Édition du 17 novembre 2003 / volume 38, numéro 12
 
  L’art populaire peut-il inspirer le design industriel?
L’exposition Faire fi du design propose un retour aux sources de l’acte créateur.

Adam et Ève chassés du paradis terrestre, œuvre en bois sculpté d’André Lespérance, de Saint -Adolphe-d’Howard.

L’art populaire peut-il être une source d’inspiration pour le designer industriel? C’est la question qui a donné naissance à l’exposition actuellement en cours au Centre d’exposition de l’UdeM et qui présente une quarantaine de créations qualifiées d’art populaire.

«Ce type d’œuvres est généralement occulté par les musées et c’est l’une des premières fois qu’il fait l’objet d’une exposition à Montréal», souligne Andrée Lemieux, directrice du Centre. Les pièces exposées proviennent de la collection Riverain, récemment acquise par le musée de Charlevoix, qui s’est donné comme vocation de préserver l’art populaire. Elles ont été sélectionnées pour l’aspect design qu’on peut leur attribuer.

Parfois étonnantes et «pimentées d’un humour philosophique», ces pièces ont également servi d’outils pédagogiques pour le cours de création de Denyse Roy, professeure à l’École de design industriel. Les étudiants ont eu accès aux objets avant l’exposition, donc avant leur mise en valeur muséologique, et l’idée était de soumettre les étudiants à un processus créatif presque antithétique au design.

Girafe, du Montréalais Hubert Soucy: une armoire couverte de cannettes "écrapoutillées".

«La démarche qui s’observe dans l’art populaire consiste à lire le matériau pour en faire ressortir les caractéristiques alors qu’en design le matériau est contraint à ce qu’on veut en faire, explique Andrée Lemieux. Être confronté à la spontanéité de l’art populaire est un bon exercice d’apprentissage pour des designers à qui l’on a toujours dit que les produits doivent être ergonomiques et les lignes savamment étudiées.»

Une dizaine de tableaux présentant la démarche des étudiants inspirée des objets d’art populaire font également partie de l’exposition.

Sobriété et maîtrise technique

Les œuvres exposées vont de l’extrême sobriété, telle une table de cribbage qui «dans sa nudité ressemble à une sculpture africaine», jusqu’à un contrôle technique très poussé comme un éventail fait de bois sculpté.

Plusieurs pièces sont des objets utilitaires, mais elles ont toutes la particularité d’avoir été pensées ou modifiées en objets d’art. Des parties de rames sont devenues des poissons décoratifs, des objets recyclés entrent dans la fabrication de girouettes, une patère devient une lampe étagère dotée de dépose-verres.

Pour montrer que cette forme d’art n’est pas uniquement pratiquée par des personnes âgées vivant loin à la campagne, les responsables de l’exposition ont également retenu des œuvres de jeunes citadins, comme une armoire totalement recouverte de cannettes écrasées ramassées dans la rue.

Alfred Pellan

D’autres objets, telle une tête de bœuf en bois de grange, auraient pu aussi bien avoir comme auteur un Picasso ou un Riopelle plutôt qu’un illustre inconnu, ce qui leur aurait donné une tout autre dimension, souligne Andrée Lemieux.

Une lampe plutôt originale réalisée par Roger Ouellette, de Sainte-Agnès.

Et il y a effectivement des œuvres d’art populaire réalisées par de grands noms. L’exposition présente notamment une porte en bois sur laquelle un artiste a peint de longues tiges fleuries au rendu enfantin et sans recherche esthétique ou technique particulière. Elle est signée Alfred Pellan! Cette porte représente la période charlevoisienne du peintre, qui s’est aussi amusé à peindre sur des galets des «naïvetés» qui choquaient son rival Borduas.

L’exposition Faire fi du design est présentée jusqu’au 11 décembre les mardis, mercredis, jeudis et dimanches, de 12 h à 18 h.

Daniel Baril



 
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