Édition du 4 avril 2003
 
  Pour une éthique des affaires
Thierry Pauchant devient titulaire de la première chaire de management éthique dans une école de gestion.

Avant de plonger leur entreprise dans la faillite, en décembre 2001, les 29 dirigeants d'Enron ont pris soin de vendre leurs options d'achat valant plusieurs milliards de dollars. Ils ont privé 14 000 employés de la totalité de leurs fonds de pension et provoqué un désastre environnemental et social en Inde. Tout ça légalement...

Cet exemple démontre que l'éthique est parfois distincte de la loi : ce qui est légal n'est pas nécessairement acceptable lorsqu'on interroge sa conscience. Pour le titulaire de la première chaire de management éthique créée dans une école de gestion francophone, Thierry Pauchant, le scandale d'Enron illustre une fraude qui touche quatre dimensions des affaires : le social, l'économique, le politique et l'environnemental. «L'éthique est défaillante dans le monde des affaires, et ce type de scandale le prouve. Ce n'est pas le premier ni le dernier à se produire», commentait-il peu après le lancement de la chaire, qui a eu lieu le 20 mars.

Comment distiller un peu de cet «art de diriger la conduite», selon Le petit Robert, chez nos dirigeants d'entreprise et à ceux qui font «rouler» l'économie ? M. Pauchant n'a pas de solution miracle. «Je ne suis pas un partisan de l'éthique appliquée, dit-il. Mais notre présence dans une école de gestion est éloquente. C'est comme si nous plantions un drapeau qui signifie que, désormais, l'éthique fait partie de nos préoccupations.»

Le spécialiste, auteur de plusieurs ouvrages sur la question, ne rejette pas la tendance aux investissements responsables et aux fonds éthiques, à présent incontournables dans les campagnes de REER et les salons du placement. Toutefois, il déplore que l'éthique soit un peu trop souvent fragmentée, «politiquement correcte».

Une chaire ouverte
À l'inauguration de la nouvelle chaire à HEC Montréal, son titulaire a présenté certaines de ses orientations. «À travers ses travaux, la Chaire tentera de répondre à la triple question qui hante actuellement nos sociétés, dans ce monde de guerres, de crises et de scandales: comment faire pour que de "bons" gestionnaires fassent un "bon" travail dans de «bonnes» organisations ? Cette triple interrogation, qui touche à la fois au développement de la maturité des personnes, au recentrage des missions de nos organisations et à l'invention de nouvelles pratiques démocratiques en gestion, animera tous les projets de la Chaire.»

Le titulaire convie ses collègues de HEC Montréal, ainsi que les étudiants, à participer aux activités de la Chaire. Celle-ci s'intéressera à la communication, la comptabilité, le développement organisationnel, le droit, l'entrepreneurship, la finance, l'innovation, le leadership, le marketing, la production, les ressources humaines, la santé et la sécurité, la stratégie, les technologies de l'information et la gouvernance d'entreprise. «Le sujet de l'éthique est en effet transversal et invite à la recherche et aux actions transdisciplinaires», a-t-il résumé.

Le leadership éthique n'est ni une idée romantique ni un rêve utopique, mais une réalité vécue par des hommes et des femmes de grande valeur au cours de l'histoire, estime Thierry Pauchant. C'est pourquoi un des premiers projets de recherche qui occupe déjà neuf étudiants à la maîtrise et au doctorat, appelé le «leadership de grande valeur», tente de mieux cerner le type de leadership établi par des meneurs issus de différentes cultures et religions. Le dalaï-lama, le mahatma Gandhi, Martin Luther King, Nelson Mandela, Theodore Roosevelt, Rachel Carson et mère Teresa sont du nombre. Cette liste a été inspirée d'un reportage du Time Magazine.

«À ces sept cas, nous ajouterons par la suite d'autres leaders dans tous les domaines d'activité: les affaires, la politique, les sciences, les arts, la religion, et ce, à travers le temps et l'espace. Ce projet de recherche permettra l'élaboration de la première base de données systématiques sur ce type de leadership, fondée sur une centaine de cas, et qui dépassera de beaucoup les codes de déontologie, l'éthique des affaires ou le politiquement correct.»

Programme d'études
La chaire entend participer à la création d'un programme d'études, un diplôme d'études supérieures spécialisées en développement éthique organisationnel. Ce programme, qui n'existe nulle part au Canada, enraciné dans la pédagogie de l'éducation des adultes et utilisant des technologies d'apprentissage avant-gardistes, sera une pépinière privilégiée où des jeunes pourront venir se former et des gestionnaires en exercice se ressourcer.

D'ici quelques années, M. Pauchant souhaite amasser un capital capable d'assurer la pérennité de la chaire. Plus de 1,5 M$ sont nécessaires pour y arriver. Le titulaire souligne que ses appuis sont nombreux et diversifiés. Par exemple, le comité d'orientation est présidé par Robert Dutton, président et chef de la direction de Rona inc., et compte une dizaine de membres issus des milieux universitaire et gouvernemental et du monde des affaires.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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