Édition du 27 octobre 2003 / volume 38, numéro 9
 
  Découverte écologique sur le campus
Les boisés de l’Université sont exceptionnels.

Patrick Boivin a passé plusieurs semaines dans les boisés de l’Université de Montréal. Le rapport qu’il signe avec André Bouchard et Jacques Brisson donne enfin une idée précise de la valeur écologique de ces boisés.

Avec ses larges feuilles lobées, ses glands finement dessinés, sa haute stature et sa grande longévité, le chêne rouge est sans doute l’arbre le plus noble de nos forêts. Depuis que le roi de France en a réquisitionné des quantités considérables pour ses navires au 18e siècle, cette essence s’est raréfiée.

Pourtant, grâce au travail d’une équipe dirigée par trois biologistes de l’Institut de recherche en biologie végétale (IRBV), on sait que le chêne rouge domine en plusieurs endroits dans les forêts qui environnent le campus de l’Université de Montréal.

«Nous pressentions que ces forêts recelaient des surprises, mais nous ne savions pas à quel point», affirme André Bouchard, directeur de l’IRBV et l’un des signataires de l’étude avec Patrick Boivin et Jacques Brisson.

M. Bouchard, qui habite lui-même près de l’arrondissement naturel et historique du mont Royal, confie qu’il a l’impression de mieux connaître l’état de l’écosystème depuis qu’il a participé au travail de recensement et d’analyse qui a débuté à l’été 2002. «Quand je regarde le mont Royal, je me dis que c’est une forêt comme celle-là que Jacques Cartier a vue.»

Les carottes prélevées dans des chênes et des érables par l’équipe de recherche ont démontré que certains arbres étaient déjà matures à la création de la succursale montréalaise de l’Université Laval, en 1878. «Plusieurs ont l’âge vénérable de 150, voire 160 ans», signale Patrick Boivin, diplômé en architecture de paysage et en biologie, et chargé de recherche à l’IRBV. Au cours d’une visite guidée, le chercheur signale que les boisés n’ont pas été exempts de toute intervention humaine. D’ailleurs, on peut facilement constater sur les lieux les vestiges de quelques coupes.

Pour André Bouchard, il demeure que le campus a été préservé de l’exploitation abusive. Et l’on n’a pas attendu les botanistes pour épargner les arbres. La plupart des pavillons en construction actuellement, par exemple, empiètent sur les stationnements plutôt que sur les boisés; seule une partie de l’ostryaie de Virginie à peuplier faux-tremble (considérée comme de «valeur écologique faible») a été sacrifiée au profit de l’agrandissement de l’École Polytechnique.

«L'érablière sur Édouard-Montpetit: une richesse insoupçonnée.»

Deux sites remarquables

Deux sites sont particulièrement remarquables, selon les auteurs. Le premier est la chênaie située entre l’École Polytechnique et le cimetière Notre-Dame-des-Neiges et le second est l’érablière à caryer cordiforme située entre les Résidences et la station de métro Université-de-Montréal. Cette dernière peut sembler sans intérêt pour les citadins qui aperçoivent souvent de tels peuplements en milieu rural. «Mais en pleine ville, c’est assez rare», observe André Bouchard.

Quant au boisé du sommet, une chênaie rouge où l’on trouve une plante rare, le carex porte-tête, il mérite le titre d’«espace naturel à valeur écologique élevée». Fait intéressant, les arbres qu’on y aperçoit sont plus petits que les autres, même s’ils ont le même âge. C’est que la couche de terre où ils ont pris racine y est moins épaisse.

Protégé par un règlement qui le garde d’une exploitation outrancière, le campus de l’Université de Montréal fait partie intégrante du mont Royal. Mais assez bizarrement, de telles études sur l’ensemble de la superficie du parc du mont Royal sont rares. Celle que livrent les chercheurs de l’IRBV devient ainsi un document qui intéressera tous ceux qui ont à cœur l’avenir de leur montagne.

La première des recommandations des auteurs va dans le sens d’une meilleure connaissance des milieux écologiques qui environnent les bureaux, laboratoires et salles de classe de l’UdeM: «Valoriser le patrimoine écologique du campus de l’Université de Montréal, un environnement exceptionnel au sein d’une grande ville, en le faisant connaître de l’ensemble de la communauté universitaire.»

L’occasion s’y prête bien, en pleine célébration du 125e, souligne le botaniste.

Rendez-vous dans un siècle

L’équipe a procédé à un travail d’échantillonnage très minutieux qui permettra l’étude à long terme de l’évolution de cette forêt typique des Montérégiennes. Après analyse de photos aériennes, on a établi 34 zones d’observation marquées par une borne en métal.

De là, une surface de 20 m2 a été délimitée, dans laquelle chaque espèce végétale a été recensée. Dans le rapport, les annexes présentent en détail les résultats de ce recensement. On y trouve des renseignements sur le drainage du sol, la pierrosité, la pente, le nombre d’espèces introduites, etc.

L’inventaire a couvert autant les plantes printanières que les arbustes ou les arbres centenaires. On a pu préciser que l’érable de Norvège, une essence exotique, commence à supplanter l’érable à sucre dans certains secteurs, ce qui inquiète les spécialistes. On retrouve aussi des arbres comme le frêne, le hêtre et l’ostryer, surnommé par les anciens «arbre de fer», car il altérait la lame de leurs scies.

L’étude désigne également les sentiers qui serpentent dans les différents espaces verts. Les auteurs recommandent un aménagement plus réfléchi de ces chemins de façon à concentrer les impacts de l’activité humaine à certains endroits et à préserver les zones plus fragiles.

Grâce aux bornes permanentes et géoréférencées par GPS, il reviendra aux chercheurs des prochaines décennies de suivre l’évolution de cette forêt.

C’est l’ancien directeur des immeubles, Émile Sayegh, qui avait officiellement commandé cette étude. Comme il a pris sa retraite depuis, c’est son successeur, Louis Mathieu, qui a accueilli le rapport la semaine dernière.

André Bouchard est très content du résultat, particulièrement de la carte qui présente les différentes communautés végétales. «Je rêve du jour où l’on remettra aux nouveaux étudiants une carte des forêts du campus avec leur carte d’identité», confie-t-il.

On pourra se procurer sous peu, au centre de documentation de l’IRBV, des copies de ce rapport intitulé Espaces naturels et semi-naturels du campus de l’Université de Montréal.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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