Édition du 30 avril 2003
 
  Sur les traces de la matière sombre
Les physiciens du groupe Picasso préparent une expérience d'envergure pour détecter les neutralinos à l'Observatoire de neutrinos de Sudbury.

La nouvelle photo de la «naissance de l'Univers», publiée en février dernier par la NASA (projet WMAP) et qui situe l'âge de l'Univers à 13,7 milliards d'années, relance de plus belle la course à la détection de la matière sombre, qui composerait plus de 95 % de l'Univers.

«Cette photo montre que la matière visible forme 4 % de l'Univers et que la matière sombre non visible compte pour 23 %, le reste étant de l'énergie sombre dont on ne sait rien», explique Claude Leroy, directeur du Groupe de physique des particules au Département de physique de l'Université de Montréal. Le professeur Leroy croit que cette matière sombre serait constituée de neutralinos. Avec les autres chercheurs du Projet d'identification des candidats supersymétriques de la matière sombre (Picasso), il a entrepris de débusquer ces candidats fantômes.

Les neutralinos sont des «particules exotiques» de charge électrique neutre et dont la masse, selon les analyses du WMAP, serait de quelques centaines de giga-électronvolts, c'est-à-dire entre 100 et 500 fois la masse d'un proton. Les galaxies seraient entourées d'un immense nuage de neutralinos composant l'essentiel de la matière de l'Univers. Ces particules nous traversent continuellement sans qu'on s'en rende compte et traversent même la Terre de part en part sans dévier de leur trajectoire.

L'existence des neutralinos est envisagée par la physique des particules, mais les chercheurs ne sont pas encore parvenus à les observer parce que les collisionneurs actuels ne sont pas assez puissants pour les produire. Les membres du groupe Picasso ont donc résolu de les rechercher dans le rayonnement cosmique en fabriquant des pièges à neutralinos.

Un prototype de capteur a déjà été mis au point par les professeurs Louis Lessard et Claude Leroy, et testé avec succès. Le piège est constitué d'un gel polymérisé dans lequel des gouttelettes de fréon surchauffées sont maintenues en suspension. «Le fréon contient du fluor, l'élément le plus susceptible de réagir à l'un des modes d'interaction des neutralinos, explique Louis Lessard. Si un neutralino frappe un noyau de fluor, la gouttelette de fréon se transformera en bulle de gaz. Des micros ultrasensibles peuvent détecter l'onde sonore de cette miniexplosion et des ordinateurs tracent le profil de l'onde.»

L'étape actuelle des travaux vise à résoudre les problèmes de fabrication de détecteurs de grand volume afin de produire, au cours des deux prochaines années, 400 détecteurs de 70 litres de gel chacun. Dans trois ans, ces détecteurs seront installés à plus de deux kilomètres sous terre à l'Observatoire de neutrinos de Sudbury dans le cadre d'un vaste projet international lancé par un consortium d'universités canadiennes. L'utilisation de galeries souterraines est nécessaire afin qu'aucun autre type de rayonnement, cosmique ou terrestre, ne trouble l'expérience, qui devrait s'étendre sur quelques années.

«Si, sur une période de une année, on enregistre cinq pour cent plus de collisions lorsque le sens de la rotation de la Terre se combine avec le déplacement du Soleil dans la galaxie, ceci pourrait montrer qu'il y a assez de neutralinos dans l'Univers pour qu'ils constituent la masse manquante», affirme Claude Leroy.

Daniel Baril



 
Archives | Communiqués | Pour nous joindre | Calendrier des événements
Université de Montréal, Direction des communications et du recrutement