Édition du 6 mai 2003
 
  La guerre des piles
Michel Armand et Michel Gauthier lancent une batterie écologique.

Récemment, le professeur Michel Armand, du Département de chimie, se trouvait au Japon, où il a pu constater qu'une voiture hybride, la Prius de Toyota, y faisait un malheur. Jusqu'à la vitesse de 30 km/h, cette voiture est propulsée par un moteur électrique, puis un moteur à essence prend la relève. Au freinage, l'énergie récupérée sert à recharger la batterie, assurant une autonomie de plusieurs années au système; quant à la consommation d'essence, elle diminue de moitié. «Comme c'est à basse vitesse que les autos polluent, cette voiture est une petite merveille pour diminuer les émanations de monoxyde de carbone dans les grandes villes», affirme ce chercheur de renom qui a contribué à mettre au point la batterie qu'on trouve sous le capot de la Prius.

Grand défenseur de l'environnement, ce directeur du seul laboratoire au Canada du Centre national de la recherche scientifique (France) et titulaire de la chaire Hydro-Québec d'électrochimie a consacré sa carrière au stockage d'énergie, et la voiture électrique constitue une des plus belles retombées de ses travaux. Il se décrit comme un partisan de la recherche fondamentale, mais cela ne l'a pas empêché d'avoir son nom sur plus de 80 brevets d'invention.

Dernièrement, une autre de ses découvertes, la pile au phosphate de fer-lithium, a fait le tour du monde. «À mon avis, le développement technologique en matière de stockage d'énergie se compare à la mise au point du transistor dans l'industrie de l'électronique. Depuis l'invention d'Alessandro Volta en 1800, il a fallu presque 200 ans pour multiplier par cinq la puissance des piles.»

Avec son collègue Michel Gauthier, chercheur invité à l'Université de Montréal, Michel Armand a lancé la société Phostec, chargée de commercialiser cette nouvelle technologie qui a fait l'objet de plusieurs présentations à des congrès internationaux. À base de fer, la pile est plus sécuritaire, moins coûteuse et moins polluante que la plus couramment utilisée, à base de cobalt. Selon M. Gauthier, la découverte est majeure à l'échelle occidentale. «La pile écologique répond à des besoins dans le secteur de l'électricité portable, une industrie au cœur des préoccupations de l'avenir.»

Les ordinateurs portatifs, les véhicules automobiles et les systèmes de communication pourraient bénéficier de l'innovation. Si le procédé s'avère aussi performant que les expériences de laboratoire le laissent présager, il faut se préparer à approvisionner tout le marché mondial des piles au lithium, un chiffre d'affaires de 10 milliards d'euros par an. «Lorsque Michel Armand m'a signalé qu'un physicien du Texas, John Goodenough, avait trouvé un matériau susceptible d'améliorer le stockage de l'électricité qui satisfaisait à nos critères écologiques, j'en ai eu des frissons», relate M. Gauthier.

Mais il y avait loin de la coupe aux lèvres. Il fallait trouver une façon d'augmenter la capacité de l'électrode. Les chercheurs ont d'abord acquis les droits du Texan avant de procéder à des expériences. Le déclic s'est produit lorsqu'ils ont eu l'idée de recouvrir l'électrode d'une couche de carbone. Leur découverte a fait l'objet de plusieurs brevets.

Ce sont ses préoccupations écologiques qui ont guidé M. Armand vers les accumulateurs. Dès qu'il a pris connaissance des conclusions du Club de Rome, en 1970, il a décidé qu'il tenterait de faire sa part pour diminuer le gaspillage des ressources naturelles de la planète.

Actuellement, les Américains sont les plus vifs opposants à la commercialisation des véhicules électriques. Mais quelques percées donnent aux chimistes des raisons d'entretenir de l'espoir. La Chine et plusieurs pays d'Europe ont fait connaître leurs préférences pour le moteur hybride ou entièrement à électricité dans l'avenir. À La Rochelle, en France, 50 voitures électriques - Citroën Saxo et Peugeot 106 - sont mises à la disposition des 230 abonnés du service Liselec. Pour utiliser une voiture, l'usager n'a qu'à glisser sa carte magnétique dans un lecteur près de la portière. Il stationne son véhicule à l'une des six stations réparties entre le centre-ville, l'université et les gares. Les voitures sont accessibles sept jours sur sept, 24 heures sur 24.

Dominique Nancy et Mathieu-Robert Sauvé

 



 
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