Édition du 2 février 2004 / volume 38, numéro 19
 
  LE DOCTEUR JEAN-CLAUDE TARDIF S’ATTAQUE À LA MALADIE LA PLUS MEURTRIÈRE AU MONDE
Création de la Chaire Pfizer sur l’athérosclérose

À 39 ans, le Dr Jean-Claude Tardif est déjà une sommité internationale dans l’étude de l’athérosclérose.

«Voyez ici la couche foncée: c’est l’athérosclérose. Le Big Mac, si vous préférez», lance le cardiologue Jean-Claude Tardif en pointant avec son crayon l’intérieur d’une artère coronaire d’un patient de 61 ans. Sur la prise de vue d’une qualité remarquable, on a l’impression d’être dans un sous-marin au milieu du vaisseau. Nous sommes en route pour le cœur et observons au passage la couche de cholestérol, de lipides et d’autres matières indésirables calcifiées sur l’endothélium.

Jamais, avant les travaux du Dr Tardif, on n’avait pu examiner avec une telle précision les parois internes des artères. Pour visualiser l’état des vaisseaux, il fallait obligatoirement colorer le sang et observer son écoulement à l’aide de différentes techniques d’imagerie. Avec l’Intravascular Ultra Sound Imaging, que le chercheur a mis au point à partir de ses travaux de postdoctorat à la Tufts University, à Boston, en 1992, ce sont des milliers de patients qui ont bénéficié de ce voyage fantastique au cœur des artères.

Encore aujourd’hui, des cardiologues étrangers (pour la plupart d’anciens étudiants du professeur Tardif) continuent d’envoyer leurs images à l’Institut de cardiologie de Montréal (ICM) dans le cadre d’un des quatre projets de recherche du chercheur de 39 ans. Il y en a d’Espagne, de Nouvelle-Zélande, des Pays-Bas, d’Allemagne, d’Australie, d’Afrique du Sud et bien entendu des États-Unis et du Canada… L’un de ces projets, appelé ARISE (Aggressive of Reduction of Inflammation Stops Events), regroupe à lui seul 4000 patients et dispose d’un budget de 50 M$ US.

Le Dr Tardif tient à dire qu’il n’est pas seul à se consacrer à ces projets de grande envergure. Son équipe compte plus de 40 collaborateurs.

Effet-choc de la maladie: la mort

Bien que très courante, l’athérosclérose est mal connue du grand public, estime le cardiologue. «La plupart des gens perçoivent cette maladie comme le résultat d’une obstruction des artères semblable à celle des canalisations causée par la rouille. L’athérosclérose est plus compliquée, précise-t-il. C’est une maladie inflammatoire qui est de la même ampleur, pour les artères, que l’arthrite pour les articulations.»

Le drame de cette maladie, c’est qu’elle se développe dès l’adolescence et demeure asymptomatique jusqu’à sa première manifestation, entre 40 et 60 ans. Or, des épidémiologistes ont calculé que, pour 20 % des gens, cette première manifestation est… fatale. L’infarctus emporte ainsi un malade sur cinq. Pas étonnant que cette maladie soit la principale cause de décès dans le monde.

L’athérosclérose fait des ravages en provoquant morts subites, angines, infarctus et accidents vasculaires cérébraux, et touche des personnes de plus en plus jeunes. «Il semble que les membres de la nouvelle génération seront les premiers de l’histoire à mourir plus jeunes que leurs parents», déplore le médecin.

Spécialiste des antioxydants et des anti-inflammatoires utilisés dans la lutte contre l’athérosclérose, le Dr Tardif suit actuellement plusieurs pistes pour le traitement de la maladie. Mais il rappelle que les moyens de prévention sont simples et bien connus: abandon du tabac, meilleure alimentation et plus d’exercice.

Qu’est-ce que ça mange, un expert international de l’athérosclérose? «Je suis presque végétarien, répond-il. Le régime méditerranéen si vous préférez: légumes, fruits, huile d’olive, poisson.»

– Et du vin rouge?

– Bien sûr.

– Jamais de filet mignon?

– Jamais. Je dis à mes patients: on tue le bœuf, puis le bœuf nous tue.

Une chaire au partenariat idéal

Le 3 février, l’Institut de cardiologie annoncera la création de la chaire Pfizer sur l’athérosclérose. En versant 1,5 M$ à ce projet, la compagnie pharmaceutique prend une place importante en recherche sur l’athérosclérose. Mais les Instituts de recherche en santé du Canada (350 000 $) et l’ICM y sont aussi engagés. « Pour moi, c’est un partenariat idéal qui unit l’enseignement, le pharmaceutique et le secteur public de la santé », commente le titulaire de la nouvelle chaire.

Quand on pense que le budget total des essais cliniques du Dr Tardif liés à l’athérosclérose depuis l’an 2000 dépasse les 100 M$, on peut être porté à penser que le million et demi de la chaire Pfizer représente une goutte d’eau. Le chercheur ne le voit pas ainsi. «La chaire nous donne une crédibilité extraordinaire, explique-t-il avec enthousiasme. Rassembler les intérêts de l’industrie, du milieu universitaire et des organismes gouvernementaux, c’est ce qu’on peut souhaiter de mieux.»

Même si la plus grande société pharmaceutique du monde s’associe aux travaux du Dr Tardif, celui-ci assure qu’il ne se mettra pas pour autant à la recherche du médicament miracle. Mais il espère tout de même qu’à terme les connaissances acquises dans le domaine de l’athérosclérose contribueront à sauver des vies.

En avril 2002, l’édition canadienne de Time présentait le Dr Tardif comme un des chercheurs les plus prometteurs de sa génération. Pas mal pour un homme qui, dès l’âge de cinq ans, affirmait qu’il voulait devenir médecin.

Chose certaine, le nouveau directeur scientifique du centre de recherche de l’ICM n’a pas fini d’étonner.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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