Édition du 6 octobre 2003 / volume 38, numéro 7
 
  André Bérard lègue une partie de son héritage à l’UdeM
Le président du conseil de la Banque Nationale veut contribuer à l’avancement du savoir.

 

André Bérard est entré à 18 ans à la Banque Provinciale – ancêtre de la Banque Nationale – comme commis de collection ("tout juste au-dessus de portier", dit-il) et y a gravi tous les échelons. Il veut redonner aujourd’hui un peu de ce qu’il a reçu.

À son décès, une partie de l’héritage du président du conseil d’administration de la Banque Nationale, André Bérard, sera versée à l’Université de Montréal. «J’ai pris cette décision il y a quelques mois et ce geste m’a procuré une grande satisfaction», affirme le banquier de 63 ans en entrevue à Forum.

Un an jour pour jour après la mort de M. Bérard, et chaque année par la suite, l’Institut de cardiologie et Centraide du Grand Montréal seront bénéficiaires en parts égales de la fortune de l’homme d’affaires, avec ses trois enfants, Patrick, Patricia et Mélanie, et éventuellement ses petits-enfants. Au décès du dernier membre de la deuxième génération, le solde sera divisé entre les trois organismes.

«M. Bérard nous a communiqué ses intentions et nous en sommes très heureux», affirme Chantal Thomas, directrice de la Division des dons majeurs et planifiés au Fonds de développement.

Ce type de philanthropie, encore peu commun chez les francophones, est courant aux États-Unis et au Canada anglais. «L’Université de Montréal reçoit des legs testamentaires depuis de nombreuses années, mais nous favorisons une approche plus proactive depuis près de 10 ans, reprend Mme Thomas. Actuellement, quelques centaines de personnes ont officiellement fait connaître leur intention de verser un don posthume à l’Université. Or, on estime que plusieurs autres l’ont fait mais ont choisi de demeurer discrètes quant à leur legs. Nous recevons d’ailleurs souvent des legs qui n’étaient pas annoncés à l’avance. Plusieurs personnes qui nous confirment leurs dons testamentaires se disent très heureuses d’avoir pris cette décision, souligne Mme Thomas. Elles acceptent souvent d’en parler quand elles comprennent la portée de leur témoignage pour la cause qu’elles veulent soutenir. Aussi, elles ont compris qu’elles ont avantage à demander conseil pour optimiser leur geste.»

La formule privilégiée par M. Bérard s’appuie sur la création d’un capital dont les intérêts pourront être touchés sur une longue période. Les bénéficiaires recevront alors une somme annuelle.

«C’est viscéral!»

Considéré par la revue Commerce, en avril dernier, comme un des 20 hommes les plus influents du Québec, M. Bérard a sensiblement ralenti son rythme de travail depuis sa retraite comme chef de la direction de la Banque Nationale, en mai 2002. Mais son statut d’administrateur au sein d’une quinzaine d’entreprises, dont Noranda, le Groupe Saputo, BCE et Canam Manac, l’occupe à temps plein. «J’ai toujours été un gros travailleur", confesse-t-il de sa voix de baryton.

Banquier de carrière, M. Bérard est un self-made man à l’américaine. Aîné d’une famille de cinq enfants, il a grandi dans La Petite-Patrie, où il a fait les 400 coups avec ses copains lorsqu’il était adolescent. Très jeune, il livre du Kik Cola et occupe différents emplois en rêvant de devenir bactériologiste. À la mort de son père, un machiniste de Northern Telecom, il est âgé de 18 ans. Il renonce aux études pour devenir soutien de famille. Rapidement, il passe de «commis de collection» à la Banque Provinciale à directeur de succursale. Puis il saute sur toutes les occasions qui s’offrent à lui. Il grandit littéralement au rythme auquel la banque qui l’a engagé en 1958 grossit. Dès 1972, il est directeur adjoint aux crédits internationaux de ce qui est devenu la Banque Nationale. Quelques mois plus tard, il est nommé chef du secteur international.

En juillet 1984, il devient premier vice-président directeur aux affaires bancaires, ce qui l’amène à diriger toutes les opérations du réseau de la Banque, tant au Canada qu’à l’étranger. Deux ans plus tard, il est promu président et chef des opérations, poste qu’il occupe de 1989 à 2002.

M. Bérard ne cache pas qu’il a eu de la chance. «La société québécoise a été extrêmement généreuse à mon endroit. J’ai mené une carrière dont je suis fier. Je crois qu’il est temps pour moi de rendre une partie de ce que j’ai reçu. Je ne comprends pas qu’on fasse autrement. C’est viscéral!»

Pourquoi l’Université de Montréal?

Ce n’est pas la première fois que M. Bérard agit en philanthrope. Il a présidé plusieurs campagnes de financement au cours de sa carrière, dont celle du Fonds de recherches de l’Institut de cardiologie de Montréal. Il fait aussi partie de nombreux organismes comme le Conseil des gouverneurs de l’Université de Montréal, la Chambre de commerce du Québec et la Jeune Chambre de commerce de Montréal. Il a reçu deux doctorats honorifiques: un de l’Université d’Ottawa et l’autre de HEC Montréal.

L’Université de Montréal s’est imposée comme bénéficiaire de son patrimoine. «Je crois qu’une collectivité évolue lorsqu’elle s’appuie sur trois éléments: le savoir, l’entraide et la santé. J’ai choisi l’Université de Montréal, Centraide et l’Institut de cardiologie pour incarner ces trois thèmes. Je ne prétends pas détenir la vérité à ce sujet. Quelqu’un d’autre peut avoir une autre vision.»

M. Bérard a accepté l’invitation de Mme Thomas de rendre publique sa décision. Il parlera de son geste, les 15 octobre et 5 novembre prochains notamment, au cours de conférences données devant des personnalités du monde des affaires qui pourraient être tentées de l’imiter. «J’ai envie de leur dire ce que j’ai fait et pourquoi, résume-t-il. Ma façon à moi de retourner à cette société ce qu’elle m’a donné, c’est d’offrir une partie de mon héritage à des organismes auxquels je crois. Si cela peut donner l’exemple à d’autres, tant mieux!»

Pour le Fonds de développement, le témoignage et l’engagement de M. Bérard créent une belle occasion de faire connaître le secteur des dons planifiés, qui ne fait pas souvent la manchette. Ils sont aussi représentatifs d’une évolution dans nos habitudes de donner. «Il ne faut pas croire que le don testamentaire est un sujet tabou, affirme Mme Thomas. Les donateurs sont généralement soulagés, heureux de leur décision. Ils nous le disent. Mais chez les francophones, ce geste est relativement nouveau. Heureusement, les choses changent.»

Mathieu-Robert Sauvé



 
Archives | Communiqués | Pour nous joindre | Calendrier des événements
Université de Montréal, Direction des communications et du recrutement