Édition du 2 avril 2003
 
  Gibelotte de Sorel, plastic, tarzan et poncifs
Samira Ababou remporte la dictée Yves-Beauchemin.

C'est une étudiante originaire du Maroc, Samira Ababou, qui a remporté le premier prix de la dictée Yves-Beauchemin, donnée le 18 mars à l'occasion de la Semaine du français à l'Université de Montréal. «Je suis ravie, d'autant plus que le texte comportait plusieurs subtilités locales», commente l'étudiante, inscrite au Certificat en petite enfance, à la Faculté de l'éducation permanente.

Mme Ababou a commis six fautes, dont certaines anodines: un trait d'union manquant ici et là, une majuscule oubliée à Ville lumière. «Je suis surtout contente d'avoir écrit correctement les noms des chefs de parti: Bernard Landry, Jean Charest et Mario Dumont. Car j'avoue que je ne lis pas les journaux tous les jours...»

Mais Samira Ababou est surtout fière d'avoir orthographié sans fautes «gibelotte de Sorel», car elle ignorait tout du mets et de la ville. «Je me suis fiée à mon instinct», dit en riant cette mère de deux enfants qui a obtenu une maîtrise en biochimie à Paris avant de venir vivre au Québec, en 2001. Mme Ababou aime bien jouer avec les mots dans sa langue d'adoption et elle confie obtenir un résultat honorable lorsqu'elle s'attaque à la dictée annuelle de Bernard Pivot, de façon non officielle dans son salon.

Partenariat UdeM-FAECUM
La dictée d'Yves Beauchemin était la troisième en autant d'années rédigée par l'écrivain à la demande de la Fédération des associations étudiantes du campus de l'Université de Montréal (FAECUM). L'auteur du Matou s'est amusé à rassembler quelques subtilités de la langue française tout en écorchant au passage les politiciens antisouverainistes en campagne électorale (voir le texte de la dictée plus bas).

Selon Magdeline Boutros, de la FAECUM, qui a travaillé à la correction des dictées, des mots comme «fleurdelisé», «court-vêtues», «mille sept cent quatre-vingt-neuf» et «petits-bourgeois» ont causé des problèmes à plusieurs participants. Les 59 personnes qui ont pris part à la dictée ont fait de 6 à 88 fautes dans ce texte de moins de 400 mots.

Les deux autres gagnants sont, ex æquo, Anne Madec, étudiante en linguistique, et Yann Tissier, étudiant en sciences biologiques, avec 11 fautes. Mme Ababou a reçu un prix de 150 $ et les deux autres lauréats 100 $ chacun.

Pour la première fois, la Semaine du français à l'Université de Montréal était organisée conjointement par la FAECUM et le Centre de communication écrite.

Mathieu-Robert Sauvé

Dictée de la Semaine du français à l'Université de Montréal
(reproduite avec l'aimable autorisation de l'auteur)

La campagne électorale bat son plein. Que peut-elle battre d'autre, bonnes gens? Les politiciens, les bajoues roses d'émotion, les zygomatiques en pleine activité, sourient et serrent des mains à qui mieux mieux pour éviter que leurs rêves de pouvoir ne tombent en cendres; ils essaient (ou essayent) par des efforts effrénés de faire diminuer le nombre des tièdes, car ils savent que la tiédeur jouera contre eux. Avec des serrements de cœur, ils prononcent des kyrielles de serments sur tous les sujets, y compris les arbres à feuilles caduques, les fameuses gibelottes de Sorel et ces fièvres que pourrait causer, dit-on, la consommation de poutine dans des plats de fer-blanc, car le fer, selon certains, peut rendre fiévreux lorsqu'en contact avec du fromage.

Jean Charest, arborant son sourire de plastique, s'extasie devant les quenottes des enfants, baisse chastement le regard devant les femmes court-vêtues et crache sa mitraille contre ces imbéciles de séparatistes, qu'il accuse d'avoir mis du plastic sous la constitution canadienne afin de la faire exploser, ultime but que vise leur imbécillité. «Il paraît, annonce Mario Dumont, ravissant tarzan, que Bernard Landry se parait hier d'un fleurdelisé dans sa salle de bains, préparant un discours pompeux comme s'il se trouvait dans la Ville lumière. Se pense-t-il encore en mille sept cent quatre-vingt-neuf?»

Bon gré mal gré, Bernard Landry, censément battu il y a quelques mois à peine, tente de répondre sensément à toutes ces attaques tatillonnes d'aspirants potentats et de suppôts d'un statu quo empoisonnant. "Les changements subits qu'a subis le Québec depuis trente ans annoncent un changement bien plus profond encore, et seuls des esprits petits-bourgeois et misonéistes comme vous cherchent à s'y opposer !»

Et la campagne se poursuit avec ses pièges à la vaseline et ses jérémiades pleines de poncifs.

Yves Beauchemin



 
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