Édition du 2 septembre 2003 / volume 38, numéro 2
 
  Les femmes sont plus instruites et moins payées
Diane Lavallée rappelle à l’ordre les détracteurs de la féminisation des professions.

Diane Lavallée

En 1910, Marie-Justine Gérin-Lajoie obtient la note la plus forte parmi tous les sortants du baccalauréat au Québec. Le prix annuel décerné au meilleur étudiant va toutefois à celui qui s’est classé deuxième et qui est un homme. Le recteur de l’Université Laval qualifie à l’époque la réussite exceptionnelle de Mme Gérin-Lajoie d’«incident compromettant» qu’il faut taire!

L’anecdote, tout à fait de circonstance en cette année du 125e, était racontée par la présidente du Conseil du statut de la femme, Diane Lavallée, au colloque «Questions d’équité en éducation et formation», tenu les 21 et 22 août dernier.

Depuis cet «incident», les femmes ont toutefois largement pris leur place dans la formation universitaire, si bien qu’elles comptent maintenant pour 60 % des inscriptions au premier cycle dans l’ensemble des universités québécoises. Avec la Norvège, le Québec fait même partie du peloton de tête des pays où les femmes sont les plus scolarisées du monde, a souligné Mme Lavallée dans son allocution d’ouverture.

Un rattrapage qui inquiète

Cette scolarisation des femmes a déjà pour effet de féminiser les principales professions libérales, notamment la médecine, la pharmacie et le droit, et cela en inquiète certains, qui voient dans la présence accrue des femmes un risque de dévalorisation de leur profession. On s’inquiète notamment des congés parentaux et des changements dans les styles de pratique. En médecine, les femmes travaillent en moyenne cinq heures de moins par semaine que leurs collègues masculins. Même phénomène en pharmacie, où 26 % des hommes travaillent plus de 50 heures par semaine contre seulement 7 % des femmes. Dans ces deux professions, il y a pénurie.

L’effet de la féminisation se fait également sentir en droit, où les femmes préfèrent la conciliation aux affrontements devant les tribunaux, et en notariat, où elles préfèrent travailler en solo.

Mais selon Mme Lavallée, la diminution du temps de travail de la part des femmes est compensée par une humanisation des services, une écoute plus attentive et plus empathique. «Plusieurs hommes refusent aussi de passer leurs nuits et leurs fins de semaine au bureau et cela est encourageant, a-t-elle affirmé. La problématique est davantage liée à une question de génération — les jeunes veulent consacrer plus de temps à leur famille — qu’à la seule présence des femmes. Le monde et les temps changent. Les ténors des corporations professionnelles devront en prendre acte et s’adapter plutôt que chercher des coupables.»

Les femmes poursuivent par ailleurs leur progression sur le plan de la formation universitaire. Entre 1996 et 2001, le nombre de femmes qui ont terminé un doctorat s’est accru de près de 35 % alors que celui des hommes n’a augmenté que de 8,3 %. Par contre, le revenu des femmes diplômées, qui représentait 76 % de celui des hommes en 1995, n’en constituait plus que 70 % en 2002.

Décrochage scolaire

Les participants du colloque ont amplement discuté du décrochage scolaire des garçons, phénomène qui explique partiellement leur sous-représentation à l’université. Pour Diane Lavallée cependant, tous les élèves en difficulté doivent être mieux encadrés à l’école, quel que soit leur sexe.

Mais pour contrer le décrochage chez les garçons, elle souhaite une participation accrue des pères dans le soutien scolaire à la maison, une répartition plus équitable des garçons et des filles dans les différents champs d’études, le maintien et même l’expansion de la mixité (voir l’encadré) et des mesures pour contrer la pauvreté. Elle exhorte aussi les enseignants à transmettre le goût de l’effort et de l’apprentissage.

Le colloque était organisé par les professeures Claudie Solar et Fasal Kanouté, du Département de psychopédagogie et d’andragogie, dans le cadre du cours de deuxième cycle Pédagogie et équité.

Daniel Baril

Le CSF contre la non-mixité des classes

L’idée de revenir à la non-mixité des classes comme mesure de prévention du décrochage chez les garçons est de plus en plus discutée dans les milieux de l’éducation. Privés de modèles masculins auxquels ils peuvent s’identifier et peu incités à donner libre cours à leurs impulsions, les garçons se désintéresseraient de plus en plus de l’école, notamment à l’adolescence.

Diane Lavallée, présidente du Conseil du statut de la femme (CSF), rejette cette idée. «Une étude réalisée par le ministère de l’Éducation de l’Australie en 2001 a montré que la non-mixité n’entraînait aucune augmentation de la réussite des garçons», a-t-elle déclaré.

À ses yeux, la non-mixité paraît même hasardeuse. "Il y a un risque que les enseignants abaissent leurs attentes et leurs exigences dans une classe de garçons. Les enseignants risquent aussi d’adopter les champs d’intérêt des garçons et d’alimenter les stéréotypes sans les remettre en question.»

Par ailleurs, les filles pourraient améliorer leur apprentissage parce que leurs classes seraient moins perturbées sans la présence des garçons, ce qui augmenterait l’écart intersexe sur le plan de la réussite scolaire.

«Avoir recours aux classes séparées ne favoriserait pas l’égalité des sexes, affirme Mme Lavallée. Et l’école doit être un lieu d’apprentissage de la vie en société.»

Tout en étant contre la non-mixité généralisée, elle n’en rejette pas pour autant le principe pour certains cours, comme l’éducation physique à l’adolescence.

D.B.



 
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