Édition du 25 août 2003 / volume 38, numéro 1
 
  Pas nées d’hier, les sages-femmes
L’humanisation des soins ne suffit pas à faire pencher la balance de leur côté.

 "À l’hôpital comme à la maison, le risque zéro n’existe pas", affirme le professeur Régis Blais.

Quatre ans après la légalisation de la pratique des sages-femmes dans les maisons de naissance au Québec, le risque de mortalité accru chez les bébés nés à l’extérieur des hôpitaux semble s’amenuiser. Pourtant, le projet de règlement sur l’accouchement à domicile se heurte encore à l’opposition du corps médical québécois même si la pratique est répandue non seulement en Europe mais également dans la province voisine de l’Ontario.

Régis Blais, professeur au Département d’administration de la santé de la Faculté de médecine et membre du Groupe de recherche interdisciplinaire en santé, a procédé à une revue des travaux scientifiques effectués auprès des sages-femmes afin d’évaluer la sécurité des naissances à domicile. «À l’hôpital comme à la maison, le risque zéro n’existe pas, dit-il. Les femmes désireuses d’accoucher chez elles doivent cependant savoir qu’elles prennent un certain risque. Même lorsque la grossesse s’est déroulée normalement, il peut survenir des complications. Le cordon ombilical peut par exemple descendre devant la tête du bébé et l’asphyxier.»

D’après le professeur Blais, la sage-femme offre une sécurité de suivi prénatal et d’accouchement comparable à celle qu’offre le médecin pour des femmes à faible risque et dans des conditions appropriées. Il n’en formule pas moins une série de recommandations. «Il faut s’assurer que la sage-femme est en mesure de détecter les problèmes imminents chez le nouveau-né et a accès à un équipement médical de base. La collaboration du système de santé est également impérative afin de permettre une prise en charge rapide par le médecin quand il faut effectuer un transfert vers l’hôpital», signale-t-il dans un numéro récent du Journal de l’Association médicale canadienne.

Un choix personnel

 La sécurité de l’accouchement par la sage-femme est comparable à celle qu’offre le médecin dans des conditions appropriées.

À l’heure actuelle, seulement 1 % des Québécoises — contre 31 % des Néerlandaises — accouchent dans une maison de naissance. Pourtant, l’expérience des femmes qui ont choisi l’accouchement assisté par une sage-femme a été dans l’ensemble plus positive que celle des patientes de médecins, révélait en 1998 une étude commandée par le ministère de la Santé et des Services sociaux et menée auprès de 2000 Québécoises dont la grossesse était jugée à faible risque. Celles-ci ont notamment apprécié l’humanisation et la démédicalisation des soins ainsi que le suivi postnatal.

Selon la revue des travaux scientifiques effectuée par le professeur Blais, les patientes des sages-femmes sont jusqu’à deux fois moins nombreuses que les autres à accoucher prématurément ou à donner naissance à des bébés de moins de 2500 gr. Après l’accouchement, elles ont aussi plus confiance en leurs habiletés à prendre soin de l’enfant et elles sont plus nombreuses à allaiter. Ces différences, croit le chercheur, semblent en bonne partie liées à des habitudes de vie plus saines et aux valeurs que partagent les femmes intéressées par ce type d’accouchement.

Cependant, une autre étude, menée celle-là en Colombie-Britannique, présente des résultats beaucoup plus mitigés. Bien que les accouchements à domicile semblent assurer de meilleurs résultats pour ce qui est des taux de césarienne ou d’infections maternelles, on a recensé un pourcentage plus grand de morts périnatales chez le groupe des mères qui ont donné naissance à leur enfant à la maison.

Au Québec, en 1998, l’équipe d’évaluation des projets pilotes relatifs aux sages-femmes, que coordonnait le professeur Blais, rapportait déjà une incidence plus élevée de mortinaissances (bébés mort-nés) chez les patientes de sages-femmes: 7,3 décès pour 1000 naissances comparativement à 4,3 pour 1000 en milieu hospitalier. À l’époque, le comité pressait les sages-femmes de parfaire leur formation et de mieux s’intégrer au système de santé.

Il semble que ces recommandations ont porté leurs fruits. «Aujourd’hui, le taux de mortinaissances dans les maisons de naissance au Québec est comparable à celui des hôpitaux», affirme Régis Blais. Ce qui lui fait dire que la décision d’accoucher en dehors de l’hôpital relève d’un choix personnel plutôt que de la supériorité de l’un ou de l’autre milieu d’accouchement.

Deuxième métier le plus vieux du monde

Rappelons que dans tous les pays industrialisés, à l’exception du Canada et des États-Unis, la plupart des bébés sont mis au monde par des sages-femmes professionnelles intégrées au système de santé. Le Canada est le dernier pays industrialisé à avoir autorisé la pratique des sages-femmes. Mais la décision de légaliser cette pratique au Québec, en juin 1999, se limite aux maisons de naissance. Pour l’instant, l’accouchement au lieu de résidence de la mère reste interdit.

Dominique Nancy



 
Archives | Communiqués | Pour nous joindre | Calendrier des événements
Université de Montréal, Direction des communications et du recrutement