Édition du 29 septembre 2003 / volume 38, numéro 6
 
  Les mathématiques au service de la santé humaine
Une étudiante se penche sur le métabolisme de différents pesticides.

Nathalie Gosselin

Les employés d’Hydro-Québec et de firmes privées qui répandent le phytocide triclopyr sous les lignes électriques du Québec n’ont rien à craindre pour leur santé. Les résidus de cet organophosphoré dans leur organisme varient de 4 à 50 nanomoles, soit des doses de 10 à 100 fois inférieures au seuil de toxicité.

C’est ce que Nathalie Gosselin, étudiante au doctorat au Département de santé environnementale et santé au travail, conclut à l’issue d’une recherche sur le produit effectuée à partir d’échantillons que des employés d’Hydro-Québec ont fournis sur une période de 24 heures consécutives. «On peut affirmer que ces travailleurs ne sont pas à risque», dit la chercheuse.

Le triclopyr (ou Garlon 4, son nom commercial) est une substance peu connue en toxicologie si on le compare avec le malthion ou le parathion, deux autres organophosphorés qu’on utilise depuis plus de 50 ans et pour lesquels on possède beaucoup d’information. «Mais ce produit est de plus en plus utilisé au Québec. D’où l’intérêt d’en apprendre davantage», mentionne la chercheuse.

C’est à la demande d’Hydro-Québec que l’étudiante a entrepris ces travaux. Une subvention de 18 000 $ vient de lui être accordée par l’Institut de recherche Robert-Sauvé en santé et en sécurité du travail. Au Québec, le triclopyr est préféré à l’atrazine, qui a été banni dans neuf pays depuis qu’une étude épidémiologique a révélé un lien entre ce produit et le cancer des ovaires en Italie.

Nathalie Gosselin doit s’attaquer à d’autres produits (notamment l’atrazine et la simazine) afin de terminer son doctorat. Récemment, elle a fait paraître un article scientifique dans le Journal of Applied Occupational and Environmental Hygiene sur l’absorption du formaldéhyde dans les poussières de bois et elle compte en publier deux autres avant de déposer sa thèse.

Cinétique et santé environnementale

L’originalité de sa démarche réside dans l’application d’une méthode mathématique à une recherche sur la santé des travailleurs. En effet, Mme Gosselin est la première mathématicienne étudiante au doctorat à la Chaire en analyse des risques toxicologiques pour la santé humaine, lancée en 1999 par le Département santé environnementale et de santé au travail. Après avoir obtenu un baccalauréat en enseignement secondaire des mathématiques et de la physique, elle a fait porter sa maîtrise en mathématiques appliquées sur l’adaptation d’un modèle cinétique en toxicologie. «J’ai essayé de montrer comment une substance pouvait avoir un effet délétère sur l’organisme. À partir de recherches sur des animaux de laboratoire, on a pu transposé les résultats chez l’être humain.»

Depuis trois ou quatre décennies, les recherches avec des sujets humains sont étroitement encadrées, de sorte que les modèles animaux sont utilisés pour connaître la toxicité de certains produits chimiques. Il faut donc trouver des moyens de généraliser chez l’humain des résultats obtenus avec l’animal. «L’extrapolation est nécessaire pour déterminer la dose qui n’entraînera aucun effet nuisible chez l’être humain, explique la chercheuse. On peut aussi observer ce qui se passe chez les travailleurs qui manipulent ces produits.»

C’est ainsi que la collaboration des travailleurs d’Hydro-Québec s’est révélée si précieuse. C’est une autre étudiante de la Chaire, Amssétou Dosso, qui a procédé à l’échantillonnage. Elle a recueilli puis analysé les échantillons d’urine de 10 personnes fournis sur une période de 24 heures.

Pourquoi épandre?

Un travailleur procède à l’épandage de pesticides sous les lignes à haute tension d’Hydro-Québec.

Pour la société d’État, l’opération d’épandage vise à empêcher la croissance des végétaux qui pourraient provoquer des bris ou augmenter le risque d’incendie. «Quand Hydro-Québec prescrit l’utilisation de phytocides, dit le site Web, l’intervention consiste, le plus souvent, à arroser le feuillage et les tiges à l’aide de produits tels le Garlon 4 (triclopyr) ou le Tordon 101 (2,4-D et piclorame).»

Cette opération est principalement effectuée l’été, pour des raisons évidentes. Mais les travailleurs ne sont pas tenus de revêtir une combinaison ni un masque respiratoire. Ils préfèrent circuler sans équipement de protection, ce qui étonne certains spécialistes. Récemment au cours d’un congrès, Mme Gosselin a pu constater l’étonnement de collègues californiens qui regardaient les photos de travailleurs affectés à l’épandage au Québec. «Dans le sud des États-Unis, il serait impensable d’épandre des pesticides sans protection particulière, explique-t-elle. Mais il faut dire que l’épandage s’étend là-bas sur 12 mois.»

Heureusement, ses résultats rassureront les travailleurs.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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