Édition du 25 août 2003 / volume 38, numéro 1
 
  Un nouveau directeur au CRDP
Pierre Noreau entend intensifier les recherches sur le droit et les nouveaux rapports sociaux.

Quel est le rôle du droit dans une société pluraliste et mouvante comme la nôtre? Pour le nouveau directeur du Centre de recherche en droit public (CRDP), Pierre Noreau, cette question englobe toutes les autres auxquelles il tentera de répondre au cours des quatre prochaines années.

Pierre Noreau

«Dans une société pluraliste, le droit ne peut être que contrainte. S’il impose de façon vexatoire des modèles de comportement, il peut être un élément d’exclusion sociale», lance-t-il d’emblée au cours d’une entrevue.

Durant son mandat, qui a débuté le 1er juin dernier, le politologue de 44 ans intensifiera les recherches sur le droit et les nouveaux rapports sociaux. En quoi le droit est-il producteur de nouveaux rapports, en quoi est-il le produit de ces rapports?

La médiation familiale constitue à son avis une bonne illustration de l’espace qu’une loi peut laisser pour permettre les transactions entre des citoyens. «Voilà une zone où les gens définissent leurs normes en présence d’un tiers qui objective les rapports.» On peut poursuivre en disant que cette pratique de la médiation a eu un impact sur la hausse des cas de garde partagée d’enfants et a ainsi débouché sur divers accommodements familiaux jusqu’alors peu éprouvés.

Le CRDP est souvent à l’avant-garde des enjeux de notre temps. Bien avant que la bioéthique devienne un objet de régulation de la recherche, le CRDP s’y intéressait; même chose pour le droit et l’électronique: c’est au chercheur Pierre Trudel qu’on doit le premier traité sur le cyberespace dans le monde francophone.

M. Noreau s’est joint au CRDP en 1998. Cinq ans plus tard, il se trouve à la tête d’un groupe «au sein duquel travaillent plusieurs collègues que j’ai maintes fois lus et admirés». Auparavant, il avait passé six ans à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue, où la rareté des ressources, dit-il, constituait un excellent rempart contre la tentation de l’hyperspécialisation. Chaque professeur était appelé à effectuer plusieurs tâches dans plusieurs domaines. Pierre Noreau, qui était responsable du programme de sciences sociales, ne se plaint pas de cette «perspective interdisciplinaire», bien au contraire.

De toute manière, le parcours du nouveau directeur du CRDP est loin d’être classique. «Je suis issu du mouvement social.» En effet, Pierre Noreau ne possède pas seulement une solide formation universitaire — baccalauréat en droit, maîtrise et doctorat en sciences politiques et stage postdoctoral en sociologie du droit —, il a également été de nombreuses fois au cœur de l’action. En 1981, il fonde la Confédération des associations d’étudiants et d’étudiantes de l’Université Laval afin d’assurer une véritable représentation étudiante au sein des instances de l’établissement. Deux ans plus tard, le jeune avocat préside le premier Sommet québécois de la jeunesse. Entre-temps, il a trouvé un emploi à la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, où il s’occupe entre autres du "dossier des jeunes" et de la vulgarisation scientifique des lois pour les communautés culturelles.

C’est donc fort d’une solide expérience de terrain qu’il entreprend sa thèse sur les modalités d’intégration de certains groupes (la communauté maghrébine en France, les personnes âgées aux États-Unis et les jeunes ici) dans des systèmes politiques. Encouragé notamment par Fernand Daoust et Léon Dion, il décide alors de bifurquer du côté des sciences politiques.

«De plus en plus, nous invitons les étudiants à se former dans une deuxième discipline, autre que le droit, dit-il. Il est aussi important de se demander pourquoi tel type de droit prédomine sur tel autre.»

Le droit, poursuit-il, n’est pas quelque chose de fini, de fixe, d’immuable. Les travaux du Centre ont conduit ses membres à considérer le droit comme quelque chose de souple, de plus fluide. Et cette conception trouve des échos dans la société juridique, dit-il. À preuve, les revirements jurisprudentiels ne sont plus exceptionnels. «Cet espace devient un lieu de création du droit. Il est de plus en plus difficile pour un juriste d’étudier le droit sans tenir compte de la société.»

«J’aborde le droit comme un processus continu de structuration des rapports sociaux. Ce n’est pas l’institution qui m’intéresse mais le processus. Et il semble que les membres du CRDP sont sur cette même longueur d’onde.»

Paule des Rivières



 
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