Édition du 8 septembre 2003 / volume 38, numéro 3
 
  Aaah… Une araignée!
Vincent Paquette a radiographié le cerveau d’arachnophobiques avant et après une thérapie.

Plusieurs personnes ont les araignées en horreur. 

Si l’on change l’état d’esprit, la chimie du cerveau se modifie. C’est du moins ce que Vincent Paquette a constaté au cours d’une expérience menée auprès de 12 femmes arachnophobiques à qui il avait demandé de regarder des extraits de films mettant en vedette de petites bêtes velues à huit pattes. Après que leur phobie eut été maîtrisée, l’activité cérébrale s’était déplacée.

« C’est clair, dit le chercheur rattaché à l’Institut de gériatrie de Montréal. Les images du cerveau en action, obtenues par résonance magnétique, montrent, avant la thérapie, une activité intense dans le lobe préfrontal droit et le gyrus parahippocampique. À la fin du traitement, l’activité du cerveau de ces femmes était identique à celle de n’importe quel individu. »

Selon l’étudiant en neuropsychologie, une thérapie cognitive-comportementale d’une durée d’un mois a la capacité d’influer sur la dynamique électrochimique du cerveau. Il s’agit de la première étude à en faire la preuve objectivement grâce à l’imagerie cérébrale fonctionnelle. Les résultats de sa recherche effectuée au cours de sa maîtrise ont été publiés en février 2003 dans la revue scientifique Neuro Image.

Changer la chimie du cerveau, c’est ce que visent les nombreux médicaments utilisés en pharmacothérapie. Or, dans bien des cas, il vaudrait peut-être mieux changer l’état d’esprit des personnes qui souffrent pour soulager leurs malaises.

Une phobie, ça se soigne

Le chercheur précise dans son article que celui qui a la phobie des araignées ne cessera pas d’avoir peur par la seule pensée que ces arthropodes sont inoffensifs. «Nos données suggèrent qu’avec de la volonté il est toutefois possible de changer la nature et le contenu des expériences subjectives et ainsi de modifier le fonctionnement et la neurochimie du cerveau.»

La preuve : après quatre séances de trois heures, plus de la moitié des femmes qui avaient les araignées en horreur en sont venues à manipuler sans aucun malaise une mygale, une des plus grandes araignées du monde. Pour contrôler leur peur, elles ont eu recours à une sorte de désactivation de la mémoire négative associée aux arachnides. « À la fin du traitement, l’imagerie cérébrale fonctionnelle ne montrait plus chez ces femmes aucune activité du gyrus parahippocampique, une zone du cerveau située en bordure de l’hippocampe et liée à la mémoire», signale Vincent Paquette.

On savait déjà grâce à la tomographie par émission de positrons, une technique d’imagerie cérébrale capable de mesurer le débit sanguin, que des modifications cognitives et comportementales pouvaient mener à des changements métaboliques cérébraux chez les patients atteints de dépression ou de troubles compulsifs. Mais rien n’avait encore été démontré chez des personnes aux prises avec la phobie des araignées.

L’étude du futur psychologue avait pour but de montrer l’effet d’une psychothérapie sur le cerveau auprès de cette population. Il a observé l’activité du cerveau de phobiques et comparé les données avec celles d’un groupe témoin. Tous les volontaires ont visionné cinq films d’araignées d’une durée de 30 secondes, suivis d’extraits où apparaissaient des papillons. Avant et après leur thérapie, les participants devaient également évaluer les extraits sur une échelle de 1 à 8, ce dernier chiffre correspondant à la peur la plus vive ressentie.

Si certains extraits ont reçu la note maximale à la première étape, ces mêmes images sont devenues, après le traitement, subitement peu stressantes pour les sujets traités, indique Vincent Paquette. «La moyenne des évaluations avant et après la thérapie était respectivement de 6,3 et de 0,1 sur 8.»

À noter, il a choisi de mener sa recherche exclusivement avec des sujets de sexe féminin. « À peu près tous les hommes qui ont les araignées en dégoût réagissent par un mouvement de recul lorsqu’ils en voient une; c’est une sorte de réflexe. Les femmes, elles, sont plus introverties et ont tendance à se figer. Cette caractéristique était essentielle pour l’étude avec le scanner », explique le chercheur, qui a personnellement participé à la sélection des volontaires et à leur thérapie.

Les travaux de Vincent Paquette, réalisés sous la direction de Mario Beauregard, chercheur au Département de psychologie, se poursuivent présentement sous d’autres formes. L’étudiant cherche notamment à voir comment la neurochimie du cerveau des phobiques sociaux réagit à la psychothérapie.

Dominique Nancy



 
Archives | Communiqués | Pour nous joindre | Calendrier des événements
Université de Montréal, Direction des communications et du recrutement