Édition du 25 août 2003 / volume 38, numéro 1
 
  Chevaux et humains: même combat contre l’arthrite
Le quart des chevaux de course souffriraient d’ostéoarthrose.

 Même s’ils semblent en parfaite santé, de nombreux chevaux souffrent d’ostéoarthrose

Les médecins orthopédistes sont embêtés lorsqu’un patient se plaint de douleurs aux genoux mais que les radiographies ne révèlent aucune anomalie. Faut-il procéder à une opération? «Imaginez quand un cheval présente les mêmes symptômes, signale Sheila Laverty, professeure à la Faculté de médecine vétérinaire. L’arthrite est une maladie très courante chez ces animaux, mais les vétérinaires ne peuvent pas la prévenir ni même la diagnostiquer de façon précoce.»

Les choses pourraient changer sous peu grâce aux travaux de cette chercheuse qui étudie les biomarqueurs présents dans le sang. «Lorsque le cal osseux recouvrant les os commence à se désagréger, explique cette spécialiste de la médecine équine, d’infimes parties se retrouvent dans le liquide synovial, ce lubrifiant naturel qui permet aux extrémités des os de pivoter l’une sur l’autre sans encombre. Nous tentons de retrouver des traces de cette décalcification avant que les premiers symptômes se manifestent. Une simple prise de sang suffirait.»

Les travaux de la Dre Laverty sont prometteurs pour l’espèce humaine, aux prises avec des problèmes articulaires de plus en plus importants à mesure que la population vieillit. Auteure de trois articles parus depuis 2000 dans le Journal of Orthopedic Research, Sheila Laverty est membre du Réseau canadien d’arthrite, un centre d’excellence qui compte 127 chercheurs. Les membres du Réseau se réunissent annuellement et sont ingénieurs, rhumatologues, chirurgiens orthopédistes, radiologistes, etc. «Le cheval et l’homme ont beaucoup de points communs dans notre domaine, dit-elle. Nous nous attaquons simultanément à deux défis: le diagnostic précoce d’anomalies et la médication.»

La chercheuse mène des travaux in vivo et in vitro. Par exemple, elle recueille des échantillons de cartilage chez des animaux morts afin de les faire croître en laboratoire (les cellules conservent leurs propriétés de croissance quelques heures après le décès). Ces tissus sont précieux pour tester de nouvelles molécules.

Le cheval, ce mal-aimé

Au Québec, près du quart des chevaux de course souffriraient d’ostéoarthrose à des degrés divers. On peut traiter efficacement la plupart d’entre eux par chirurgie endoscopique, mais on doit procéder à l’euthanasie dans certains cas trop avancés. Actuellement, la physiopathologie de l’ostéoarthrose est peu étudiée en médecine vétérinaire et la chercheuse de Saint-Hyacinthe fait office de pionnière. Mais Sheila Laverty est aussi chirurgienne et enseignante. «C’est important d’être actif en recherche fondamentale, mais j’aime aussi avoir une activité de clinique. Et tout cela sert mon enseignement.»

La relève, en médecine équine, ne l’inquiète pas, car de nombreux étudiants s’intéressent aux chevaux. Mais les jeunes qui veulent s’y consacrer doivent s’attendre à une vie difficile. Après avoir été chéris par les premiers habitants de la Nouvelle-France (les chevaux étaient autrefois objets de fierté nationale), les chevaux sont aujourd’hui le plus souvent considérés comme des symboles de bourgeoisie et de luxe.

Il n’y a pas moins de 60 000 chevaux sur le territoire, et l’industrie des courses est en perte de vitesse. La Dre Laverty le déplore. «Les gens oublient que cette industrie non polluante permet de maintenir les activités rurales. Les chevaux apportent beaucoup aux villages.»

De plus, le gouvernement ne reconnaît pas le cheval comme un animal d’agriculture, ce qui limite l’aide publique accordée aux éleveurs. D’ailleurs, la Faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal est le seul endroit au Québec où l’on peut procéder d’urgence à des opérations majeures. La Dre Laverty, qui est chirurgienne diplômée, est appelée à traiter des animaux qui arrivent à toute heure du jour des quatre coins de la province. «Un animal qui souffre de douleurs abdominales doit être opéré sans délai, sans quoi il risque de mourir», explique la spécialiste.

De l’Irlande au Québec

Quand elle était enfant, en Irlande, Sheila Laverty allait souvent voir des courses de chevaux. «J’ai toujours aimé ces bêtes, relate-t-elle. Il faut dire que c’était dans nos mœurs. Le dimanche, à la télé, les gens regardaient autant les matchs de soccer que les sports équestres.»

Après des études à l’Université de Dublin, Sheila Laverty a obtenu un certificat de résidence en chirurgie équine de l’Université de Californie en 1988 et un diplôme de l’American College of Veterinary Surgeons. Elle est également diplômée de l’European College of Veterinary Surgeons. Directrice du Groupe de recherche en médecine équine du Québec, elle est venue vivre au Canada en 1989.

Pourquoi avoir choisi le Québec après avoir vécu aux États-Unis, en Australie et dans plusieurs pays d’Europe? «La raison se trouve dans le bureau voisin», répond Mme Laverty en riant. En effet, au cours d’un séjour d’études, elle a rencontré un vétérinaire équin, Jean-Pierre Lavoie. Ils ont eu trois enfants, qui aiment bien les chevaux.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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