Édition du 12 mars 2003
 
  Science et racisme
Un colloque du CEETUM débat de la responsabilité des sciences dans la construction et dans la déconstruction des thèses racistes.

«Chaque époque cherche à légitimer les inégalités sociales à partir de la science qui a cours à ce moment-là», soutient Christopher McAll, professeur au Département de sociologie. Et le racisme résiderait dans cette légitimation des inégalités. Les scientifiques ont donc un rôle à jouer dans la lutte contre le racisme et le professeur McAll déplore un certain manque d'engagement de leur part dans ce combat.

Pour attirer l'attention sur la responsabilité des sciences dans la lutte contre le racisme, le Programme de recherche sur le racisme et la discrimination du Centre d'études ethniques des universités montréalaises (CEETUM), programme que dirige M. McAll, organise un colloque international sur ce thème, du 19 au 21 mars, à l'occasion de la Semaine d'action contre le racisme.

Le colloque multidisciplinaire veut contrebalancer ce qui est considéré comme «l'omniprésence des explications de type biologique» dans l'interprétation des conflits ethniques et qui présenteraient une version déformée ou partielle de la réalité. «Il ne s'agit pas de nier les possibles causes biologiques, mais, avant d'en arriver à ces causes, il faut voir s'il n'existe pas de facteurs sociaux qui peuvent expliquer les inégalités», précise le professeur.

De tout temps, on a cherché à légitimer les inégalité par des faits relatifs à la nature (comme la grossesse, la couleur de la peau ou la taille du cerveau), mais pour Chistopher McAll le racisme provient des frontières dressées par l'être humain entre les classes sociales, les ethnies ou les territoires pour maintenir les inégalités. Et faire appel à la science pour expliquer ces inégalités au lieu d'invoquer l'intentionnalité humaine tient de la pseudo-science, peut-on lire dans le document de présentation du colloque.
Inégalités ou différences?

Mais le racisme ne proviendrait-il pas davantage du rejet de la différence que de la légitimation des inégalités? «Je n'ai jamais vu de cas de rejet de la différence à l'état pur, répond le professeur. Le rejet de la différence s'accompagne toujours d'un enjeu comme le contrôle de l'accès aux ressources. Lorsque deux groupes religieux s'affrontent par exemple, c'est que la possession d'un territoire est en jeu. C'est dans ce genre de contexte que le racisme se développe comme processus de légitimation.»

Ceci vaudrait même en l'absence d'un quelconque enjeu économique, comme dans les actes de racisme gratuit envers un pur inconnu. «Quand cette situation se présente, c'est parce que l'individu se socialise en reproduisant les comportements dominants», estime le sociologue. Mais le professeur McAll ne défend pas pour autant le modèle de la tabula rasa, qui fait de l'être humain un pur produit de l'environnement. «Depuis 20 ans, on a délaissé la vision de l'être humain passif porté par l'histoire et l'environnement, souligne-t-il. Il faut à présent tenir compte du concept de la responsabilité. Chaque individu doit se considérer comme responsable de ses gestes et être conscient de projeter des préjugés sur les autres. Il doit se demander quelles sont ses sources d'information, combler ses lacunes et éviter les catégorisations abusives.»

La réflexion sur la question du racisme paraît d'autant plus importante au professeur que plusieurs peuvent croire que nos société sont à l'abri de ce fléau grâce aux chartes qui garantissent l'égalité des droits pour tous. «En se pensant protégé, on risque de passer à côté du sens profond du sentiment d'appartenance ancré dans l'histoire et qui est très fort lorsqu'il y a des enjeux territoriaux ou politiques. En contexte d'immigration, il faut aussi effectuer un travail de réflexion collective sur le "qui sommes-nous?"» ajoute Christopher McAll.

Un colloque participatif
En plus d'être multidisciplinaire et bilingue, le colloque du CEETUM se veut participatif. Les conférenciers présenteront leur thème de façon provocante et les participants en débattront par la suite en petits groupes de 10 personnes. Puis une animatrice fera le tour des tables pour recueillir les rapports de discussion et relancer les conférenciers à partir des questions des participants.

Outre le professeur McAll, les autres conférenciers de l'UdeM sont Rajendra Singh, professeur au Département de linguistique, ainsi que Léonel Bernard et Maryse Potvin, tous deux chercheurs au Programme de recherche sur le racisme et la discrimination du CEETUM.

Au total, une vingtaine de conférenciers du Québec, du Canada, de France, de Belgique et du Royaume-Uni prendront la parole. Les domaines représentés seront la sociologie, la démographie, l'histoire, la linguistique, l'anthropologie, le droit et l'économie.

Pour information: <www.ceetum.umontreal.ca> ou (514) 343-6111, poste 1594.

Daniel Baril



 
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