Édition du 8 septembre 2003 / volume 38, numéro 3
 
  Les critiques de cinéma influencent surtout les non-cinéphiles
Il s'agit d'une des premières études à faire la lumière sur l'influence de la critique spécialisée de cinéma.

François Colbert

Les consommateurs de produits culturels qui ont une faible estime de soi lisent davantage les critiques de cinéma que les gens sûrs d’eux. Par conséquent, ces critiques ont plus d’influence sur leur décision d’aller voir ou non un film.

Voilà l’une des conclusions d’une étude réalisée par Alain d’Astous et François Colbert, deux chercheurs de HEC Montréal, sur la consultation de critiques de films et son impact sur la consommation, parue récemment dans la revue Gestion (volume 28, numéro 1, printemps 2003). Cette étude révèle en outre que, chez les cinéphiles, la lecture des critiques est plutôt une façon de confronter leur point de vue à celui d’une autre personne. Ceux qui se décrivent comme des non-cinéphiles s’en remettent beaucoup au jugement du spécialiste.

L’étude des chercheurs de HEC Montréal, affiliée à l’Université de Montréal, est une des premières à tenter de faire la lumière sur l’influence de la critique spécialisée de cinéma sur le consommateur de produits culturels. «Dans toutes les disciplines artistiques, peut-on lire en présentation, on prête un pouvoir énorme à la critique, celui de faire ou de défaire une opération [de lancement] sur la base d’un simple article dans le journal : on croit que les spectateurs potentiels n’attendent que les critiques pour faire un choix éclairé. Qu’en est-il exactement?»

Les chercheurs ont procédé à une enquête auprès de 120 étudiants dont l’âge correspond au public cible d’une bonne partie de l’industrie cinématographique. Ceux-ci ont eu à recommander ou à déconseiller un long métrage à la suite de la lecture d’une critique. Pour ce faire, les chercheurs ont inventé 96 scénarios de films et mis au monde six critiques de cinéma. Pourquoi s’être basé sur des films et des critiques factices ?

« Pour contrôler tous les paramètres, répond M. d’Astous. Si l’on avait proposé des films de Steven Spielberg ou des textes de critiques connus, on aurait intégré des biais. »
 

La recherche a permis de révéler qu’il s’établissait une relation particulière entre la personne qui lit une critique et le signataire de celle-ci. «La personne qui lit une critique de cinéma va bien au-delà du texte publié, explique Alain d’Astous, qui s’intéresse depuis 15 ans à l’impact de la critique sur la consommation de produits culturels. Le lecteur analyse l’information transmise en tenant compte de la réputation du critique, de celle du réalisateur, de la qualité des acteurs, etc. De plus, il lit la critique avec les différentes facettes de sa personnalité. »

Les grands succès cinématographiques des derniers mois —Les invasions barbares, La grande séduction, Hulk, The Matrix — ont été accompagnés de campagnes publicitaires majeures. Mais ils ont aussi été présentés par la critique dans les médias comme de bons ou de mauvais films.

L’article de la revue Gestion suggère aux gestionnaires d’atténuer les impacts négatifs d’une critique défavorable ou de maximiser les retombées d’une critique louangeuse. N’a-t-on pas vu récemment des producteurs interdire la publication des critiques tant que la campagne de prélancement de leur film ne serait pas achevée? «Cette décision joue sur un élément supplémentaire, mentionne le professeur d’Astous : les attentes du public. Une campagne de prélancement d’envergure augmente les attentes du public. Certaines personnes vous diront que, lorsqu’elles ont vu Les invasions barbares, elles en avaient tellement entendu parler de façon élogieuse qu’elles ont été déçues. »

Mathieu-Robert Sauvé



 
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