Édition du 17 novembre 2003 / volume 38, numéro 12
 
  Génération X contre baby-boomers : le choc
L’ACPUM invite un psychologue industriel à sa conférence annuelle.

Pierre Gauthier a fait rire son auditoire en présentant une typologie lapidaire des générations.

Attention! Les membres de la génération X arrivent. Ils sont égocentriques, critiques, expérimentateurs, précoces et leur devise est Hic et Nunc («Ici et maintenant»). Face à eux, les baby-boomers sont d’anciens idéalistes; ils respectent l’autorité et la «job à vie». Plutôt matérialistes, ils ont un rapport ambigu avec les valeurs traditionnelles. Attachés à la famille, la majorité ont sabordé leur mariage.

Les deux générations sont actuellement en train de se chevaucher sur le marché du travail. Cette passation des pouvoirs est-elle pacifique ou conflictuelle? C’est la question qu’a posée le psychologue industriel Pierre Gauthier aux quelque 200 adhérents de l’Association des cadres et professionnels de l’Université de Montréal (ACPUM) venus assister à sa conférence à l’amphithéâtre Ernest-Cormier le 11 novembre dernier. «Les statistiques sur le phénomène de la relève nous indiquent qu’entre 40 et 80 % de la main-d’œuvre canadienne actuelle est susceptible de prendre sa retraite et devra être remplacée d’ici les 10 prochaines années, annonçait le conférencier. L’intégration des travailleurs des générations X et Y, tout comme leurs interactions avec les baby-boomers, représente l’un des défis les plus importants à relever pour les entreprises.»

Le psychologue s’appuyait sur un article du journal Les Affaires qui, le 14 juin dernier, affirmait que le Québec se dirige vers une crise de la main-d’œuvre entre 2009 et 2011. Durant les quatre années à venir, quelque 640 000 postes seront vacants au Québec, soit 350 000 à la suite de départs à la retraite et 290 000 à la suite de création d’emplois. On peut bien sûr s’en réjouir, car cette situation ouvre la voie à des jeunes qui, hier encore, voyaient leur avenir bouché. «Par contre, pouvait-on lire par la plume de Dominique Froment, les prochaines années imposeront un changement de mentalité radical aux employeurs.»

C’est ce changement de mentalité que Pierre Gauthier a voulu sonder.

Deux témoignages

En invitant deux travailleurs (un boomer et un X) à exposer au micro la façon dont ils voient les relations de travail, l’ancien étudiant du Département de psychologie donnait le ton avant même de présenter sa vision des choses.

Denis Plante, 53 ans, célibataire sans enfants, 32 ans de service à la Division des archives, n’a pas une bonne impression des X. À son avis, ces blancs-becs ne pensent qu’à pousser les boomers vers la retraite pour prendre leurs emplois; ce sont de jeunes impolis et impertinents. «De plus, ils nous tutoient après 10 minutes.» Bref, attention au choc des générations.

À l’opposé, Martin Trudeau, trentenaire, père de famille reconstituée, quatre enfants, a effectué plusieurs «McJobs» avant d’obtenir une permanence à la Direction des immeubles (il est régisseur adjoint aux Services aux usagers). Pour lui, les baby-boomers sont essoufflés, mais ils ont du cœur. Les uns et les autres sont en conflit, mais cela peut être positif. «Oui les X et les boomers se parlent dans la face. Mais cela donne lieu à des échanges stimulants, porteurs de changement.» En un mot, une rencontre positive et créative entre les générations...

Pas de surprise pour Pierre Gauthier qui, après une cinquantaine de présentations sur ce thème dans des entreprises et organismes en tous genres, a recueilli des réactions semblables de l’auditoire. «La génération X a besoin des baby-boomers et inversement. Mais ils ne se comprennent pas.»

Lorsqu’un baby-boomer se tait, le X dit ce qu’il pense. Là où un baby-boomer voit une carrière prometteuse, le X répond: «Il n’y a pas que le travail dans la vie.» Pour attirer un jeune dans son service, le gestionnaire doit connaître ses aspirations, voire emprunter son vocabulaire. «Le X ne travaillera pas pour vous si vous utilisez des expressions comme «possibilité de carrière», «emploi à vie», «permanence». Il sera plus excité si vous lui parlez de défis à relever, de climat de travail chaleureux ou même de partys de Noël… Les boomers pensent que les X sont paresseux. Non. Ils ont une façon différente d’aborder leur vie professionnelle.»

Marché d’acheteurs

De plus en plus, les bons candidats pour les postes de pouvoir se feront rares compte tenu des départs massifs à la retraite. Il tire à sa fin le temps où l’employeur recevait une pléthore de CV pour un poste médiocre. À l’avenir, le candidat qualifié choisira son patron. «C’est un marché d’acheteurs», résume Pierre Gauthier.

Lui-même président de la société Pierre-Boucher, qui offre des services de consultation aux gestionnaires (elle emploie 27 psychologues), Pierre Gauthier n’est pas à l’abri de ces conflits de générations. Un jeune psychologue soigneusement recruté lui a annoncé récemment qu’il quittait l’entreprise… après une dizaine de jours de service. «J’ai trouvé ça cool ici, mais d’autres défis plus intéressants m’attendent», lui a-t-il dit, ajoutant qu’il espérait conserver de bons rapports avec son ancien patron.

Il y a moyen de créer des conditions propices à l’épanouissement des jeunes. Mais curieusement, les congés parentaux, les garderies en milieu de travail, les horaires variables et autres avantages sociaux ne sont pas déterminants dans l’appréciation d’un poste par un membre de la génération X. Toutefois, le rapport avec le patron occupe une grande place. «Deux choses marquent significativement la vie professionnelle: notre meilleur professeur et notre meilleur patron.»

Profitant de l’occasion pour rendre hommage à son ancien professeur de psychologie, Serge Larochelle, présent dans la salle, Pierre Gauthier a fait comprendre aux nombreux gestionnaires devant lui que la balle était donc dans leur camp…

Mathieu-Robert Sauvé



 
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