Édition du 14 mars 2003
 
  Le chasseur de fantômes de la théologie
Un chargé de cours de la Faculté de théologie enquête sur des cas de poltergeists.

La perception extrasensorielle, la télékinésie (déplacement d'objets par la seule pensée), les hantises, le horscorps, le déjà-vu, la régression hypnotique et ses rapports avec la réincarnation, tous ces prétendus phénomènes paranormaux sont abordés dans un cours inusité donné à la Faculté de théologie.

Louis Bélanger, le chargé du cours de psilogie et survie (l'élément psi signifie «paranormal»), ne croit ni aux fantômes ni aux miracles, mais il soutient que certains phénomènes parapsychologiques sont avérés. «La majorité des cas que j'ai étudiés comprenaient, en tout ou en partie, des faits authentiques», soutient-il.

Pionnier de cette discipline au Québec, il a enquêté tant en Europe qu'au Canada sur une trentaine de cas de poltergeists (mot allemand qui désigne un "esprit frappeur"). C'est lui qu'on a engagé comme chasseur de fantômes quand est survenu en 1983 l'incident de la maison Trestler, à Vaudreuil-Dorion, une somptueuse résidence dont les deux siècles d'histoire et d'anecdotes étranges lui ont valu la réputation de «maison hantée». «Des convives se préparaient à manger. Au moment de trinquer, un des invités a lancé à la blague: "S'il y a des esprits, qu'ils se manifestent." À cet instant précis, des pierres se sont effondrées à l'intérieur de la cheminée», raconte M. Bélanger.

Durant deux jours et deux nuits, il a tenté d'enregistrer les bruits suspects dont parlaient les légendes. Sans succès. «J'ai dormi dans la maison et je n'ai rien observé d'étrange.» Les pierres seraient donc tombées par hasard? Le parapsychologue n'y croit guère. À son avis, il y a peu de chances que se soit produite une manifestation spirite. Mais les pierres ne sont pas tombées toutes seules non plus... «Une tension entre les gens autour de la table s'est relâchée au moment de trinquer. Cela a eu un effet sur la matière», affirme Louis Bélanger.

Selon lui, il existe bel et bien une relation entre les charges émotionnelles et certains événements physiques inexpliqués par la science. Les bruits étranges, les portes qui s'ouvrent et les objets qui bougent à distance auraient pour ainsi dire des origines émotionnelles. «Là où réside le mystère, c'est dans la mécanique de l'échange entre les émotions et ces effets. Du point de vue scientifique, on ne peut pas encore expliquer comment la tension peut influer sur la matière.»

Au-delà du phénomène
Diplômé en sciences politiques et en relations internationales, Louis Bélanger a étudié la parapsychologie pendant six ans en Allemagne avant d'être engagé comme chargé de cours par la Faculté de théologie. La discipline controversée qu'il y enseigne depuis une vingtaine d'années suscite une curiosité indéniable chez des étudiants issus de divers programmes d'études: psychologie, médecine, cinéma, droit, sciences religieuses, kinésiologie, biologie, etc. «On compte une cinquantaine d'inscriptions par trimestre», fait valoir le parapsychologue, qui souligne un attrait vivifiant pour le paranormal.

Comment s'en étonner? Même la religion catholique accorde une place notable aux miracles. Pour accorder le statut de saint, par exemple, le Vatican doit recevoir la confirmation d'au moins deux miracles! Selon M. Bélanger, le déclin de la pratique religieuse serait en partie à l'origine de l'intérêt grandissant pour les rituels magiques. «Ils ont l'apparence de nous apporter un pouvoir sur les êtres et sur les choses qui nous échappent dans un monde qui laisse peu de place à la magie et au questionnement spirituel», affirme-t-il.

Mais pourquoi un tel cours à la Faculté de théologie? Parce que, d'après les sondages Gallup, plus de 50 % de la population au Québec croit au prétendu non-résolu, répond-il. «Quand une personne sur deux est convaincue de l'existence du phénomène, il n'est plus nécessaire d'y croire pour s'y intéresser scientifiquement. Cela devient un objet d'étude majeur.»

Bien qu'il ne soit pas théologien, M. Bélanger donne un cours qui requiert une ouverture d'esprit et un discernement critique à propos de ce qu'on appelle des phénomènes paranormaux. À la fin du trimestre, les étudiants sont ainsi capables de résister, au moyen d'une critique positive, à l'exploitation des foules par la manipulation frauduleuse, le charlatanisme et l'incitation à la superstition. Ceux qui n'ont pas perdu leurs préjugés favorables à l'égard du surnaturel ont généralement abandonné le cours...

Bienveillance et rigueur
À 60 ans, Louis Bélanger admet avoir passé l'âge de croire aux fantômes. La psilogie ne s'intéresse ni aux morts ni aux entités spirituelles, signale-t-il, mais elle porte un grand intérêt aux expériences anormales que vivent les personnes vivantes. Ce sont elles qui seraient à l'origine des phénomènes paranormaux. Cela rend son travail passionnant comme une enquête policière.

«Une fois toutes les causes naturelles et la possibilité d'une imposture écartées, je m'intéresse à la famille touchée par le problème plutôt qu'aux événements eux-mêmes. Je cherche à savoir ce qui s'est passé avant, pendant et après les manifestations. Il est nécessaire de connaître les joies, les peines, les conflits, estime M. Bélanger. Tout cela est lié la plupart du temps inconsciemment.»

Au fil des ans et des investigations menées sur le terrain, le parapsychologue a observé une tendance: les relations sont généralement tendues entre les gens qui habitent les maisons où se produisent les incidents dits surnaturels. «Ces phénomènes cessent lorsque les tensions disparaissent... ou sitôt qu'un enquêteur arrive sur les lieux», indique le chargé de cours.

Reconnaissant la difficulté d'appliquer la méthode scientifique traditionnelle aux manifestations paranormales, Louis Bélanger prône une attitude bienveillante et une rigueur scientifique à l'égard des situations qui nous paraissent étranges, y compris la télépathie et la télékinésie. «Ces phénomènes existent vraiment mais, très souvent, on trouve des explications aux anomalies, observe-t-il. C'est la raison pour laquelle la conduite rigoureuse de la recherche exige qu'on explore l'éventail des explications naturelles et qu'on soit capable de prendre une distance critique par rapport au témoignage avant de conclure à l'interprétation surnaturelle.»

Dominique Nancy

Suppôt de Satan
Depuis 22 ans, six habitants de Medjugorje, petit village de Bosnie-Herzégovine, disent avoir quotidiennement des apparitions de la Vierge Marie. Vingt millions de visiteurs plus tard, on estime les retombées annuelles à 100 millions de dollars américains. Pourtant, il s'agit d'une «création collective», selon Louis Bélanger, qui s'est rendu sur place pour en avoir le cœur net.

Après avoir filmé les visionnaires en extase et exploré les hypothèses physiques et psychologiques, il a écrit en 1988 avec un ami prêtre La face cachée de Medjugorje (Éditions Psilog), un livre qui s'attirera les foudres des franciscains du village. Certains religieux qualifieront même les auteurs de «suppôts de Satan».

L'ouvrage, qui pose un regard critique sur les prétendues apparitions de la Madone en Bosnie-Herzégovine, met en relief des contradictions et des faussetés qui ont été laissées de côté ou volontairement dissimulées jusqu'à ce jour.

Dans le tome II (à paraître prochainement), le chargé de cours de la Faculté de théologie propose une contre-vérification expérimentale des «études médicales et scientifiques». Il y montre notamment des jeunes reproduisant, en laboratoire, des paramètres électrophysiologiques de l'extase identiques à ceux qu'on a enregistrés auprès des visionnaires yougoslaves. Mais à la question «Les visionnaires simulent-ils leur état de contemplation?» il répond en invoquant le domaine de la foi... «Cela demande d'être respecté par les scientifiques.»



 
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