Édition du 9 février 2004 / volume 38, numéro 20
 
  Non, la galanterie n’est pas anachronique
La société Parlotte organise des joutes oratoires qui font «avancer le débat»

Les joutes oratoires de la société Parlotte attirent de 20 à 150 personnes.

«Cette chambre croit que la galanterie est anachronique.»

Telle est l’affirmation que deux groupes d’orateurs doivent débattre dans un local du Pavillon 3150 Jean-Brillant un midi de janvier, au cours de la réunion mensuelle de la société Parlotte de l’Université de Montréal. L’auguste assemblée, comptant une vingtaine de personnes du Département de sociologie, a été divisée en deux par la présidente élue, Barbara Thériault. Chacun a appris en entrant, par un tirage au sort, dans quel camp il se trouvait. Ainsi le journaliste de Forum a-t-il dû défendre l’anachronisme de cet «empressement inspiré par le désir de conquérir une femme» (Le petit Robert).

«La galanterie est dépassée, affirme la première participante à prendre la parole, Chanel Boucher. Elle maintient la femme à un niveau inférieur. D’ailleurs, le dictionnaire est clair là-dessus: la galanterie est un geste fait par un homme envers une femme. Cela entretient des attitudes sexistes. Aujourd’hui, les femmes sont émancipées; elles n’ont pas parcouru tout ce chemin pour être rabaissées au rang de simple objet de convoitise.»

«De quelle époque date votre dictionnaire? Du 16e siècle?» répond sur le même ton Serge Laurin, un habitué de ces rencontres. «Il faut vivre avec son temps et considérer la galanterie comme une forme supérieure de politesse. D’ailleurs, rien n’empêche une femme de faire preuve de galanterie à l’endroit d’un homme», lance Fanny Girard. «La galanterie, c’est le plaisir de faire plaisir», renchérit Jonathan Lepage.

«Il s’agit d’un comportement antimoderne, soutient Chanel Boucher. La politesse oui, la galanterie non.»

Faux, rétorque Claudio Delgrande. «La politesse, c’est verbal: dire «merci», «s’il vous plaît». La galanterie, c’est une attitude. Offrir une rose; tenir une porte. Elle a encore une place dans notre monde. Non, la galanterie n’est pas anachronique.»

Ce sont les «contre» qui obtiendront le plus de votes. La galanterie n’est donc pas morte.

Des règles strictes

Les règles de conduite au cours de ces joutes oratoires sont strictes: après un caucus de huit minutes pour peaufiner les arguments, les équipes doivent choisir trois orateurs qui les défendront. Chacun aura deux minutes «protégées» pour le faire, suivies d’une période de questions. Les porte-parole concluent ensuite.

Les orateurs, placés les uns devant les autres, revêtent un uniforme – un t-shirt rose pour les «pour» et un blanc pour les «contre» – et obéissent aux consignes de la présidente d’assemblée, vêtue de la toge et munie d’un maillet contre lequel aucun argument ne peut rien. Quand une personne de la salle a une question à poser ou une objection à soulever, elle peut le faire à certains moments.

Secrétaire administratif du Département de sociologie, Serge Laurin s’est fait happer par la société Parlotte dès ses premières joutes, il y a un an. «C’est comme une ligue d’improvisation... en plus savant. Les arguments doivent être solides, sinon ils seront taillés en pièces.»

«Les participants s’améliorent au fil des rencontres, confie Barbara Thériault, professeure au même département. Certains deviennent de plus en plus aguerris.»

Membre depuis peu d’un regroupement de débats oratoires de langue française, la société Parlotte s’inscrit dans la tradition issue du debating anglo-saxon. «Notre société est cependant bien distincte, explique-t-on sur le site Web de l’organisme ( www.socio.umontreal.ca/Societe_parlotte.htm ). En effet, nous avons nos propres règlements. Ils mettent l’accent sur la participation de tous les membres de l’Université (aussi bien des étudiants que des professeurs ou des membres du personnel administratif) et sur l’organisation de débats intelligents par des participants qui ne se prennent pas toujours au sérieux !»

En tout cas, en ce 21 janvier, il fallait voir Claudio Delgrande, un adepte du perçage aux cheveux hirsutes, défendre bec et ongles les vertus de la galanterie. Il l’a fait avec élégance puisqu’il a été élu joueur étoile (ex æquo avec Chanel Boucher), remportant un chandail-souvenir.

La prochaine rencontre aura lieu le 17 février à 11 h 45 au local B-3260. Le thème: «Cette chambre croit que le pouvoir est une fin en soi.»

Et entre les débats, on peut réfléchir à la maxime du groupe, tirée de l’œuvre du grand Salluste (v. -86/-35 av. J.-C.): Priusquam incipias, consulto opus est.

Pour ceux qui ont perdu leur latin: «Avant de commencer à agir, il faut délibérer.»

Mathieu-Robert Sauvé



 
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