Édition du 22 septembre 2003 / volume 38, numéro 5
 
  Richard Tremblay défend son étude sur les garderies
La question des garderies à 5 $ est un faux débat, affirme le professeur.

Outre la piètre qualité des services en milieu privé, l’étude de Richard Tremblay met en évidence le lien entre la qualité des services et le milieu économique.

«Notre étude est celle qui donne l’heure la plus juste sur la qualité des services de garde. C’est la meilleure qu’on ait à ce jour.» C’est en ces termes que le professeur Richard Tremblay défend son étude qui a soulevé la controverse depuis sa présentation devant la Commission des affaires sociales le 9 septembre dernier.

Les principales données de l’étude montrent que seulement 25 % de l’ensemble de tous les types de services de garde obtiennent une cote bonne ou excellente et que 34 % des garderies privées sont jugées de qualité inadéquate.

L’Association des garderies privées du Québec a reproché aux auteurs de l’étude d’avoir eux-mêmes utilisé un outil inadéquat datant des années 80 et ne tenant pas compte de la spécificité du programme québécois. «L’outil employé est la Early Child Environment Rating Scale (ECERS) dans sa version de 1993. Il s’agit du meilleur outil qui existe, utilisé partout au Canada, aux États-Unis et ailleurs dans le monde, et qui a été conçu pour évaluer la qualité de l’environnement éducatif des enfants», réplique Richard Tremblay, directeur du Groupe de recherche sur l’inadaptation psychosociale chez l’enfant et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur le développement des enfants.

La ECERS mesure, 43 éléments tels la sécurité, l’alimentation, les programmes d’activités, la stimulation par le langage, la qualité des relations des éducateurs avec les enfants, etc. La cote globale est une moyenne des 43 notes obtenues. L’évaluation est faite par un observateur qui passe environ six heures à la garderie, soit de l’ouverture le matin jusqu’après la sieste de l’après-midi.

Quant à l’outil dont se sert le ministère de la Famille et de l’Enfance dans une autre étude en cours et qui serait plus adapté à la réalité québécoise, le professeur Tremblay souligne qu’il ne vise pas à évaluer la qualité des services mais plutôt à vérifier si le programme éducatif du ministère est respecté. «Cet instrument a été élaboré en fonction du programme éducatif et il n’est comparable à aucun autre. Le ministère n’évalue par ailleurs que les centres de la petite enfance (CPE). Si nous avions employé cet outil, nous n’aurions pas pu comparer les différents milieux entre eux.»

L’étude du professeur Tremblay incluait les garderies publiques des CPE mais également les garderies privées, les garderies en milieu familial et même les services de garde à domicile comme ceux proposés par la jeune voisine. Les garderies ou services étudiés sont ceux choisis par les parents des 2300 enfants suivis depuis 1997 dans l’Étude longitudinale sur le développement des enfants du Québec, que dirige le titulaire de la Chaire. Cet échantillon est représentatif de l’ensemble des enfants du Québec.

Selon le chercheur, le ministère de la Famille et de l’Enfance aurait tout fait pour bloquer le volet «service de garde» de cette étude longitudinale.

Accentuation des inégalités

Outre la piètre qualité des services en milieu privé, l’étude met en évidence le lien entre la qualité des services et le milieu économique: plus on provient d’une famille économiquement défavorisée, plus on risque de se retrouver dans un service de qualité inadéquate, et ceci, sans égard au caractère public ou privé du service.

«Les garderies des milieux défavorisés n’ont pas les ressources nécessaires pour instaurer un environnement de qualité et les intervenants de ces milieux sont moins exigeants, commente le chercheur. Un CPE dans un milieu pauvre ne doit pas s’attendre à ce que les parents peu scolarisés participent activement au développement du service. Quant aux parents mieux nantis, ils ne demeureront pas dans ce milieu.»

Le même phénomène serait observable chez les éducateurs, les plus scolarisés quittant les milieux défavorisés.

«Si l’objectif de la loi sur les services de garde est de rehausser le taux de réussite des enfants une fois dans le système scolaire, ce sont les milieux les plus démunis qui ont le plus besoin d’aide. Actuellement, les services de garde accroissent les inégalités puisque ce sont les milieux favorisés qui possèdent les meilleures garderies», souligne le professeur.

Garderies à 5 $

Le maintien des garderies à 5 $ serait-il une solution pour ces milieux défavorisés? «C’est un faux débat, répond Richard Tremblay. Les parents pauvres n’envoient pas leurs enfants dans les garderies à 5 $; ils fréquentent plutôt les milieux "inadéquats".»

À son avis, tous les services éducatifs devraient être gratuits. «On n’exige pas des parents qu’ils paient 5 $ par jour pour envoyer leurs enfants à l’école; l’école est gratuite depuis 150 ans. L’éducation doit être un service public gratuit pour tous, et ce, dès la naissance. Et l’encadrement adéquat doit commencer dès la grossesse et viser principalement les mères des milieux pauvres.»

Outre le professeur Tremblay, Sylvana Côté, professeure à l’École de psychoéducation, et Christina Japel, de l’UQAM, ont participé à la réalisation de l’étude.

Daniel Baril



 
Archives | Communiqués | Pour nous joindre | Calendrier des événements
Université de Montréal, Direction des communications et du recrutement