Édition du 3 novembre 2003 / volume 38, numéro 10
 
  Astérix à l’UdeM
Des étudiants offrent des foyers d’accueil aux chiens-guides de la Fondation Mira.

Patrick Forest avec son compagnon Astérix. Le bénévolat lui permet de redonner à la société une partie de ce qu’il reçoit d’elle comme étudiant.

Astérix n’a que 10 mois et déjà il fréquente l’Université de Montréal quotidiennement. L’Université n’a pas assoupli ses critères d’admission pour augmenter sa clientèle; Astérix est un jeune labrador fringant destiné à devenir chien-guide pour la Fondation Mira.

Son maître actuel, Patrick Forest, est étudiant au Département de géographie. Tous les jours depuis avril dernier, il effectue ses déplacements en compagnie de son fidèle compagnon, que ce soit au parc, au restaurant ou sur le campus, en métro, en autobus ou à pied. Mais Patrick Forest ne souffre d’aucun handicap visuel ou moteur. Il s’est plutôt porté volontaire pour sociabiliser le chiot en le familiarisant avec les étrangers et les lieux publics, une étape préliminaire essentielle dans la formation des chiens-guides.

Actuellement, au moins cinq futurs chiens-guides de la Fondation Mira séjournent en foyer d’accueil chez des étudiants de l’UdeM et se retrouvent donc occasionnellement sur le campus.

«L’Université de Montréal est en avance sur bien d’autres établissements puisqu’elle nous accorde un accès complet aux différents pavillons du campus», affirme Patrick Forest.

Conscient que le fait d’être accompagné d’un chien constitue dans son cas un privilège plutôt qu’un droit, il souligne toutefois que, sans cette sociabilisation précoce, le chien ne serait jamais en mesure de recevoir le dressage plus poussé qui l’amènera à répondre aux besoins précis d’un handicapé particulier. «Le chien accompagnateur est un droit pour la personne handicapée, mais, si l’on nous refusait l’accès aux endroits publics, ce droit ne pourrait pas être assuré.»

Au Bureau des étudiants handicapés (BEH), on ne signale aucune plainte liée à la présence de ces chiens, que ce soit de la part des étudiants, des professeurs ou des régisseurs. La politique cadre sur l’accès des personnes handicapées au campus ne prévoit rien en pareille circonstance, mais le responsable du BEH, Daniel Boucher, considère qu’il en va de l’ouverture que l’Université doit témoigner à l’endroit des handicapés. «Nous acceptons d’ailleurs que Mira face sa campagne sur le campus», signale-t-il.

Une seule restriction s’appliquerait aux Résidences, où le nombre de chiens en dressage serait limité à un seul à la fois.

Effet de détente

Présentement en rédaction de mémoire de maîtrise, Patrick Forest emmenait Astérix même en classe durant sa scolarité. La présence d’un chien dans la salle de classe attire nécessairement l’attention, mais l’étudiant y voit un effet bénéfique plutôt que perturbateur.

«Les gens sont très compréhensifs et aucun problème n’a jamais surgi. La présence du chien a un effet de détente; il fait tomber le stress et apporte du bonheur, soutient-il. C’est moins dérangeant que des étudiants qui parlent pendant le cours.»

À 10 mois, Astérix peut facilement supporter la durée d’un cours sans bouger et même demeurer dans la même pièce pendant cinq heures. Le maître doit toutefois s’assurer qu’il demeure à ses pieds et qu’il n’embête pas ceux qui n’apprécient pas la compagnie des bêtes. Mais même de ce côté, la présence du chien aurait eu des effets positifs: une employée du Département de géographie qui craignait les chiens a maintenant surmonté sa peur en côtoyant Astérix.

Pour Patrick Forest, cet effet de contacts sociaux suscités par le chien est un des agréments de la tâche. «Les gens sont attirés par le chien et la présence de l’animal devient un prétexte pour discuter.» Il a ainsi fait des rencontres qui ne seraient pas survenues autrement.

Engagement social et discrimination

La charge est toutefois lourde puisque le chien est sous la responsabilité de son tuteur jour et nuit et qu’il ne doit pas demeurer seul plus de quatre heures consécutives. «C’est comme avoir la responsabilité d’un bébé de un an», avoue l’étudiant. Cette charge n’aurait toutefois eu aucun effet négatif sur son rendement scolaire.

Ce type d’engagement lui permet plutôt d’apporter un élément humain au caractère parfois trop cérébral des études universitaires. «Il est important d’ajouter un volet social aux études. Le bénévolat me permet de redonner à la société une partie de ce que je reçois d’elle.»

Cette volonté d’aider les autres lui a par ailleurs permis de vivre des situations de discrimination auxquelles un «homme blanc et en bonne santé» n’est habituellement pas confronté: un chauffeur d’autobus, n’ayant probablement pas vu le foulard de Mira au cou du chien, a soudainement accéléré pour ne pas qu’il monte dans son véhicule; à une autre occasion, on a exigé à trois reprises qu’il quitte un établissement de restauration rapide, sous menace d’être expulsé par les policiers, même si on lui avait déjà servi son repas.

Mais Patrick Forest estime que ce sont là des exceptions et que dans 99 % des cas tout se passe bien.

En plus de la disponibilité, de la patience, de l’amour des animaux et d’une occupation permettant l’accompagnement d’un chien, ce type d’engagement nécessite beaucoup d’abnégation puisque le tuteur devra se départir de son compagnon au bout d’un an pour qu’une personne handicapée puisse profiter des bons soins qu’il lui aura prodigués.

Quant à Astérix, il obéit volontiers à quelques commandements de base – «assis», «couché», «donne la patte», «tranquille», «reste» –, mais il s’annonce déjà comme un chien plutôt actif. Si au terme de sa sociabilisation il n’était pas prêt à être accompagnateur, Patrick Forest pourrait devoir s’en occuper plus longtemps en foyer d’accueil.

Les chiens au tempérament plus vif sont sélectionnés pour accompagner ou même tirer des personnes en fauteuil roulant ou bien sont dressés pour transporter des objets au lieu de devenir des guides pour aveugles.

Daniel Baril



 
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