Édition du 27 octobre 2003 / volume 38, numéro 9
 
  Ce n’est pas l’école qui est déterminante, c’est l’élève
Jean-Guy Blais dénonce la méthodologie liée au palmarès de L’actualité.

Jean-Guy Blais explique les subtilités de son étude.

Le professeur Jean-Guy Blais vient d’ébranler sérieusement l’édifice déjà vacillant du fameux palmarès annuel des écoles secondaires, que s’apprête à publier encore cette année le magazine L’actualité.

Après avoir analysé des dizaines de milliers de résultats aux épreuves de français et de mathématiques, le chercheur conclut que «ce ne sont pas les caractéristiques des écoles qui sont déterminantes pour les résultats des élèves mais plutôt les caractéristiques des élèves qui sont déterminantes pour les résultats des écoles qu’ils fréquentent».

M. Blais n’est pas le seul à sourciller devant les raccourcis du palmarès de L’actualité, commandité par l’Institut économique de Montréal et l’institut Fraser. Cette liste des écoles est tirée des résultats moyens aux épreuves du ministère de l’Éducation.

Les responsables du réseau d’enseignement public dénoncent depuis plusieurs années le caractère odieux de cette liste, qui met dans le même sac les écoles qui sélectionnent leurs élèves et celles qui doivent les accepter tous. Dans son analyse, rendue publique mercredi dernier, le professeur Blais rejette lui aussi la cote globale retenue par le palmarès, source de raccourcis inacceptables à son avis.

«À la lumière des résultats et de la modélisation que nous avons obtenus, une mise en rangs individuelle des écoles apparaît peu fondée techniquement et scientifiquement», conclut le spécialiste de la mesure et de l’évaluation des apprentissages, de la méthodologie de la recherche et des statistiques sociales.

Grâce à la loi d’accès sur l’information, M. Blais a obtenu – mais ce fut long! – les résultats des élèves de quatrième secondaire aux tests de mathématiques avancées et ceux des élèves de cinquième secondaire aux épreuves de français écrit pour la période allant de 1994 à 2001. Il a analysé les tests de plusieurs dizaines de milliers d’élèves, répartis dans 267 écoles publiques et 101 privées.

«Il y a autant d’écoles publiques que d’écoles privées qui performent, dit-il. Mais les écoles privées choisissent leurs élèves. Et ce ne sont pas les écoles qui sont déterminantes mais les élèves», dit-il.

«C’est comme si vous organisiez une course entre Bruni Surin et moi et que devant le résultat, prévisible, vous vous contentiez de dire que Bruni Surin avait le meilleur entraîneur. Mais ne faudrait-il pas ajouter que le gagnant s’entraîne depuis plus longtemps par exemple?»

Des pommes et des oranges

Les recherches de Jean-Guy Blais démontrent entre autres qu’on ne peut mettre dans le même panier les écoles anglaises et les écoles françaises puisque, même si leurs tests langagiers respectifs visent dans les deux cas à mesurer la compétence à l’écrit, leur facture est totalement différente.

Depuis quelques années, les élèves des écoles françaises n’ont pas le choix du texte alors que ceux des écoles anglaises l’ont. De plus, alors que la correction du test français est centralisée au ministère de l’Éducation, elle est effectuée localement du côté anglais.

M. Blais fait également ressortir l’importance de l’âge dans la performance des élèves. Les jeunes de 15 et 16 ans affichent des résultats nettement supérieurs à ceux des élèves agés de 17 et 18 ans, et ce, pour toutes les années comprises entre 1994 et 2001. Les écoles privées acceptent-elles beaucoup d’élèves parmi les plus âgés? Non, évidemment.

«Cette situation, dit le chercheur de la Faculté des sciences de l’éducation, entraîne à la baisse les moyennes des résultats à l’écrit pour l’ensemble du réseau public.» Pourquoi? Sans doute, avance M. Blais, parce que les écoles privées ne sélectionnent pas les élèves qui ont pris du retard dans leur cheminement scolaire avant le début du secondaire, pas plus qu’elles ne conservent ceux qui accumulent un retard ultérieurement.

«Toutes les études qui visent à comparer les écoles sans tenir compte de l’âge des élèves introduisent un biais marqué», poursuit-il. À noter que cette observation se vérifie aussi pour les écoles publiques ayant peu d’élèves de 17 et 18 ans puisqu’elles affichent une meilleure performance que les autres.

Pauvres garçons!

M. Blais a de plus observé des différences significatives entre les résultats des garçons et ceux des filles. À l’épreuve de français écrit, les filles du réseau privé obtiennent constamment les moyennes les plus élevées et les garçons du réseau public les moyennes les moins élevées. Mais là comme ailleurs, une étude un tant soit peu poussée montre que les résultats par écoles sont moins homogènes que ne le laisse entendre le palmarès publié dans L’actualité.

En fait, le chercheur conclut que les différences entre les écoles ne contribuent que pour 17 % à l’explication de la variation totale observée, contre un taux de 83 % attribuable aux différences entre les élèves. Le sexe, l’âge, la langue, le nombre d’élèves présents aux épreuves, les indices socio-économiques, tous ces facteurs ont plus de poids que l’école en elle-même.

En revanche, il est une chose absolument certaine, à savoir l’importance du niveau de compétence de l’enfant à la fin de ses études primaires. «Une bonne analyse des forces et des faiblesses de l’enfant est une condition préalable au choix d’une école secondaire», prévient M. Blais, lui-même père de deux enfants à l’école primaire.

D’ailleurs, s’il en a contre les diagnostics trop rapidement posés, le professeur Blais est le premier à déplorer le manque d’évaluation rigoureuse dans le processus d’apprentissage.

«Nous avons peur de l’évaluation. Nous savons par exemple depuis 1994 que les garçons ont de la difficulté en français. Que faisons-nous?»

Paule des Rivières



 
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