Édition du 19 janvier 2004 / volume 38, numéro 17
 
  La magie des champignons
Le Dr Serge Montplaisir est un pionnier de la mycologie médicale

Le Dr Serge Montplaisir fait de la recherche, de l’enseignement et de la clinique. Il déposera bientôt un brevet pour l’une de ses découvertes.

Quand le Dr Serge Montplaisir parle champignons, il ne fait pas référence aux pleurotes, chanterelles et autres délices de la table. Ce professeur du Département de microbiologie et immunologie est un expert des champignons microscopiques qui menacent à tout moment d’envahir le corps humain. Certains sont bénins, d’autres mortels. À l’hôpital Royal Victoria, le champignon aspergillus présent dans le système de ventilation du bloc opératoire aurait causé la mort de deux patients à la suite d’une infection en 2000. D’autres hôpitaux québécois ont fait bien malgré eux la manchette à la suite d’épisodes semblables; à Saint-Hyacinthe, une aile complète de l’hôpital Honoré-Mercier a été reconstruite après que le champignon eut été découvert.

Clinicien à l’hôpital Sainte-Justine, le Dr Montplaisir traite régulièrement de jeunes patients aux prises avec l’aspergillus. Ce sont le plus souvent des malades affaiblis par le cocktail de médicaments qu’ils doivent absorber. «Lorsqu’un leucémique est infecté par l’aspergillus, il risque plus de mourir d’aspergillose que de leucémie», affirme le médecin.

La médecine moderne s’avère partiellement désarmée devant ces nouveaux envahisseurs. Et avec le vieillissement de la population, on risque de voir une prolifération d’infections mycologiques. Ce qui fait dire au Dr Montplaisir qu’après avoir eu pour vedettes les bactéries (la tuberculose) et les virus (le sida) la microbiologie plonge désormais dans la mycologie médicale. «Le 21e siècle sera celui du champignon», lance-t-il mi-figue, mi-raisin.

Montplaisir contre candidose

Au cours des trois dernières décennies, le chercheur s’est penché sur ces champignons opportunistes. «On les appelle opportunistes, car ils s’attaquent aux gens dont la condition est affaiblie par la maladie ou par un traitement pharmaceutique», explique le chercheur. Il s’est concentré sur le plus connu d’entre eux: Candida albicans, qui provoque la candidose vaginale. «La candidose vaginale est généralement considérée comme une infection bénigne, signale l’immunologiste. La femme qui en souffre a des irritations, des rougeurs et des écoulements. Mais parlez-en aux patientes qui ont cinq ou six infections par année, elles ne les trouvent pas bénignes.»

La prévalence de la candidose vaginale est très élevée, particulièrement chez les femmes enceintes. De 15 à 20 % d’entre elles connaissent une infection durant leur grossesse, dont de 30 à 40 % au cours du dernier trimestre. De plus, c’est une maladie chronique pour un grand nombre de personnes infectées. La récidive touche une femme sur quatre.

En général, on ne s’absente pas de son travail pour une infection vaginale. Mais la forte prévalence de cette maladie et les récidives fréquentes en font une infection mycologique des plus intéressantes pour les sociétés pharmaceutiques. Le professeur Montplaisir est d’ailleurs sur le point de breveter une protéine active dans les cas d’infection répétée de Candida albicans.

Après avoir étudié ce qui prédisposait certaines femmes à souffrir de candidose de façon chronique, le chercheur a découvert que la protéine 43 Kd jouait un rôle majeur dans l’infection. Cette découverte pourrait ouvrir la voie à un vaccin. Actuellement, le seul traitement consiste en l’application d’une crème antifongique sur la région infectée.

La Société canadienne de mycologie médicale

Dans le bureau du Dr Montplaisir, un buste de Louis Pasteur évoque le fondateur de la microbiologie. Il rappelle aussi les années d’études du professeur à l’institut Pasteur, à Paris. «Il existait là-bas une société française de mycologie médicale, qui permettait de réunir les experts en la matière. Quand je suis revenu au pays après mon séjour de deux ans, j’ai eu l’idée de créer l’équivalent de ce côté de l’Atlantique.»

Fondée avec deux collègues de l’Université de Montréal, Pierre Auger et Louis de Repentigny, la Société canadienne de mycologie médicale, dont Serge Montplaisir a été vice-président, compte une centaine de membres: des microbiologistes et des immunologistes, mais aussi des dermatologues, des pneumologues, des gastro-entérologues, etc.

L’organisme, qui est hébergé à la Faculté de médecine, tient un congrès annuel où il distribue des prix et des bourses.

Avec une masse critique de chercheurs (en plus des professeurs Auger et de Repentigny, Pierre Belhumeur, un fondamentaliste, s’est récemment joint à l’équipe), l’Université de Montréal demeure un chef de file mondial en mycologie médicale. Selon Serge Montplaisir, le Département figure parmi les groupes de recherche les plus performants du monde.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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