Édition du 16 avril 2003
 
  Le sermon sur la montagne
Quand la foi rencontre la science, ou comment Albert Jacquard se réconcilie avec la foi chrétienne.

De gauche à droite, Louis Lessard, professeur au Département de physique, Jean-Claude Breton, professeur à la Faculté de théologie, et le généticien Albert Jacquard.

Invité par le Centre d'étude des religions et la Faculté de théologie à dialoguer avec un physicien et un théologien, le généticien Albert Jacquard a présenté, le 11 avril, les aboutissants de sa réflexion sur la foi chrétienne exposés dans son tout récent volume: Dieu?

Le débat, tenu sur la montagne au Pavillon Claire-McNicoll, n'avait rien d'une confrontation entre science et foi comme on aurait pu s'y attendre, tous les intervenants jugeant les deux domaines complémentaires et conciliables. «J'ai voulu savoir ce qu'il restait de raisonnable dans le Credo une fois le contenu soumis à l'approche scientifique et au doute», a mentionné Albert Jacquard pour expliquer sa démarche.

Le généticien a ainsi passé au crible de la science le contenu du Je crois en Dieu pour découvrir, avec étonnement semble-t-il, qu'il n'en restait presque rien au terme de l'exercice. Dès les premiers mots du Credo, M. Jacquard intervient: «Le scientifique n'a jamais besoin de dire "je crois"», a-t-il affirmé. Le mot "créateur" fait aussi problème: il suppose qu'il y a eu un avant et un après, ce qui apparaît au généticien indéfendable philosophiquement. «Les théologiens peuvent d'ailleurs s'accommoder d'un Dieu qui n'est pas créateur, dit-il. Ceci ne le diminue pas, mais lui donne une image plus ineffable.»

Quant à la Vierge Marie, sans vouloir commettre d'indiscrétion sur la vie privée de la jeune femme, Albert Jacquard a indiqué à son auditoire que les tests génétiques sur le fils de Marie auraient montré qu'il possédait un chromosome Y.

Il dit en outre croire à la «vie éternelle», à condition que l'éternité ne soit pas conçue comme un simple déroulement d'événements, mais ne pas pouvoir admettre la résurrection de la chair même si la matière demeure et change d'organisation.

Du Credo, il ne reste que la «communion des saints» qui trouve grâce aux yeux du scientifique. «C'est un concept qui m'est cher, avoue Albert Jacquard. Il représente la mise en communauté de l'ensemble de l'humanité pour que tous puissent communiquer les uns avec les autres.»

Béatitudes et miracles
On peut se demander à quoi bon faire ainsi subir l'épreuve du rationalisme à une prière, l'issue ne laissant aucun doute et l'exercice risquant même de déraper dans la facilité. Le résultat est si mince qu'Albert Jacquard doit aller puiser dans une autre construction mythique, soit le Sermon sur la montagne, un contenu plus substantiel qui ne heurte pas la science.

«Après la déception de la démolition du Credo, je suis heureux de trouver quelqu'un qui me dise comment vivre, quelqu'un qui soit en rupture avec la société, qui dise non à la compétition et à la lutte, et c'est dans le Sermon sur la montagne que le bonhomme me le dit.»

On sent donc dans l'entreprise du chercheur une recherche de réconciliation avec la foi chrétienne. Le conférencier n'a toutefois cité aucun passage des Béatitudes, et pour cause: le Sermon, qu'on pourrait résumer par la formule «Bienheureux les purs, car ils verront Dieu», le ramène à la case départ du Je crois en Dieu.

En réponse à une question, le généticien a par ailleurs affirmé que le fait de savoir si Jésus avait fait ou non des miracles ne l'intéressait pas. Mais si les miracles sont possibles, pourquoi pas la conception sans géniteur, la résurrection de la chair ou le créationnisme?

Réviser le dogme
Invité à commenter les propos de M. Jacquard, Jean-Claude Breton, professeur à la Faculté de théologie, a dit n'avoir aucune difficulté avec la plupart des critiques et analyses présentées. «Le Credo doit être révisé, a-t-il reconnu. Nous sommes en attente d'une réinterprétation de la dogmatique qui permettrait aux croyants de ne pas laisser leur intelligence au vestiaire.»

M. Breton ne compte pas sur l'Église pour s'atteler à pareille tâche, mais se fie plutôt aux croyants eux-mêmes, tout en reconnaissant que, paradoxalement, s'en remettre aux fidèles n'est pas la façon de faire habituelle de l'Église catholique.

Louis Lessard, professeur de physique des particules au Département de physique, a pour sa part fait valoir que «la science doit être respectueuse du discours religieux à condition que les termes ne soient pas en contradiction avec ce que dit la science». Le créationnisme, par exemple, lui paraît inacceptable et insensé au regard des connaissances scientifiques.

Le physicien ajoute que, en tant que scientifique, il ne peut toutefois exclure «des explications qui font partie d'un autre mode de compréhension du réel». «La science est une histoire, a-t-il rappelé. Et il y aura d'autres points tournants comme celui de l'abandon du déterminisme newtonien lors de l'avènement de la physique quantique.»

Le professeur en a appelé à «une intégration complémentaire de ces approches différentes dans un tout harmonieux».

Daniel Baril



 
Archives | Communiqués | Pour nous joindre | Calendrier des événements
Université de Montréal, Direction des communications et du recrutement