Édition du 15 septembre 2003 / volume 38, numéro 4
 
  Voir la Terre de l’espace: «Ça change un homme!»
Marc Garneau est l’invité du Département de physique.

Pionnier de l’exploration pacifique de l’espace, le Canada a été le troisième pays à envoyer un satellite en orbite, en 1962. Et en plus du célèbre bras canadien, qui est une de ses plus grandes fiertés technologiques, des composantes électroniques mises au point ici font route actuellement vers la planète Mars. Le Canada n’est donc pas un figurant dans l’histoire de l’exploration spatiale. C’est ce qu’est venu dire le président de l’Agence spatiale canadienne, Marc Garneau, au cours d’une conférence publique organisée par le Département de physique le 5 septembre dernier.

Toutefois, l’histoire n’est peut-être pas garante de l’avenir, car les budgets accordés à l’Agence (300 M$) sont insuffisants. «Il l’a dit du bout des lèvres, mais il l’a dit tout de même, souligne Antony Moffat, professeur au Département de physique et l’un des chercheurs les plus actifs du Québec dans le secteur de la recherche spatiale. En réalité, le Canada dépense sept fois moins par habitant que les États-Unis pour l’exploration de l’espace. En chiffres absolus, c’est un budget 70 fois moindre.»

Après une présentation d’une heure devant quelque 300 personnes, durant laquelle il a défendu inconditionnellement le programme spatial canadien, l’astronaute, qui a participé à trois missions en dehors de l’attraction terrestre, s’est prêté de bonne grâce à la période de questions. «L’Agence spatiale canadienne n’est pas un centre de recherche fondamentale, a-t-il expliqué à des étudiants intéressés par des carrières à l’Agence. On y compte quelques physiciens, mais nos chercheurs sont surtout orientés vers la recherche appliquée.»

M. Garneau a tenu à souligner les efforts considérables déployés par les chercheurs canadiens depuis le milieu du siècle dernier. Dès 1962, le satellite canadien Alouette 1 était lancé. «Certains observateurs lui donnaient une heure de survie dans l’espace. Ce satellite a duré 10 ans avant qu’on le mette volontairement hors service. Avec ses successeurs (Alouette 2, Isis I et Isis 2), ils ont permis la publication de 1200 articles scientifiques.»

Plus récemment, des projets où sont engagés M. Moffat et la physicienne Nicole St-Louis permettront d’élargir notre connaissance de l’Univers. «L’un des programmes, par exemple, précisera l’âge de l’Univers et nous apportera de l’information sur les planètes extrasolaires, a expliqué l’astronaute devenu gestionnaire. Peut-être même obtiendrons-nous grâce à lui les premières images de l’une d’elles.»

D’ingénieur à astronaute

 Vétéran de trois missions spatiales (en 1984, 1996 et 2000), Marc Garneau a cumulé plus de 677 heures de vol dans l’espace. «Je suis aujourd’hui cloué au sol; il faut laisser la place à d’autres», a-t-il dit, sourire aux lèvres.

À la question «Est-ce que ça change un homme d’aller dans l’espace?» Marc Garneau a répondu sans hésiter par l’affirmative, adoptant un discours écologiste plus viscéral qu’intellectuel. «Lorsque l’on constate de là-haut les effets de la déforestation, qu’on voit dans les deltas des rivières toute cette terre arable rejetée vers la mer, on se rend compte de la fragilité de notre planète», a-t-il dit.

Les voyages spatiaux habités auront permis d’apercevoir la Terre dans le vide de l’espace et de prendre conscience de sa taille et de sa vulnérabilité. À son avis, c’est là l’une des plus importantes retombées de ces vols. «Notre planète est en danger, mais la plupart des gens ne s’en rendent pas compte.»

D’abord soldat dans la marine canadienne, Marc Garneau est un des six astronautes qui ont été choisis en 1983 par le gouvernement canadien pour prendre place dans une navette. L’année suivante, il est détaché du ministère de la Défense nationale pour suivre son entraînement. Il devient le premier astronaute canadien à aller dans l’espace à bord de la navette américaine, en octobre 1984, à titre de spécialiste de charges utiles.

Nommé directeur adjoint du Programme des astronautes canadiens en 1989, il assure un soutien technique lors de la préparation d’expériences à exécuter en vol au cours de missions canadiennes subséquentes. En juillet 1992, il est sélectionné pour suivre l’entraînement de spécialiste de mission à la NASA. Il préside l’Agence spatiale canadienne depuis 2001.

À son avis, l’explosion de la navette Challenger n’a fait que retarder de quelques années l’envoi des deux astronautes canadiens qui devaient s’envoler dans l’espace au cours de la dernière année. Il croit que ce drame aura pour conséquence de devancer de deux ou trois ans la mise en service d’une nouvelle génération de navettes spatiales, qui devait initialement être lancée en 2010. Au sujet du rapport incriminant la NASA, il dit que les médias ont été injustes. «Je doute fortement que les médias aient lu ce rapport», dit-il. L’agence américaine a peut-être commis des erreurs, mais elle a aussi fait un millier de bonnes choses qui n’ont pas été rapportées, selon lui.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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