Édition du 2 septembre 2003 / volume 38, numéro 2
 
  La lecture pour contrer le décrochage scolaire
Selon Mohamed Hrimech, le problème du décrochage des garçons est surtout un problème de socialisation.

Mohamed Hrimech 

On ne compte plus les études effectuées et les hypothèses avancées pour expliquer le décrochage scolaire chez les garçons. Ce phénomène inquiétant n’est pas propre au Québec, il s’observe dans la plupart des pays industrialisés.

Mohamed Hrimech, professeur au Département de psychopédagogie et d’andragogie, a passé en revue ces différents travaux au cours d’une conférence présentée au colloque «Questions d’équité en éducation et formation» afin de faciliter la recherche de solutions.

S’il en était encore qui doutaient du caractère plus marqué de ce phénomène chez les garçons que chez les filles, voici quelques chiffres convaincants. Au Québec, 41 % des garçons abandonnent leurs études avant la fin du secondaire, contre 26 % des filles. Chez ceux qui terminent leurs études, 40 % des garçons contre 27 % des filles affichent des retards d’apprentissage. Toujours au secondaire, on compte deux fois plus de garçons que de filles en butte à des difficultés d’apprentissage et cinq fois plus de garçons que de filles aux prises avec des problèmes de comportement.

Styles cognitifs

Selon certaines théories avancées pour expliquer l’écart entre les sexes, les garçons et les filles n’auraient pas les mêmes «styles cognitifs» ou façons d’apprendre. Le style d’apprentissage des garçons serait plus impulsif tandis que celui des filles serait plus réflexif. Par ailleurs, les habiletés cognitives particulières des garçons feraient qu’ils établissent plus de liens entre les divers champs d’apprentissage que les filles. L’école, en misant sur la réflexion et en cloisonnant les matières, favoriserait donc davantage les habiletés cognitives de type féminin.

D’autres explications ont trait aux valeurs que l’école véhicule. La culture masculine serait en opposition systématique avec les valeurs de l’école, car celle-ci accorde plus d’importance aux comportements féminins, toujours selon les hypothèses rapportées par le professeur. «Lire est considéré comme une tâche féminine tandis que les garçons préfèrent le sport. Cette différence est encore plus marquée dans les milieux défavorisés», a souligné M. Hrimech.

«Les enseignants ont parfois des images stéréotypées de ce que sont les garçons. Ils arrivent en classe avec l’idée que les garçons sont turbulents et cette croyance provoque les réactions appréhendées. Et lorsqu’un garçon est expulsé de la classe parce qu’il ne correspond pas au modèle, cela entraîne le décrochage.»

Lecture et écriture

Selon le professeur Hrimech, l’une des principales causes immédiates de la plus grande réussite des filles est le temps consacré à la lecture. Les filles réussissent mieux parce qu’elles lisent davantage, affirme-t-il. En sixième année, 57 % des filles ont atteint ou dépassé les compétences de base en lecture, contre seulement 38 % des garçons.»

Cette différence reposerait principalement, à son avis, sur la socialisation : les garçons sont conditionnés à préférer le sport alors que les filles sont encouragées à lire. Une des solutions qu’il retient pour contrer le décrochage consiste donc à encourager l’écriture et la lecture chez les jeunes, tout en augmentant le nombre d’enseignants masculins dans les écoles et en adaptant les contenus d’enseignement pour que les garçons y trouvent leur place.

Quant aux facteurs de type cognitif ou liés aux habiletés «naturelles» possiblement à la base de ces comportements différents, le professeur considère qu’ils sont secondaires dans la problématique et que ces théories ont peu, sinon pas du tout, de fondement. «Je sais comment mesurer le nombre d’heures de lecture, mais pas comment estimer des "différences naturelles"», a-t-il affirmé.

En mesurant les habiletés de lecture peut-être?

Daniel Baril



 
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