Édition du 8 septembre 2003 / volume 38, numéro 3
 
  Beau temps pour le crime!
Étienne Blais étudie les liens étonnants entre criminalité et météo.

La violence augmente lorsqu'il fait chaud.

Dans la région de Montréal, la violence augmente avec la hausse de la température. Par exemple, il se commet en moyenne 64 voies de fait par jour lorsqu’il fait 30 ºC comparativement à 55 lorsqu’il fait moins de 23 ºC. De même, la perpétration des agressions sexuelles a un lien direct avec les heures d’ensoleillement. C’est ce qu’a constaté le criminologue Étienne Blais au cours d’une recherche sur les liens entre la météo et la criminalité dont il livrera sous peu les résultats dans la Revue internationale de criminologie comparée et de police scientifique. Sa recherche, financée par Environnement Canada, a tenu compte de quelque 160 000 rapports du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal rédigés entre 1995 et 1998.

Pour Étienne Blais, il ne fait pas de doute que les conditions météorologiques ont une influence directe sur le passage à l’acte. « Les crimes contre la personne augmentent s’il fait plus chaud. C’est vrai en janvier comme en juillet. L’hiver, il se commet 48 voies de fait par jour lorsque le thermomètre dépasse les 4 ºC, comparativement à 42 lorsqu’il tombe sous la barre des –10 ºC. En revanche, des conditions comme la pluie et le vent ont des effets contraires, dissuasifs en quelque sorte. »

Cette recherche, menée à l’École de criminologie de l’Université, où M. Blais effectue des travaux de doctorat, révèle aussi une hausse marquée de la criminalité aux premiers jours du mois. L’auteur signale que cette hausse correspond à la période de distribution des chèques d’assistance sociale. « Tout juste derrière le critère de la température maximale de la journée figure la variable de la distribution des chèques », commente-t-il. Le jour de la remise des chèques, on enregistre une moyenne de 61 voies de fait contre moins de 50 les autres jours.

Le phénomène peut s’expliquer par la théorie des activités routinières, que les criminologues connaissent bien. Selon cette théorie, les gens sortent davantage de chez eux les jours de beau temps, ce qui entraîne une augmentation des interactions entre les gens et par le fait même un accroissement des risques de conflits interpersonnels. Là où la recherche de M. Blais innove, c’est qu’elle tient compte des conditions quotidiennes.

« La plupart des études sur ce sujet établissaient un lien entre la météo et la criminalité de façon mensuelle ou annuelle. Nous avons trouvé qu’il serait plus indiqué de l’analyser quotidiennement, dit l’étudiant qui travaille sous la direction du criminologue Marc Ouimet. Nous avons donc répertorié parallèlement les actes criminels et les conditions météorologiques selon les rapports quotidiens fournis par Dorval. »

Pour obtenir des points de comparaison valables, le chercheur a tenu compte d’événements non liés à la météo mais qu’on peut facilement inscrire sur un calendrier. Les matchs d’équipes professionnelles de sport provoquent des déplacements de foule considérables, par exemple, et ont des effets sur le crime contre la personne. En Angleterre, des recherches ont montré que les victoires des équipes locales d’une métropole menaient à une hausse marquée des admissions pour violence conjugale dans les urgences. Selon le chercheur québécois, un tel phénomène ne serait pas observable à Montréal, où les parties du Canadien (hockey), des Expos (baseball) et des Alouettes (football) n’ont vraisemblablement pas cet impact.

Par ailleurs, une recherche précédente de M. Ouimet avait permis de révéler que les voies de fait, au Québec, étaient 13 fois plus fréquentes le week-end (vendredi, samedi et dimanche) que durant la semaine. On a voulu savoir, cette fois, si l’incidence des longs congés était significative. Ce n’est pas le cas. «Les longs congés n’ont pas d’effets mesurables sur la criminalité, dit Étienne Blais. Mais les accidents de la route connaissent une recrudescence marquée. »

La conduite automobile répond, elle aussi, à la règle de la température maximale, mais il faut apporter ici une nuance importante. «La fréquence des accidents avec blessés légers et graves augmente avecl’accroissement de la température, lorsque la moyenne dépasse les 20 ºC, ou quand des gels surviennent (moins de 0 ºC). Entre ces deux, il y a une zone grise qu’on explique mal. »

La dépression saisonnière, qui mènerait à une hausse des suicides, n’a pas davantage mené à des résultats probants. «Selon nos données, il n’y aurait pas plus de suicides par mauvais temps et aucune saison en particulier n’entraînerait un plus grand nombre de suicides. Mais je dois dire que notre échantillon à ce chapitre était plus restreint.»

Enfin, la recherche a permis de déboulonner un vieux mythe : l’impact de la pleine lune sur la criminalité. «Il est absolument nul», déclare le chercheur.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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