Édition du 14 mai 2003
 
  Le phénomène religieux bénéficie de la mondialisation
Il n'y a plus de religion dominante, sauf aux États-Unis, où le fondamentalisme progresse.

Il n'y a pas que l'économie qui se mondialise. La religion aussi. «Même si certaines grandes religions sont en déclin, le phénomène religieux prend de l'expansion partout dans le monde et bénéficie des nouveaux réseaux d'échanges internationaux», affirme Martin Geoffroy, chargé de cours au Département de sociologie. Le fait est suffisamment marquant pour que des chercheurs y consacrent un colloque de deux jours, les 20 et 21 mai, à l'occasion du congrès annuel de l'ACFAS, qui se tiendra à l'Université du Québec à Rimouski.

Selon Martin Geoffroy, organisateur du colloque, l'influence du religieux est maintenant bidirectionnelle, contrairement à l'époque du colonialisme, où elle était à sens unique. «Au début du 20e siècle, les missionnaires catholiques partaient convertir les Africains, rappelle-t-il. Puis le flux migratoire a commencé à s'inverser, si bien qu'aujourd'hui nos prêtres viennent d'Afrique et de Haïti. Ils modifient à leur façon la culture catholique en y apportant du syncrétisme.»

Lentement mais sûrement, l'islam et l'hindouisme ont aussi conquis l'Occident. Et cette mondialisation du religieux ne touche pas seulement les grandes religions. De petites sectes, comme les raéliens, l'OTS ou l'Église de scientologie, profitent aussi des échanges internationaux et disposent de leurs propres réseaux transnationaux. «Dans les pays musulmans de l'ex-URSS, on trouve une multitude de groupes religieux associés aux groupes politiques, ajoute M. Geoffroy. Les grands blocs religieux ne dominent plus la scène internationale.»

In God we Trust
Malgré ce morcellement des grands blocs religieux, le fondamentalisme protestant semble occuper de plus en plus de place aux États-Unis, du moins dans l'administration publique avec le gouvernement de George W. Bush. Un phénomène que Martin Geoffroy compte analyser grâce à une bourse du Fonds québécois pour la recherche sur la société et la culture qui va lui permettre d'aller passer deux ans à l'Université Fordham, à New York.

«La séparation de l'État et des religions garantie par la Constitution américaine a entraîné la multiplication des sectes protestantes, souligne-t-il. Dans les faits, ce sont les églises fondamentalistes qui dominent et qui se sont introduites dans l'appareil d'État. Le lien entre la religion et le discours politique chez les républicains en est un exemple. L'administration Bush a également remis les services sociaux aux mains des organismes de charité, qui sont dominés par les protestants de la mouvance du président.»

Selon le sociologue, les États-Unis ne sont donc pas véritablement un pays laïque. Il considère même comme inquiétant ce lien entre religion et politique. «Les fondamentalistes ont infiltré les officines du pouvoir au point que les représentants de l'État se sentent investis d'une mission divine et justifient leurs actions par un idéal messianique. Ceci est très dangereux de la part d'un pays qui exerce un contrôle militaire mondial.» La culture populaire n'est pas en reste et est incroyablement imprégnée de religiosité, comme on a encore pu le constater à la dernière remise des oscars. «Chaque fois qu'il y a une remise de prix, les vedettes commencent par dire "I want to tank God", souligne le chargé de cours. On ne verrait pas ça ici.»

Selon le chercheur, deux principaux points distinguent le fondamentalisme protestant de l'intégrisme catholique. D'une part, le fondamentalisme protestant met l'accent sur une interprétation textuelle de la Bible, alors que l'intégrisme catholique repose sur la tradition du magistère et du pouvoir du pape. D'autre part, l'intégrisme catholique a toujours refusé la modernité, alors que le protestantisme s'est bâti sur l'idée de rationalité et de modernité. «Pour cette raison, le protestantisme a mieux réussi à s'intégrer à l'appareil d'État et à la culture capitaliste», affirme Martin Geoffroy.

Une interprétation webérienne qu'il cherchera à vérifier dans son projet de recherche postdoctoral et qui sera soumise au débat au cours du colloque de l'ACFAS.

Daniel Baril



 
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