Édition du 27 octobre 2003 / volume 38, numéro 9
 
  Une adhésine de l’anthrax pour traiter les maladies bactériennes
Les résultats des travaux de Michaël Mourez ont été publiés dans Science et Nature.

Michaël Mourez étudiera les maladies animales d’origine bactérienne dans le but notamment de réduire l’utilisation d’antibiotiques chez les animaux.

La découverte d’un véritable remède contre l’anthrax contractée par la respiration n’est pas pour demain, mais les travaux de Michaël Mourez menés sur des molécules protéiques, les adhésines, pourraient déboucher plus vite qu’on le pense sur des traitements contre plusieurs maladies bactériennes, y compris la maladie du charbon.

C’est du moins l’objectif poursuivi par ce nouveau professeur de la Faculté de médecine vétérinaire qui vient de se voir attribuer une chaire de recherche du Canada dotée d’un fonds de un demi-million de dollars sur cinq ans. «Les projets de la chaire portent sur le fonctionnement, l’assemblage et l’importance des adhésines, dit-il. Ces molécules permettent aux microbes de cibler un organe particulier ou encore de rendre plus efficace l’action de certaines toxines. Ultimement, mes recherches visent à découvrir de nouveaux traitements antibactériens et à réduire l’utilisation d’antibiotiques chez les animaux et, indirectement, chez les humains.»

Le généticien d’origine française qui a étudié à l’institut Pasteur, en France, puis à l’Université Harvard possède déjà une solide réputation. Michaël Mourez a mis au point des inhibiteurs de toxines sécrétées par la bactérie responsable du bacille du charbon et des inhibiteurs qui permettent de protéger les animaux. Les résultats de ses travaux ont été publiés en 2001 dans les revues Science et Nature, peu de temps après les attentats terroristes du 11 septembre.

«Un moment éprouvant», se rappelle le chercheur, qui effectuait alors un postdoctorat à l’Université de Boston. «Des personnes mises en présence de l’anthrax par des colis et des lettres avaient perdu la vie. Or, les gens et les médias espéraient que nos découvertes mènent du jour au lendemain à des traitements révolutionnaires pour l’être humain. C’était extrêmement difficile de leur expliquer qu’on ne pouvait pas faire quoi que ce soit pour le moment.»

Une approche novatrice

Rappelons que l’anthrax, communément appelé «maladie du charbon», est une infection animale qui atteint essentiellement les herbivores (moutons, chèvres et bovidés). Ils se contaminent en mangeant de l’herbe, du fourrage ou de la farine de viande souillée par des spores charbonneuses. À la faveur d’une lésion buccale, les bactéries pénètrent dans le sang et y germent. Elles déclenchent une septicémie très rapidement mortelle. La prévention se fait par la vaccination des troupeaux.

Si cette maladie, susceptible d’être transmise à l’homme par la manipulation de dépouilles d’animaux infectés, est facilement traitable sous sa forme cutanée, sa forme pulmonaire mène souvent à la mort. «Lorsque la bactérie est respirée, les toxines produites par le bacille envahissent aussitôt le corps, explique Michaël Mourez. Quand les symptômes apparaissent, la maladie est souvent déjà trop avancée pour tenter de lui faire échec avec des antibiotiques.»

Les découvertes récentes du chercheur sur la maladie ont pour origine une approche novatrice. «Nous avons travaillé sur la toxine de l’anthrax plutôt que sur les bactéries elles-mêmes, dit-il. Car même si les bactéries sont éliminées après l’apparition des symptômes par les antibiotiques, les toxines continuent leur action mortelle.»

Plus précisément, M. Mourez a mis au point des techniques visant à bloquer les multiples entrées de Bacillus anthracis dans la cellule et a décelé les constituants de la toxine à l’échelon moléculaire. Il est ainsi parvenu à définir le profil ADN du récepteur qui permet à la toxine d’entrer dans la cellule.

L’objectif de la chaire qu’il dirige aujourd’hui est d’appliquer ces méthodes aux molécules adhésines pour traiter les maladies animales d’origine bactérienne comme les infections urinaires et intestinales. De concert avec les membres du Groupe de recherche sur les maladies infectieuses du porc, il travaillera également sur les infections à streptocoques et les infections à la bactérie Escherichia coli. «Ce sont des maladies encore présentes dans l’industrie porcine même si elles sont beaucoup mieux circonscrites qu’il y a 20 ans», souligne le professeur Mourez.

Rien ne prédisposait ce chercheur en biotechnologie à se spécialiser dans les maladies porcines. Entré à la Faculté de médecine vétérinaire de Saint-Hyacinthe à l’âge de 31 ans, il devient l’un des plus jeunes titulaires de chaire de l’histoire de l’Université de Montréal.

Dominique Nancy



 
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