Édition du 26 septembre 2003 / volume 38, numéro 6
 
  Café et vieillissement perturbent le sommeil lent profond
Julie Carrier cherche à mesurer si la caféine a un effet différencié selon les âges.

Julie Carrier

En quelques minutes, un bon café a tôt fait de vous remettre d’aplomb après une nuit trop courte ou de chasser ce début d’endormissement de l’après-midi.

Mais sommes-nous plus sensibles à cet effet stimulant à 40 ans qu’à 20 ans? On serait porté à penser que oui, mais aucune étude n’a jamais été effectuée sur la possible variabilité de l’effet de la caféine selon l’âge, nous apprend Julie Carrier, professeure au Département de psychologie.

Chercheuse au Laboratoire de chronobiologie du Centre d’étude du sommeil et des rythmes biologiques de l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal, Mme Carrier vient de lancer ce qui est sans doute la première étude sur le sujet.

«L’effet du café sur le sommeil ressemble à l’effet que produit le vieillissement, indique-t-elle. À partir de 30 ans, la quantité de sommeil lent profond diminue et les périodes d’éveil pendant les phases de sommeil sont plus nombreuses. La caféine a des répercussions similaires.»

Chez un adulte, les phases légère et profonde du sommeil lent représentent 80 % d’une nuit de sept heures, le sommeil paradoxal occupant les 20 % restants. La phase profonde, caractérisée par les ondes delta les plus lentes et les plus amples, compte pour un peu plus de la moitié du sommeil lent.

On savait qu’à 60 ans la quantité de sommeil lent profond est beaucoup moindre qu’à 20 ans, mais les travaux antérieurs de Julie Carrier ont montré que c’est principalement dans la trentaine que survient cette diminution, qui se poursuit ensuite au fil des ans.

Si ce phénomène s’accroît avec l’âge, il pourrait en être de même de l’effet de la caféine, dont les symptômes sont apparentés. C’est du moins ce que croit Julie Carrier. Pour le savoir, elle étudie actuellement la manière dont s’effectue la récupération de sommeil chez des personnes qui en ont été privées et qui ont absorbé de la caféine (voir l’encadré).

«Lorsqu’une personne manque de sommeil, les périodes de sommeil lent profond sont par la suite plus nombreuses au moment où elle récupère ses heures de sommeil. Notre hypothèse est que la caféine devrait freiner cette récupération et que ce phénomène devrait être plus marqué chez les personnes de 30 à 60 ans que chez celles de 20 ans.»

L’étude testera l’hypothèse en situation normale, c’est-à-dire quand il y a consommation de café avant le sommeil, et en situation de privation de sommeil comme dans les conditions de travail de nuit.

Adénosine

L’une des explications possibles de la perturbation du sommeil par la caféine est que celle-ci serait un antagoniste de l’adénosine. «L’adénosine est un neuromodulateur qui joue un rôle dans les mécanismes du sommeil, explique la chercheuse. Les études sur des animaux montrent qu’une injection d’adénosine augmente la quantité de sommeil lent profond. La concentration varie également selon les phases du sommeil et de l’éveil.»

En bloquant certains récepteurs de l’adénosine, la caféine l’empêcherait d’entraîner la personne dans le sommeil lent profond.

L’étude de la professeure Carrier, qui constitue en fait le doctorat en psychologie de Caroline Drapeau, cherchera également à mesurer si l’effet du café varie selon les cycles circadiens.

«Les travailleurs de nuit ont tendance à consommer davantage de café vers la fin de leur nuit de travail, au moment où la privation de sommeil est la plus forte. On ne sait pas quel est l’effet de cette consommation de café sur la récupération du sommeil pendant le jour.»

Différences entre hommes et femmes

Les études sur le sommeil montrent en général que les femmes se plaignent plus que les hommes de la mauvaise qualité de leur sommeil alors qu’en laboratoire les électroencéphalogrammes démontrent qu’elles ont plus de périodes de sommeil lent profond.

Deux explications sont proposées. «Il est possible que les femmes dorment mieux en laboratoire qu’à la maison parce qu’elles sont alors dégagées des responsabilités parentales ou autres», affirme Julie Carrier.

Il se pourrait aussi que les femmes aient besoin de plus de sommeil que les hommes. Toutefois, les études en question n’ont pas pris en considération l’état hormonal des femmes (modulé par les menstruations, la grossesse et la ménopause), qui peut avoir un effet sur le sommeil. L’étude de Julie Carrier tiendra compte de ce facteur.

Daniel Baril

Dormeurs recherchés  

Des dormeurs sont recherchés, non pas pour tester le confort d’un matelas mais pour mesurer l’effet de la caféine sur la récupération du sommeil selon les différents âges et selon les cycles circadiens.

Le projet de recherche que poursuit la professeure Julie Carrier vise les personnes des deux sexes âgées de 20 à 60 ans. Toutefois, elle est plus particulièrement à la recherche de candidats autour de la cinquantaine et qui constituent une denrée rare. «On ne connaît presque rien sur le sommeil des personnes d’âge moyen parce que ce sont les candidats les plus difficiles à recruter pour des expériences en laboratoire, leur travail ou leurs responsabilités parentales les rendant moins disponibles», souligne la chercheuse.

Les sujets peuvent être consommateurs ou non de café, mais devront prendre des comprimés de caféine au cours de l’expérience. Ils devront également passer quelques nuits au Centre d’étude du sommeil de l’Hôpital du Sacré-Cœur et percevront une compensation pour leur participation.

Les personnes intéressées peuvent communiquer avec le Laboratoire de chronobiologie du Centre d’étude au (514) 338-2222, poste 2517. 

 



 
Archives | Communiqués | Pour nous joindre | Calendrier des événements
Université de Montréal, Direction des communications et du recrutement