Édition du 8 décembre 2003 / volume 38, numéro 15
 
  2576 carcasses d’oiseaux analysées dans un laboratoire
La Faculté de médecine vétérinaire a pris de front le virus du Nil occidental.

Michel Bigras-Poulin

Au cours de la dernière saison, 2576 carcasses d’oiseaux ont été analysées dans un laboratoire spécialement aménagé de Saint-Hyacinthe, sous la supervision du Dr André Dallaire, pathologiste clinicien à la Faculté de médecine vétérinaire. De ce nombre, 846 oiseaux ont été déclarés porteurs du virus du Nil occidental (VNO). «Au plus fort de l’été, nous avons reçu jusqu’à 200 oiseaux par semaine, relate le vétérinaire. Principalement des corvidés, c’est-à-dire des corneilles et des geais, mais aussi d’autres espèces de passereaux et quelques oiseaux de proie. Beaucoup d’heures supplémentaires!»

Le virus, qui se transmet aux oiseaux par les insectes piqueurs, est souvent mortel chez les volatiles mais rarement chez l’être humain. Pour lutter contre la propagation du virus tout en rassurant le public, il faut donc être présent sur trois fronts: entomologique, ornithologique et humain. Le Québec a pris les grands moyens. Cet été, un numéro sans frais permettait à tout citoyen de signaler la présence d’oiseaux morts autour de chez lui. Les gens ne s’en sont pas privés: 15 754 appels ont été recensés à ce chapitre.

Par la suite, dans chacune des huit régions touchées, un inspecteur à temps plein et plusieurs agents de la faune étaient chargés de récupérer les carcasses et de les faire parvenir à Saint-Hyacinthe. C’est dans un laboratoire prêté par l’Agence canadienne d’inspection des aliments que les oiseaux ont été examinés dans des conditions de biosécurité très rigoureuses. À l’aide d’une nouvelle technique de détection, le Vec-test, l’équipe du Dr Dallaire s’est épargné bon nombre d’autopsies qui nécessitent de prélever un rein et le cerveau. Le test, d’une durée de 15 minutes, consistait en l’introduction d’une bandelette de papier dans une solution contenant des produits organiques de l’oiseau.

Par la suite, le diagnostic moléculaire des échantillons de tissus a été établi dans des locaux attenants sous la supervision de Josée Harel, professeure à la Faculté de médecine vétérinaire. Cette procédure a fait de Saint-Hyacinthe le centre névralgique de toute l’opération VNO au Québec en 2003.

Une zoonose inquiétante

Apparu en 1999 à New York en provenance d’outre-Atlantique, le virus est entré l’année suivante au Canada, mais jusqu’en 2002 un seul laboratoire du pays était autorisé à analyser les carcasses d’oiseaux, et ce laboratoire était situé à Winnipeg. L’agrément du laboratoire de la Dre Harel a ainsi permis de simplifier la procédure de transfert des échantillons.

«Rappelons que le virus du Nil n’a provoqué aucun décès au Québec, mentionne l’épidémiologiste Michel Bigras-Poulin, lui aussi professeur à la Faculté de médecine vétérinaire. De 14 à 17 infections chez l’être humain ont été diagnostiquées, mais aucune n’a dégénéré en encéphalite, ce que les responsables de la santé publique craignent le plus.»

Dès le printemps 2003 et jusqu’à la fin de l’automne, le Dr Bigras-Poulin a fait partie d’un comité d’experts mis sur pied par l’Institut national de santé publique. Chaque semaine, une conférence téléphonique a permis de suivre l’évolution de l’épidémie et de corriger la stratégie. Dans les autres provinces canadiennes, l’analyse des oiseaux morts cessait presque aussitôt que la présence du virus était confirmée dans une région donnée. Au Québec, on a choisi de poursuivre cette analyse afin de mieux documenter la propagation de la maladie.

Voilà pourquoi on a compté 846 oiseaux «positifs» dans une province où les cas de contamination humaine ont été si peu nombreux. Par comparaison, l’Alberta rapporte 352 infections chez ses résidants mais seulement 232 oiseaux atteints. En Ontario, on a diagnostiqué 83 personnes porteuses et 240 oiseaux touchés par le virus. Actuellement, on ignore si la stratégie en 2004 demeurera la même qu’en 2003, car elle a été forcément plus coûteuse qu’ailleurs au Canada.

Pas d’alarmisme au Québec

Avec son équipe, le Dr André Dallaire a examiné plus de 2500 oiseaux morts au cours de la dernière saison.

Le Dr Bigras-Poulin affirme qu’on peut parler d’épidémie chez les animaux, mais qu’il n’y a aucune raison de s’alarmer quant à l’incidence du virus chez l’être humain. «Le cheval et l’homme ne sont que des hôtes accidentels de ce virus, explique-t-il. Tant que les infections humaines demeureront peu nombreuses au Québec, soit inférieures à la centaine, je crois que nous pouvons rester optimistes.»

En tout cas, il n’existe aucun doute sur l’origine du virus en Amérique, car les États-Unis sont éprouvés par le VNO. En date du 15 octobre, 6957 personnes ont été diagnostiquées porteuses du virus aux États-Unis et 149 en sont mortes. On a rapporté plus de 10 172 infections chez les oiseaux dans 42 États.

Cela dit, la propagation du virus dépend largement du climat. Les larves d’insectes ont beaucoup souffert du printemps sec et frais que nous avons connu en 2003, ce qui a forcément ralenti sa progression vers le nord. Actuellement, on ignore encore si le virus survit dans les larves d’insectes en dormance sous nos latitudes. Si tel est le cas, l’infection n’aura plus à recommencer sa dispersion à partir des nouvelles migrations.

Sur le plan de la faune, les choses sont moins rassurantes. Les corneilles et les geais, loin d’être menacés d’extinction, n’inquiètent pas à court terme les ornithologues. Mais la présence du virus chez les oiseaux de proie (18 cas confirmés au Québec) est de très mauvais augure. On a même trouvé un oiseau de proie infecté en Abitibi, alors que le virus semblait absent dans cette région.

Bien que les cas de contamination soient encore peu nombreux chez l’être humain, le fait qu’on a détecté la présence du VNO dans presque toutes les régions habitées du Québec laisse songeur. En tout cas, à Saint-Hyacinthe, on confie que l’on fait plus attention qu’autrefois au cours d’activités en plein air. «Cela ne m’empêche pas d’aller faire mon jogging dans des parcs publics, mais en camping on ne prend pas de risques inutiles. Nous sommes plus généreux sur le répulsif à moustiques», mentionne le Dr Dallaire.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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