Édition du 19 janvier 2004 / volume 38, numéro 17
 
  Courrier du lecteur
La venue d’Alan Dershowitz a suscité la controverse - L'université de Montréal : une université sans professeures ?

La venue d’Alan Dershowitz a suscité la controverse
Alan Dershowitz et la torture

«Alan Dershowitz en faveur de la légalisation de la torture», voilà le titre d’un article de Forum du 12 janvier. L’invité favorise un retour sans états d’âme à la torture, mais – on sera sûrement soulagé de l’apprendre – «en limitant son usage de façon claire». La conscience est tranquille, l’honneur sauf. Et le conférencier de plaider pour ce besoin urgent de notre époque. Au cas où ses auditeurs, peu habitués à ce genre de relation interpersonnelle, seraient en panne d’idées, A. Dershowitz se fait volontiers pédagogue: on pourrait insérer des aiguilles stérilisées sous les ongles des suppliciés, méthode indubitablement humaine, car elle ne leur enlèverait pas la vie. Parmi les avantages de la réforme prônée, le conférencier a oublié de dire que l’embarrassante affaire Maher Arar ne se reproduirait plus: désormais les malheureux seraient torturés en toute quiétude aux États-Unis ou au Canada, plutôt que par des sous-traitants à l’étranger, parfois moins connaisseurs des méthodes humaines de torture dont A. Dershowitz a le secret.

A-t-on affaire à une brute? C’est douteux. Le raisonnement est presque fin et le conférencier d’une franchise affichée. Il sait et dit que la torture est déjà pratiquée. Mieux vaut donc sortir du mensonge et de l’hypocrisie. «Ce n’est pas bien dans une démocratie», dit-il, rendant ainsi hommage aux valeurs qui nous sont chères. Que la torture continue, mais, au nom de la vérité, qu’elle passe de l’illégalité à la légalité. Voilà l’essence du message.

Sera-t-il entendu? Peu probable. Les tortionnaires n’ont guère besoin de lois. Ils sévissent déjà, si l’on se fie à ce que dit A. Dershowitz en toute candeur. Alors à quoi sert cette campagne? A. Dershowitz s’est fait connaître sur les plateaux de télévision comme chantre des politiques de George W. Bush et d’Ariel Sharon. Une telle campagne légitime ce qui se passe déjà, crée une ambiance de tolérance vis-à-vis des méthodes répressives, répand l’idée de la primauté de la force et habitue au mépris des droits de l’autre. Ce sont les "valeurs" à l’honneur dans l’entourage de Bush. L’effet indirect est plus pernicieux que le grotesque appel à la légalisation de la torture.

Verra-t-on débarquer à l’UdeM un avocat de la légalisation de l’esclavage, armé de l’argument qu’il y a déjà des esclaves dans le monde?

Samir Saul


Professeur agrégé


Département d’histoire

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Je souhaite vivement réagir à l’article intitulé «Alan Dershowitz en faveur de la légalisation de la torture», paru le 12 janvier dans Forum. La lecture des propos de cet individu me scandalise et je m’étonne qu’au nom sans doute de la sacro-sainte liberté d’expression la Faculté de droit ait jugé bon d’inviter cet avocat, dont la fonction si je ne m’abuse devrait être de défendre les droits de la personne et non de les bafouer, fussent-ils encadrés par des lois douteuses. Qu’un article lui soit également consacré dans un journal dont les buts sont de faire valoir les activités de recherche et d’enseignement de notre établissement et de promouvoir la connaissance est un élément de plus dans mon indignation. Qu’on me l’y présente comme un éminent criminaliste me semble sans discernement, même si ce triste personnage sévit à l’Université Harvard. De grâce, laissons mourir d’elles-mêmes de telles idées fallacieuses sans en faire la publicité. Sans cette intervention, j’aurais sans doute ignoré l’existence de cet individu et des idées qu’il professe et tant mieux ! Je me réjouis de n’être pas de ses collègues.

Joëlle Margot

Département de physique

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Le traitement de l’information concernant la prise de position du professeur Dershowitz dans le numéro du 12 janvier dernier me semble totalement déplacé pour un journal tel que Forum. La thèse défendue par ce collègue américain ne fait aucun sens et n’a pas à recevoir quelque caution que ce soit. À mon avis, le comité éditorial de Forum devrait faire preuve de plus de vigilance dans le choix des sujets à traiter. D’autres collègues de passage dans notre université apportent une contribution autrement significative que cette dérive du professeur Dershowitz.

Louis Dumont

Professeur de pharmacologie

Président du Syndicat général des professeurs de l’Université de Montréal

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Que de procès d’intention!

Il m’étonne toujours de voir avec quelle facilité des intellectuels sombrent devant des idées avec lesquelles ils ne sont pas d’accord dans le procès d’intention et les arguments ad hominem. «Si Alan Dershowitz défend ses positions, c’est sans doute parce qu’il est à la charge de Bush et de Sharon», diront certains. Ou peut-être tout simplement parce qu’il est méchant.

La question que nous a posée Alan Dershowitz au cours de sa conférence est la suivante: «Si le fait d’exiger des tortionnaires qu’ils sévissent dans le contexte de lois et de procédures publiques ne permettant l’emploi de la torture que dans un ensemble de cas extrêmement restreint devait diminuer la quantité totale d’actes de torture qui sont pratiqués sur la planète, devrions-nous être pour ou contre de telles lois et procédures?» Car c’est bien la minimisation de la torture que Dershowitz pense que nous devrions nous poser comme objectif. On peut, comme je crois que nous devons le faire, répondre qu’on serait contre, sans remettre en question la pertinence de la question ni la bonne foi de l’individu qui la pose.

Daniel Weinstock

Directeur du Centre de recherche en éthique de l’UdeM

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L'Université de Montréal: une université sans professeures?

Le journal Le Devoir a publié le 10 janvier dernier un cahier spécial pour le 125e anniversaire de l'Université de Montréal. Ce cahier imposant de 24 pages présente les analyses, contributions scientifiques, projets de divers membres de l'Université, mais page après page vous ne verrez aucun article consacré à la contribution scientifique d'une professeure ou encore à la vision ou aux projets d1une administratrice. Le seul article dans lequel on donne un visage aux femmes est celui consacré à des étudiantes ayant remporté un prix prestigieux. Où sont les professeures? Ont-elles si peu d'importance à l'Université même après 125 ans d'existence? Quelle image l'Université projette-t-elle à l1extérieur avec une telle indifférence
envers la contribution des professeures? L'Université de Montréal, un monde de projets mais aussi un monde d'hommes!

Marie-Thérèse Chicha
Professeure titulaire à l'École de relations industrielles, pour le bureau du Syndicat général des professeurs de l'Université de Montréal



 
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