qualité des pratiques ainsi qu'à l'établissement de normes, de procédés et d'une formation en matière de renseignements sur les activités criminelles. «Actuellement, le mandat du SRCQ se traduit par la mise en place d'un réseau du renseignement criminel qui doit intégrer l'ensemble des corps de police, standardiser le fonctionnement du processus des renseignements et uniformiser le contenu des échanges, a-t-il observé. La clé du succès de cette entreprise réside dans une formation générale et pratique intégrée. Une telle formation permettrait d'arrimer la terminologie et les méthodes, qui sont parfois aussi diversifiées que le nombre de services, et de faire face à l'imminence d'une pénurie de main-d'œuvre qualifiée.»

L'esprit de synthèse, une pensée logique, une formation de base et des connaissances plus approfondies en criminologie de même qu'une grande curiosité intellectuelle sont les compétences qu'on espère trouver chez un analyste, a affirmé le criminologue, qui croit que l'université pourrait offrir cette formation.

Françoise Lachance



 
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