Édition du 8 décembre 2003 / volume 38, numéro 15
 
  «Les jouets ne sont pas essentiels au jeu»
L’ergothérapeute Francine Ferland veut relancer le sens ludique.

«Le meilleur jouet éducatif, c’est un ballon», dit Francine Ferland. Il suscite l’interaction, il est compact, vaut pour tous les âges… et laisse place à la spontanéité et à l’imagination.

La scène est un classique du temps des fêtes. Après la brève euphorie du déballage des cadeaux, les enfants se bâtissent un château avec les boîtes vides, les papiers chiffonnés et quelques coussins. Les parents, décontenancés, soupirent: à côté de leurs jouets rutilants et coûteux, les enfants s’amusent.

«Le jouet n’est pas essentiel au jeu», signale l’ergothérapeute Francine Ferland dans une vidéo qu’elle vient de produire avec une équipe de l’hôpital Rivière-des-Prairies et qui véhicule un message troublant en cette course aux achats de Noël. Elle croit que le jouet ne devrait compter que pour 10 % de l’activité ludique, le reste étant du ressort de la créativité, de la spontanéité, de l’interaction avec les autres enfants.

Mais alors… comment croire tous ces commerçants qui rivalisent d’imagination pour nous proposer des jouets éducatifs? «Qu’est-ce que c’est, un jouet éducatif? demande Mme Ferland au cours d’une entrevue. Un jouet n’est souvent qu’un prétexte pour le jeu. Ce qui compte, c’est l’état d’esprit.»

Au cours de sa carrière de clinicienne en milieu hospitalier et de professeure d’ergothérapie à l’École de réadaptation, Mme Ferland a observé des enfants de tous les âges et de toutes les conditions en situation de jeu. Sa conclusion: tout être humain a une forte prédisposition à l’activité ludique. Mais l’enfant heureux joue plus facilement que celui aux prises avec des problèmes familiaux ou personnels.

Le jeu, c’est génial!

Vendue 85 $, la trousse Le jeu, c’est génial! contient deux cassettes vidéo (la première explique l’importance du jeu pour l’enfant, la seconde l’intérêt pour l’adulte), un guide d’animation pour les groupes de parents et un livre de Francine Ferland sur le jeu chez l’enfant, de la naissance à six ans: Et si on jouait? Cette trousse, réalisée avec la collaboration d’un centre de la petite enfance de Sainte-Thérèse et le Centre de communication en santé mentale de l’hôpital Rivière-des-Prairies, est destinée aux éducateurs et aux formateurs. Elle est conçue pour favoriser les échanges entre les parents. Ceux-ci ont parfois tendance à sous-estimer l’importance du jeu dans la croissance de leurs enfants.

«Le jeu devrait être prédominant chez l’enfant durant toute la période préscolaire, estime la spécialiste. Mais ce n’est pas parce qu’il joue que l’enfant n’a pas de règles à suivre. L’enfant a besoin de connaître ses limites et le jeu est un bon moyen de favoriser cet apprentissage.»

La vie très organisée des familles d’aujourd’hui peut restreindre le temps consacré aux activités ludiques. Pour Francine Ferland, cette situation est regrettable. Tout parent devrait prendre quelques minutes pour jouer avec son enfant plutôt que de lui répéter de ranger ses affaires. Mais l’extrême inverse est aussi à proscrire. «Certains enfants ont un horaire si chargé qu’ils n’ont plus le loisir de s’inventer leurs propres jeux.»

Quatre livres en trois ans

Conférencière recherchée et auteure de plusieurs publications sur le jeu et l’enfant déficient, Mme Ferland se consacre depuis quelques années à l’écriture de livres destinés aux parents. Ces livres sont rédigés dans une langue très accessible et publiés aux Éditions de l’hôpital Sainte-Justine. Après un ouvrage sur les enjeux des parents d’enfants déficients (Un enfant à découvrir) et un autre sur le jeu (Et si on jouait?), Mme Ferland a publié en 2003 Le modèle ludique et Grands-parents d’aujourd’hui: plaisirs et pièges (voir Forum du 10 novembre 2003).

Se définissant elle-même comme une femme plutôt ludique, elle n’a jamais hésité entre le plaisir de partager un moment de jeu avec ses enfants et petits-enfants, et l’obligation de brasser la soupe sur la cuisinière. «Je me disais toujours: la soupe, ça peut attendre.»

Sommes-nous de façon générale plus ludiques qu’autrefois? «Je ne crois pas, malheureusement. Oui, il y a de nombreux humoristes et des festivals de l’humour. Mais c’est comme si le plaisir était concentré dans ces moments-là. Nous ne nous autorisons pas à avoir du plaisir dans notre vie quotidienne.»

Mathieu-Robert Sauvé

Quelques conseils aux enfants
 • Soyez patients avec vos parents s’ils ne semblent pas comprendre votre plaisir à jouer; ils peuvent avoir tout simplement oublié ce qui est amusant […]

• Soyez leurs professeurs; montrez-leur à s’amuser d’un rien et à rire de tout. Le jeu, c’est votre domaine de force; faites-en bénéficier vos parents.

• Aidez-les à retrouver leur imagination et leur spontanéité d’antan et faites-leur redécouvrir le plaisir du moment présent.

• Devenez leur thérapeute et soignez leur stress en jouant avec eux.

Extrait tiré de Francine Ferland, Et si on jouait? Le jeu chez l’enfant de la naissance à six ans, Montréal, Éditions de l’hôpital Sainte-Justine, 2003 (réédition).

 



 
Archives | Communiqués | Pour nous joindre | Calendrier des événements
Université de Montréal, Direction des communications et du recrutement