Édition du 26 janvier 2004 / volume 38, numéro 18
 
  Capsule science
Le cellulaire endommage-t-il le cerveau?

Le débat sur les périls du téléphone cellulaire est relancé. Cette fois, c’est une étude suédoise qui déclenche la polémique à propos de l’appareil. L’équipe du chercheur Leif Salford, de l’Université Lund, a conclu que les risques de dommages au cerveau sont bien réels. Elle a exposé 32 rats pendant 50 jours à raison de deux heures par jour à des radiations semblables à celles émises par des téléphones de type GSM (global system for mobile communications). Des fuites sanguines ont été constatées dans le cerveau des animaux.

L’année 2004 avait pourtant commencé sur une note positive pour le portable. La semaine dernière en effet, en Angleterre, le Groupe consultatif sur les radiations non ionisantes, mis sur pied par le gouvernement Blair, avait conclu, après une révision des études existantes, que les cellulaires et les relais téléphoniques ne présentaient pas de danger apparent pour la santé. Le chercheur Anthony Swerdlow, qui dirigeait le Groupe, a affirmé que toutes les données actuellement disponibles ne permettaient pas de penser que l’exposition aux ondes radio du type de celles des téléphones portables avait des effets nocifs sur la santé. M. Swerdlow ajoutait toutefois que rien non plus ne permettait de conclure d’une manière définitive à une absence de risque. Et qu’il fallait donc poursuivre les recherches pour étudier d’éventuels effets à long terme.

À l’UdeM

Au moins deux équipes de chercheurs rattachés à l’Université travaillent actuellement à évaluer les effets réels du cellulaire sur l’être humain. Jack Siemiatycki, directeur adjoint du CHUM et chercheur à la Chaire en épidémiologie de la santé des populations, dit ne pas être surpris par les résultats de l’étude suédoise. (Il semble toutefois peu inquiet puisqu’il nous a donné un rendez-vous téléphonique… sur son cellulaire!) Au sujet des résultats de l’étude de Leif Salford, il prétend qu’il faut «s’attendre à ce que d’autres laboratoires reproduisent l’expérience avant d’accepter toute conclusion définitive». Ce qui du reste, a déclaré M. Salford, est prévu pour la prochaine année.

L’expérience à laquelle Jack Siemiatycki participe est bien différente de celle des Suédois. D’abord elle porte sur les effets cancérigènes présumés des radiofréquences émanant des téléphones cellulaires. Coordonnés par l’Association internationale de recherche sur le cancer (un organisme issu de l’Organisation mondiale de la santé), les travaux ont commencé en janvier 2000 au Canada et dans plus d’une dizaine de pays et se termineront en 2010. L’objectif est de mettre en lumière un possible lien statistique entre l’utilisation de téléphones mobiles et quatre types de cancers, dont celui du cerveau. En tout, 10 100 utilisateurs de téléphones cellulaires atteints d’un cancer, dont 7000 d’une tumeur cérébrale, constituent l’échantillon.

Par ailleurs, Yvan Boulanger, du service de radiologie de l’hôpital Saint-Luc du CHUM, effectue actuellement, avec les Drs Abdesslem Khiat et Guy Breton, une étude sur les effets de l’utilisation des téléphones portables sur les métabolites cérébraux. Avant d’entreprendre ses propres recherches, il a recensé la plupart des études sur les répercussions des cellulaires. À propos des nouvelles données de Leif Salford, il note qu’il n’y a pas là un cas unique, car de nombreuses études ont mis au jour des effets chez les animaux.

N’ayant pas publié d’article jusqu’à présent, il a communiqué à Forum ses premiers résultats. À l’aide d’appareils de résonance magnétique, son équipe a mesuré les métabolites cérébraux (c’est-à-dire les molécules minérales utilisées par les cellules au cours de la réalisation de leur métabolisme) dans la région du cerveau la plus rapprochée de l’antenne du téléphone cellulaire. Les scientifiques ont étudié le côté du cerveau le plus exposé au cours d’une conversation téléphonique, mais aussi le côté opposé. En tout, 11 personnes ayant fait un usage intensif du téléphone portable et 10 autres n’en ayant pas utilisé ont été examinées.

Résultat: «Aucune différence statistique significative dans les niveaux de métabolites entre les deux côtés du cerveau n’a été observée, autant chez les utilisateurs que chez les non-utilisateurs.» Aussi, les observations n’ont pas permis de déceler des lésions dues au cellulaire. Le Dr Boulanger met toutefois en relief que «certains sujets montraient des variations de métabolites assez importantes». De plus, la plupart des utilisateurs fréquents du cellulaire rapportent «des maux de tête ou des douleurs dans la région irradiée par l’appareil, ce qui laisse croire, dit M. Boulanger, que des effets non détectés par notre méthode peuvent exister. Il se pourrait aussi qu’une étude sur un grand nombre de personnes puisse conduire à la mise au jour d’effets certains.»

Besoin de volontaires!

Pour poursuivre leurs recherches, les Drs Boulanger, Khiat et Breton ont un urgent besoin de sujets. Les utilisateurs intensifs du téléphone portable peuvent soumettre leur tête à la science en communiquant avec M. Khiat au (514) 890-8350, poste 33130. Mais une fois à l’hôpital, il faudra toutefois éteindre son appareil, précisent les chercheurs!

Antoine Robitaille



 
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