Édition du 15 mai 2003
 
  Posologie: deux symphonies et une sonate
La musique ne fait pas qu'adoucir les mœurs, selon Sylvie Robichaud-Ekstrand.

Les berceuses calment les bébés et les hymnes militaires motivent les appelés. Mais qu'en est-il des vertus thérapeutiques de la musique? Sylvie Robichaud-Ekstrand, professeure à la Faculté des sciences infirmières et chercheuse à l'Institut de cardiologie de Montréal, a consacré une étude à cette question. «La musique favorise la relaxation, mais elle n'apaise pas les angoisses», affirme Mme Robichaud-Ekstrand.

Selon sa revue des travaux effectués en musicothérapie, la musique induirait un état de détente qui stimulerait la production d'endorphines du système limbique. «On a noté que l'écoute de musique avait entraîné une diminution du degré d'anxiété ainsi que des rythmes cardiaque et respiratoire chez des patients ayant survécu à un infarctus du myocarde aigu et séjournant à une unité de soins coronariens ou intensifs», rapporte-t-elle. D'autres recherches ont démontré que les ondes alpha du cerveau sont reliées à la relaxation et peuvent être stimulées par la musique.

Mais comment la musique favorise-t-elle la détente? Quelle en est l'action physiologique? «Je dois vous répondre que nous l'ignorons, admet la chercheuse. Il est évident que la musique procure une sensation d'apaisement et de bien-être. Cependant, des personnes affirment que la musique peut les rendre irritables en situation de stress; celle-ci les empêcherait tout simplement de se concentrer. Les raisons sont encore obscures.»

Musicothérapie
En tout cas, la France n'a pas attendu les preuves scientifiques sur les bienfaits de la musique pour lancer dans deux hôpitaux parisiens un programme de musicothérapie. Dans les centres hospitaliers Armand-Trousseau et Necker, les salles de préanesthésie infantile deviennent de véritables salles de concert: enfants, parents et personnel soignant peuvent y manipuler des instruments et improviser ou encore écouter des cassettes. Après cette mise en condition, un musicien accompagne l'enfant jusque dans la salle d'opération en faisant résonner dans les couloirs et les ascenseurs des sons harmonieux et rassurants. Les résultats sont concluants puisque la musique joue un rôle positif dans la réussite des anesthésies et aide les enfants à mieux vivre leur séjour à l'hôpital.

Autre expérience étonnante réalisée dans le métro de Montréal: les responsables de la sécurité ont diffusé de l'opéra à la station Berri-UQAM, où plusieurs punks se donnaient rendez-vous. Le «bruit de fond» a fait fuir les indésirables comme par magie!

En dépit de certains succès comme ceux-là, la musique sert peu la médecine. Mais la situation pourrait changer. «L'écoute de musique relaxante est une intervention peu coûteuse qui augmente la perception de détente des patients en attente d'un cathétérisme cardiaque. Cette approche pourrait s'avérer efficace pour la santé physique et psychologique de ces sujets», écrit la chercheuse dans un article soumis à la revue scientifique Heart & Lung.

Mère de deux enfants et grande sportive, la professeure Sylvie Robichaud-Ekstrand écoute pour se détendre des chansons populaires. La musique de Mozart, Chopin et Beethoven lui casse les oreilles!

De la musique svp, docteur!
Mme Robichaud-Ekstrand a mesuré les effets de la musique en déterminant le degré de relaxation de patients atteints de maladie coronarienne en attente d'un cathétérisme cardiaque ou en observation à la salle d'urgence. Pour évaluer ce niveau de détente, elle a fait écouter à une centaine de volontaires choisis au hasard des enregistrements musicaux de leur choix: musique classique, populaire, country, jazz ou encore des combinaisons d'instruments et de sons captés dans la nature. Dans le but d'établir une comparaison, elle a invité un autre groupe à simplement se détendre. Puis elle a recueilli les commentaires des deux groupes à l'aide d'un questionnaire de type Likert (échelles numériques de 0 à 10). Afin de valider les données cliniques, des patients choisis au hasard sont également vus installer un appareil Holter permettant un enregistrement continu de l'activité électrique de leur cœur.

Résultat? L'écoute de la musique a un effet bénéfique sur l'état de relaxation perçu par les patients en court séjour hospitalier. Ce phénomène s'observe par une diminution de l'anxiété et une augmentation du sentiment de contrôle de la situation. Toutefois, aucune différence n'a été notée sur des variables objectives telles que la fréquence cardiaque, le sous-décalage du segment ST (une indication de la sévérité de la crise d'angine), la tension artérielle et le nombre de médicaments angineux et anxiolitiques consommés. Enfin, à la salle d'urgence, les mesures du degré de relaxation étaient similaires entre ceux qui écoutaient de la musique et ceux du groupe témoin.

Selon la professeure Robichaud-Ekstrand, le stress engendré par l'incertitude quant à leur état de santé et au diagnostic aurait empêché les patients de l'urgence de profiter de l'action bénéfique de la musique. «Plus de la moitié des sujets, souligne-t-elle, étaient des hommes qui vivaient leur premier épisode majeur d'angine et leur première hospitalisation. L'incertitude a certainement augmenté leur inquiétude.»

Dans les universités québécoises, rares sont les scientifiques à s'intéresser à la musicothérapie. L'étude de Mme Robichaud-Ekstrand est la première menée auprès d'usagers présentant une maladie coronarienne avec douleur rétrosternale aiguë et qui étaient en observation à la salle d'urgence ou en attente d'un cathétérisme cardiaque.

Dominique Nancy



 
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