Édition du 16 février 2004 / volume 38, numéro 21
 
  Quand les bleues tournent au rouge
Une étudiante du Département de physique résout l’énigme d’un amas stellaire intrigant

Geneviève Caron

Les différents amas d’étoiles observables dans notre galaxie sont une mine d’informations pour les astrophysiciens puisque, selon la théorie en vigueur, les étoiles se formeraient par groupes au sein de nébuleuses. En étudiant des amas de plusieurs âges, les chercheurs peuvent ainsi observer les diverses étapes de l’évolution des étoiles.

«Dans un amas d’étoiles, on s’attend à trouver, entre autres, des étoiles supergéantes bleues et des supergéantes rouges, explique le professeur Anthony Moffat, du Département de physique. Habituellement, il y a deux fois plus de supergéantes bleues que de rouges.»

Mais l’observation d’un jeune amas d’étoiles, l’amas NGC 7419, dans la constellation de Céphée, située entre l’étoile Polaire et l’horizon nord, vient chambouler le plan établi. Selon la théorie, on devait noter dans ce type d’amas la présence d’une dizaine de supergéantes bleues, mais on n’en a compté aucune. Les astrophysiciens ont en revanche observé cinq supergéantes rouges.

«La couleur des étoiles est déterminée par leur chaleur à la surface, poursuit le professeur. Lorsqu’une étoile massive – de l’ordre de 10 fois la masse du Soleil – épuise son hydrogène, son noyau se comprime, mais son enveloppe se dilate. Quand sa taille atteint de 20 à 30 fois celle du Soleil, on est en présence d’une supergéante bleue. Les supergéantes rouges atteignent quant à elles jusqu’à 100 fois la taille du Soleil. Elles sont rouges parce que les gaz à la surface sont moins denses, donc plus froids, que ceux à la surface des bleues.»

La masse du noyau initial est déterminante dans l’évolution de l’étoile, mais selon le modèle admis les étoiles massives passent normalement par l’étape des supergéantes bleues avant de devenir des supergéantes rouges.

Et ça tourne!

Deux exemple de supergéantes observables à l’œil nu dans la constellation d’Orion: en haut à gauche, Bételgeuse, la supergéante rouge; en bas à droite, Rigel, la supergéante bleue.

La présence de supergéantes rouges dans l’amas NGC 7419 et l’absence de bleues étonnent d’autant plus que cet amas est très jeune, soit 14 millions d’années. Par comparaison, notre soleil, une étoile jaune de taille moyenne, est âgé de 4,5 milliards d’années alors que l’Univers a 14 milliards d’années.

L’amas compte en outre sept étoiles bleues qui ne sont pas des supergéantes. Une mesure de spectroscopie réalisée sur ces étoiles bleues par Geneviève Caron, dans une recherche de maîtrise au Département de physique, a permis d’établir que les étoiles de cet amas tournent nettement plus vite sur elles-mêmes que les autres étoiles de ce type et de cet âge. Leur vitesse de rotation est en effet estimée à 400 kilomètres à la seconde, alors que les étoiles du même type tournent normalement à des vitesses allant de 150 à 200 kilomètres à la seconde.

Anthony Moffat

La vitesse de rotation est déduite par la présence de disques de matière propulsés par l’étoile et observables par des lignes d’absorption dans le spectre.

Ces irrégularités des étoiles de NGC 7419 viennent par ailleurs confirmer une partie de la théorie qui prédit que les supergéantes dont la vitesse de rotation est très élevée devraient passer plus rapidement, voire sauter, l’étape de la supergéante bleue. L’observation de Geneviève Caron expliquerait l’absence de supergéantes bleues dans cet amas.

Mais en sciences, une réponse apporte une nouvelle question. Pourquoi ces étoiles tournent-elles si rapidement? La seule hypothèse que les chercheurs osent formuler pour le moment est que les mouvements de gaz auraient été plus chaotiques dans cette région de la galaxie.

Ces travaux de Geneviève Caron ont été réalisés à l’Observatoire du mont Mégantic et ont nécessité 30 nuits d’observation. La recherche a été dirigée par les professeurs Anthony Moffat et Nicole St-Louis, de l’UdeM, avec la collaboration de Gregg Wade, du Collège militaire royal de Kingston, et de John Lester, de l’Université de Toronto. Les résultats ont été publiés dans The Astronomical Journal de septembre 2003.

Daniel Baril



 
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