Édition du 24 novembre 2003 / volume 38, numéro 13
 
  Les dentistes itinérants
Le Dr Joseph Outmezguine et ses résidents soignent des personnes âgées à domicile.

Antoinette Antonini a accueilli avec plaisir les dentistes de l’Université de Montréal, qui ont déplacé leur cabinet jusque dans son salon.

«C’est la première fois que je vois ça! C’est fantastique», lance Philippe Tobia en voyant se déployer dans son salon un véritable cabinet de dentiste. La fraiseuse, la ponceuse, la pompe à eau et l’aspirateur stérilisés, tout est là, à l’exception du fameux fauteuil réglable. Quelques coussins sous la tête de la patiente, sur son fauteuil roulant, feront l’affaire.

Le Dr Joseph Outmezguine, chargé d’enseignement clinique à la Faculté de médecine dentaire, et Claudia Voiselle, résidente du programme multidisciplinaire, avaient rendez-vous avec la conjointe de M. Tobia, Antoinette Antonini, en ce vendredi avant-midi. Après avoir trouvé l’adresse du couple dans le quartier Notre-Dame-de-Grâce, ils ont transporté leur matériel dans la maison. Ils ont retiré leurs chaussures, branché quelques appareils électriques et revêtu leur sarrau. «Nous allons procéder à un nettoyage, puis à quelques obturations», a expliqué à la patiente de 77 ans le dentiste rattaché au centre local de services communautaires de l’arrondissement Notre-Dame-de-Grâce.

Depuis qu’elle a subi un accident vasculaire cérébral qui l’a laissée partiellement paralysée, Mme Antonini est confinée dans quelques pièces de sa maison. Le moindre déplacement en dehors de chez elle devient une expédition coûteuse et compliquée. «La dernière fois que je l’ai accompagnée à l’hôpital, cela nous a coûté 107 $ pour un aller simple, rapporte M. Tobia. Le transport adapté coûte moins cher, mais il faut réserver longtemps d’avance…»

Un service apprécié

Peu de CLSC offrent actuellement des services dentaires à domicile. Aussi le couple se sent-il choyé d’avoir ainsi accès à des soins gratuits. «Quel pays généreux! On se plaint vraiment sans raison», soupire cet immigrant de Tunis arrivé à Montréal en 1958.

L’idée de soins dentaires donnés à la maison est née en 1996 d’échanges entre le Dr Daniel Kandelman, directeur du Département de santé buccale de la Faculté de médecine dentaire, et le Dr Outmezguine dont la pratique privée est fortement orientée vers les personnes âgées. Plusieurs de ses patients sont en perte d’autonomie et se déplacer constitue pour eux un casse-tête. «Nous avons pensé intégrer ce type de services dans un contexte pédagogique, explique le Dr Outmezguine. Ainsi, chaque étudiant inscrit en résidence multidisciplinaire doit effectuer avec moi des visites à domicile.»

Chaque semaine, le vendredi avant-midi, un résident accompagne donc le dentiste itinérant chez un patient à mobilité réduite. Claudia Voiselle, qui a fait son baccalauréat à l’Université Laval, se souvient d’un cours en gérodontologie en quatrième année, mais à l’Université de Montréal le programme multidisciplinaire est un des rares à se pencher sur les soins dentaires aux personnes âgées.

Publication scientifique

Dans un texte publié par la Fédération des médecins de France, le Dr Kandelman trace un bilan des premières années de ce projet. «Les études réalisées au Service de santé communautaire de l’Hôpital général de Montréal soulignent que les personnes tributaires de services de soins à domicile sont à l’heure actuelle totalement démunies de services de soins dentaires; qu’une approche en équipe (dentiste et hygiéniste) pour réaliser des soins à domicile est tout à fait concevable et réalisable à moindres coûts. Dans cette approche, le dentiste a un rôle important dans le diagnostic, la prévention des cancers buccaux et les soins curatifs tandis que l’hygiéniste conserve un rôle indispensable dans les actes préventifs et le suivi des participants.»

Le programme de promotion de la santé qu’il a mis au point avec son collègue «a été très bien accepté par la population de maintien à domicile. Il répond à un besoin réel qu’ont les personnes du troisième âge les plus démunies et qui n’ont reçu aucune visite ou conseil dentaires depuis de trop nombreuses années.»

L’auteur signale que le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec a financé le matériel de dentisterie portatif. «Ce programme, conclut-il, est essentiel parce qu’il rend un service sociosanitaire indispensable. Il fait également la preuve que la collaboration entre le milieu universitaire et le réseau de la santé communautaire est une "formule gagnante" sur tous les plans: soins offerts aux patients concernés, sensibilisation des futurs dentistes à la gérodontologie, soutien du ministère pour un programme hospitalo-universitaire.»

En cinq ans, les dentistes résidents, sous la supervision d’un dentiste clinicien et en collaboration avec le personnel infirmier du CLSC Notre-Dame-de-Grâce, ont examiné et traité plus de 250 patients, à raison d’une demi-journée chaque semaine pendant 40 semaines par an.

Mathieu-Robert Sauvé



 
Archives | Communiqués | Pour nous joindre | Calendrier des événements
Université de Montréal, Direction des communications et du recrutement