Édition du 9 février 2004 / volume 38, numéro 20
 
  Capsule science
Y a-t-il plus de maladies d’origine animale?

 
Grippe du poulet, syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS), virus du Nil occidental, maladie de la vache folle, sida… Y a-t-il de plus en plus de zoonoses (maladies transmissibles de l’animal à l’homme) de nos jours?

Oui, répond sans hésiter le Dr Daniel Martineau, professeur de pathologie à la Faculté de médecine vétérinaire. Et à son avis, on n’a pas fini d’y goûter, car les techniques d’élevage industriel et la promiscuité entre les hommes et les animaux dans certains pays favorisent le développement de nouvelles maladies.

«Quatre choses contribuent à l’apparition de zoonoses, dit le Dr Martineau: l’empiètement de l’homme sur les milieux naturels d’un nombre grandissant d’espèces; l’entassement d’un grand nombre de personnes et d’animaux dans des espaces restreints; les transports modernes, qui permettent une plus grande mobilité des personnes et des animaux infectés; et certains procédés employés dans la production agricole industrielle.»

Dans certains marchés publics d’Asie, où prévalent de mauvaises conditions d’hygiène, on a probablement toujours connu des zoonoses. Mais ces affections demeuraient confinées à ces endroits jusqu’à ce qu’elles disparaissent. Le déplacement rapide des gens vers d’autres pays, quelquefois avant même qu’ils manifestent des signes d’infection, fait augmenter les risques d’exportation des maladies. «Quitte à paraître cynique, je prédirais que le nombre de maladies va augmenter avec le développement économique de la Chine, à moins que les contrôles sanitaires ne s’améliorent.»

En 1997, à Hong-Kong, on abattait des milliers de poulets après avoir constaté que la souche H5N1 de l’influenza était passée directement de la volaille à l’homme. Jusque-là, on croyait que l’agent infectieux était transmis par le porc. En 2004, le phénomène s’est répété, et les autorités ont appliqué la même solution.

Quand Daniel Martineau a fait ses études, dans les années 70, on croyait que, sauf de rares exceptions, la barrière interespèce était infranchissable pour les maladies infectieuses. Il a fallu abolir ce dogme depuis que les chercheurs ont attribué l’origine du sida au chimpanzé, la maladie de Creutzfeldt-Jakob aux bovins, etc. Plus récemment, on a soupçonné la civette d’être à l’origine du SRAS. Le virus du Nil occidental, apparu il y a quelques années sur le continent américain, se transmet par les oiseaux. Un Hantavirus, qui cause une pneumonie foudroyante, est transmis par les rongeurs.

Seul point commun entre toutes ces épidémies (à l’exception de l’encéphalite spongiforme bovine, due à un prion): elles sont virales et la plupart des virus en cause utilisent l’ARN comme matériel génétique, ce qui leur confère la capacité de changer rapidement. Cela fait dire au pathologiste que plus d’argent devrait être investi dans la recherche en épidémiologie, particulièrement en pathologie et virologie animales.

Dans les études de premier cycle en médecine vétérinaire, Daniel Martineau aborde dans son enseignement le sujet des zoonoses, un phénomène peu connu et sous-estimé par les organismes de santé publique.

Les personnes atteintes du sida peuvent être infectées par la tuberculose du bovin ou par sa forme aviaire. Ces gens peuvent alors communiquer à leur tour la maladie au bétail et aux animaux sauvages captifs dans les zoos ou dans les élevages. On observe une recrudescence des maladies infectieuses notamment chez le cerf de Virginie et le raton laveur. L’ongulé est un vecteur bien connu de la maladie de Lyme et le raton laveur transmet la leptospirose en plus de la rage.

Daniel Martineau, un des rares vétérinaires québécois à se consacrer à l’étude des animaux sauvages, est reconnu pour ses travaux sur les bélugas du Saint-Laurent. Pas une carcasse échouée sur les rives du fleuve depuis 17 ans n’a échappé à ses analyses. En 2002, une équipe de la revue National Geographic (édition française) a rencontré le professeur Martineau à l’occasion d’un reportage sur ces petits cétacés du Saint-Laurent.

Mathieu-Robert Sauvé



 
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